Il faut se réfugier dans les petits théâtres pour trouver encore toute la vivacité de la création scénique, concentrée sur des espaces réduits dans les impasses de Paris, quartier du Montparnasse.
/image%2F2174873%2F20251101%2Fob_03f98e_theatre-3.jpg)
Ici point de wokisme ! on respire le bonheur de l’intelligence, et le retour aux textes d’auteurs, qui, pour avoir 200 ans, nous parlent encore de la société française d’aujourd’hui.
Balzac s’est beaucoup intéressé au mariage, on retrouve cette thématique dans « Le contrat de mariage » (où il est question de la captation du patrimoine d’un homme par des moyens notariés), et dans « Physiologie du mariage » , une suite de réflexions sur l’avenir de cette institution, après notamment la Révolution et le Code Civil Napoléonien.
/image%2F2174873%2F20251101%2Fob_83041d_petites-miseres-sebastien-toubon-resea.jpg)
Il est vrai également que les histoires de maris trompés et de femmes volages font rire depuis qu’il y a des scènes de théâtre pour représenter les malheurs de la vie conjugale.
« Petites misères de la vie conjugale », n’est ni un roman, ni un essai, ni une pièce de théâtre. Ce sont des récits, des saynètes, des réflexions, écrits de 1830 à 1846, et publiés dans des journaux, que Balzac a ensuite rassemblés sous ce titre, et qui ont été intégrés à la Comédie Humaine, après la mort de leur auteur.
/image%2F2174873%2F20251101%2Fob_611f5e_balzacpettyconjugalworries02.jpg)
On le voit bien : Balzac s’amuse à relever toutes les vicissitudes du conjugo, depuis le choix du « bon parti », jusqu’à l’amitié finale des deux époux qui découvrent enfin, dans les liens extra-conjugaux, de quoi retrouver un sens et un plaisir à la vie. Toutes les étapes du « parcours » matrimonial d’un couple de la petite bourgeoisie font l’objet d’une description ironique de Balzac : l’enthousiasme des débuts, la migraine de Madame, la coquetterie qu’elle met à se sentir souffrante lors de sa première grossesse, la perte de sa beauté (elle a épaissi) et le dépit qui en résulte, l’ennui de Monsieur qui rentre de plus en plus tard, la jalousie, les disputes, les réconciliations, la solitude etc…
Le théâtre de poche, comme je l’ai déjà écrit plus haut, offre des espaces scéniques très rapprochés, les spectateurs ont littéralement le nez sur la scène. Il faut donc que les acteurs aient un jeu millimétré car nous, spectateurs, nous voyons tout et ne laissons rien passer.
L’astuce, c'est de disposer les objets et décors de telle sorte qu’il soit possible de recréer des lieux, des atmosphères, des situations différentes avec trois fois rien : la lumière qui se concentre, une barre qui suggère des fauteuils de spectacle, une corde attachée qui permet de se retrouver dans un fiacre, Monsieur guidant un cheval dont les soubresauts se répercutent dans le compartiment de Madame, etc…
/image%2F2174873%2F20251101%2Fob_c0db70_petites-miseres-sebastien-toubon-resea.jpg)
C’est pourquoi ce spectacle est un vrai enchantement. On sourit bien sûr, même si les réflexions désabusées de Balzac sont complètement machistes (donc conformes à l’époque). D’autant qu’il n’y a pas de véritable perdant, dans le couple. Les deux conjoints sont également déçus, et tentent de se libérer comme ils le peuvent. « Le mariage est un combat avant lequel les deux époux demandent au ciel sa bénédiction ».
/image%2F2174873%2F20251101%2Fob_0d50ef_13470.jpg)
Certes, Balzac voit les choses d’un point de vue masculin (mais il a aussi montré à quel point il pouvait intégrer la psychologie d’une femme, dans « La femme de trente ans »). Et la si désillusion d’un mari est très cruelle, Balzac n’en conclut pas moins que le mariage tout entier est une comédie :
« Il vous a donc fallu trois ou quatre ans de vie intime avant que vous ayez pu découvrir une chose horriblement triste, un sujet de perpétuelles terreurs.
Votre femme, cette jeune fille à qui les premiers plaisirs de la vie et de l’amour tenaient lieu de grâce et d’esprit, si coquette, si animée, si vive, dont les moindres mouvements avaient une délicieuse éloquence, a dépouillé lentement, un à un, ses artifices naturels. »
/image%2F2174873%2F20251101%2Fob_85bea5_images.jpeg)
/image%2F2174873%2F20251101%2Fob_41120c_theatre6.jpeg)
Cette mise en scène est un petit bijou, à la fois élégant et plein d’humour. Je recommande.