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Chagrin d’un chant inachevé, Sur la route de Che Guevara François Henri Désérable (Ed: Gallimard, 2025)

Chagrin d’un chant inachevé, Sur la route de Che Guevara  François Henri Désérable (Ed: Gallimard, 2025)

Et revoilà FH Désérable que je vous avais fait découvrir avec plaisir en présentant « L’usure d’un monde (une traversée de l’Iran) » dans ce blog (16/10/2023).

Retrouvons donc ce jeune et dynamique auteur, qui a déjà écrit plusieurs livres à succès, et qui, de plus, a fait carrière de joueur de hockey sur glace professionnel pendant 10 ans ! Avec la même inspiration qui l’a conduit sur les traces de Nicolas Bouvier en Iran, il nous relate son périple à travers l’Amérique latine, de Buenos Aires au Venezuela, pour finir à Cuba, sur l’itinéraire emprunté en 1952 par un jeune étudiant en médecine de Buenos Aires, un certain Ernesto Guevara accompagné de son copain Alberto Granado. Cet épisode de la vie d’Ernesto « Che » Guevara est bien connu et documenté. Il est considéré comme à l’origine de la prise de conscience par ce jeune homme de 23 ans de la pauvreté et des très grandes inégalités sociales qui prévalaient en Amérique latine à l’époque (et qui n’ont pas disparu, loin de là). Un film en a même été tiré (« Carnets de voyage », de Walter Salles, 2004).

Connaissant le talent d’écrivain voyageur, et plus largement de conteur, de FH Désérable, qui sait nous séduire par son écriture fluide et imaginative, j’étais impatient de découvrir le regard porté sur ce voyage du « Che » mais aussi sur la situation actuelle des pays traversés.

En fait, le voyage de FH Désérable se situe en 2017, il y a déjà 8 ans. Il ne le dit pas au début, mais il se trouve au Venezuela au moment de l’élection présidentielle française de 2017. Il y manque donc un regard d’actualité sur les réalités politiques, économiques et sociales des pays traversés, alors qu’il a réussi à le faire de façon remarquable en Iran, en parlant avec des Iraniens « de la rue ». Ceci étant, son récit est très bien écrit et fourmille d’anecdotes dans la grande tradition des écrivains voyageurs.

Le titre du livre répond bien au motif de ce voyage. Quelques années après ce périple initiatique, devenu militant révolutionnaire, chassé du Guatemala où un président démocrate de gauche vient d’être renversé par un coup d’État militaire, Che Guevara arrive au Mexique où il fait la connaissance des deux frères Raul et Fidel Castro. Le 6 juillet 1956, six mois avant de débarquer à Cuba avec quatre-vingt guérilleros, il écrit à ses parents « qu’à moyen terme son avenir est lié à la révolution cubaine, qu’il triomphera avec elle ou qu’il mourra là-bas », et il conclut en citant ces vers de Nazim Hikmet, un poète turc qui fut l’ami de Pablo Neruda :

  « Et je n’emporterai dans ma tombe

     Que le chagrin d’un chant inachevé »

FH Désérable part donc de Buenos Aires, lui aussi avec un ami, un certain Quentin, hispanophone, et aux commandes d’une moto qu'ils doivent livrer en Patagonie. Ils continueront ensuite en auto-stop, au Chili tout d’abord, où il nous apprend l’expression colombienne « ir con el chance », aller avec la chance. Ils séjournent quelque temps dans la mythique ville de Valparaiso, où ils rendent hommage à Pablo Neruda, dans sa maison-musée d’Isla Negra, (mais sans évoquer les circonstances mystérieuses de sa mort, en septembre 1973, douze jours après le coup d’État de Pinochet. Motif officiel : cancer de la prostate. Mais il demeure un fort soupçon d’empoisonnement. Une enquête judiciaire a été relancée en 2024).

Le livre contient des temps forts très bien rendus par une écriture claire et vigoureuse : en Bolivie en particulier, où il sait nous décrire les sites les plus extraordinaires : le « salar » d’Uyuni, immense désert de sel brillant au soleil, puis les mines de Potosi, une ville qui fut immensément riche à la fin du 16e siècle et qui est désormais « l’une des villes les plus pauvres d’un pays parmi les plus pauvres d’un continent qui n’est pas riche. La mine est presque épuisée, il n’y a plus d’argent mais il reste encore de l’étain et du zinc, et tant qu’il en restera il y aura encore des hommes pour creuser ». Percée de six cent galeries, la montagne d’argent s’est affaissée de cent mètres. « Il faut aller passer quelques heures là-dedans pour se faire une idée assez juste de ce que doit être l’enfer… Huit millions, c’est le nombre d’hommes, pour la plupart des Indiens arrachés à leur village, qu’a engloutis la montagne. » Enfin, FH Désérable va se recueillir à La Higuera, au fin fond du pays, plus précisément dans la région du Nancahuazu, « qui est à la Bolivie ce que la Creuse est à la France : le coin paumé par excellence » (les Creusois apprécieront…). Après nous avoir rappelé les circonstances de la mort du Che, il constate : « L’omniprésence du Che à La Higuera est frappante : pas un seul endroit au monde où l’on entretienne avec pareille ferveur le culte d’un mort. C’est simple, il est partout, absolument partout. Il a sa statue à l’entrée du village, son buste à côté d’une croix, et sur chaque mur de chaque maison, son visage. »

Puis vient le Pérou, avec un agréable séjour à Cuzco et le récit de la (re)découverte du Machu Picchu en juillet 1911 par un certain Hiran Bingham, professeur à Harvard et à Yale et grand voyageur (« si vous n’aimez pas les romans d’aventure, sautez le chapitre »). À Lima, autre temps fort : nous voilà sur une colline coupée en deux par un mur recouvert de barbelés : d’un côté, un bidonville sans eau courante, de l’autre des villas de luxe avec « des pelouses bien vertes qu’irriguent en permanence des tuyaux d’arrosage automatique ». Mais notre écrivain est mordu, côté bidonville par un chien « dressé pour attaquer les intrus : je suis un intrus ». Heureusement, il s’était fait vacciner, ce qui ne le dispense pas d’un traitement curatif de deux rappels de vaccin à faire dans un hôpital de Lima.

Juste avant d’achever son voyage à Cuba, face au portrait géant du Che sur la Plaza de la Revolucion, il séjourne au Venezuela. La situation de ce malheureux pays ne s’est pas du tout améliorée depuis son passage : des pénuries quotidiennes, à commencer par la nourriture, une insécurité extrême, avec à Caracas des quartiers entiers où il est impossible d’aller au risque de se faire détrousser voire pire. Mais le chauffeur de taxi qui le conduit à l’aéroport lui montre qu’il n’a pas vu le « vrai » Venezuela avec ses beautés naturelles et ses habitants si variés. Une belle conclusion pour nous inciter à repartir en voyage.

Signé: mon ami fidèle lecteur et critique...

 

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M
La pauvreté règne sur le peuple des gens ordinaires de cette Amerique qui jadis fut colonisée et a reçu le message d’une religion faite pour que les humbles croient que leurs souffrances leur permettra d’atteindre plus facilement que les riches le Paradis ! Et ça continue autrement…
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C
parfaitement ma chère Michèle!!! quand je vois que partout on essaie de tirer de l'argent aux pauvres au lieu de demander une contribution aux super riches (les entreprise sdu CAC 40 par ex qui bénéficient d'éxonérations de charges sociales , qui ne paient pas d'impôts, ce qui ne les empêche pas de licencier à tour de bras) je me dis que le monde va bien mal...<br /> merci pour tes commentaires, j'adore...