Le spectacle est composé de quatre fragments de textes de Pirandello : deux pièces intégrales en un acte (Circulez ! et La Fleur à la bouche), et deux extraits de deux autres pièces (Cecè et La Vie que je t’ai donnée).
Comme il s’agit du Théâtre de poche et donc de locaux exigus, il n’y a que 3 acteurs et la mise en scène consiste surtout à magnifier le texte, déjà incandescent par lui-même.
Donc rien de spectaculaire et il faut se concentrer sur le jeu des acteurs qui se déroule sous notre nez et exige une grande perfection. Aucun « à peu près », aucune hésitation, aucun dérapage ne sont possibles. La qualité est obligatoirement au rendez-vous.
Ceci étant, je me suis demandée pourquoi ce week-end, alors que d’ordinaire, les petites salles du théâtre de poche, sont pleines, cette fois-ci, il n’y avait que 10 spectateurs. Pauvres acteurs qui doivent donner le meilleur alors que le spectacle est confidentiel !
Les vacances de Toussaint, ou bien la pluie, ou encore Pirandello n'auraient pas inspiré le public?.
Pirandello, c’est vrai, c’est souvent synonyme de théâtre de la folie, à cause de la paranoïa de sa femme, qui aurait mérité un internement, internement auquel Pirandello ne pouvait pas se résoudre. Il l’a donc gardée auprès de lui et de ses 3 enfants, ce qui a représenté un traumatisme de tous les jours et s’est retrouvé dans son inspiration. Pirandello est un écrivain, dramaturge, poète, de génie, extrêmement prolifique (né le 28 juin 1867 à Agrigente, en Sicile, en Italie et décédé le 10 décembre 1936 à Rome) qui a eu le prix Nobel de littérature. De lui on connait bien sûr « Les 6 personnages en quête d’auteur », qui est une pièce de théâtre très décalée où les personnages dialoguent avec l’auteur.
On connait moins toutes les nouvelles qu’il a écrites et qu’il a rassemblées dans un ouvrage qui se voulait être les Contes des Mille et une Nuit modernes. Ces recueils sont intitulés "Nouvelles pour une année", l’ambition étant de présenter 365 nouvelles, une par jour.
Le spectacle du Théâtre de poche rassemble une sorte d’échantillon de l’écriture et de la pensée de Pirandello.
On commence avec un extrait assez drôle de "Cecé", qui met en scène un personnage haut en couleur, possédant de l’entregent « dans le monde » comme on dit, et qui est en train de se raser au moment où s’ouvre la séquence. Cecé a rendu un service assez louche à un entrepreneur des travaux publics et il va lui demander, en remerciement, une petite mascarade. Il s’agit d’aller récupérer chez une de ses conquêtes récentes, trois chèques qu’il lui a remis pour la séduire. C’est assez vaseux comme intrigue, mais cela brosse le tableau. La Sicile est pleine d’arnaqueurs qui trompent les uns et les autres, sur fond de trafics en tous genres.
Le second texte est également un moment d’ambiance. Il y a un mort, c’est le père de celle qui s’exprime et qui est une marchande ambulante. Devant son cadavre, elle raconte la misère, les coups, les injustices de l’ordre social, et tout ce qu’elle endure dans la vie.
« La Fleur à la Bouche » est un dialogue entre un client de bar, un homme qui a bêtement raté son train parce que sa femme s’est attardée à faire du shopping. En face un homme qui a une marque violette au coin de la bouche. On devine qu’il s’agit d’une maladie mortelle, de type cancer. La futilité du client, qui attend le train suivant, éclate quand l’homme à la fleur commence à raconter quel est son quotidien et comment il voit la vie, de son côté. Tout change, on s’en doute…
Et la dernière petite pièce, « La Vie que je t'ai donnée » est probablement la plus profonde, la plus métaphysique, la plus poignante. Une femme a attendu son fils parti à l’étranger pendant 7 longues années. À peine revenu, ce fils est décédé. La femme explique que son fils n’est pas mort, qu’il est encore parti et qu’il reviendra. Il n’est pas mort tant qu’elle vit, il n’y a, selon elle, pas de différence entre une absence et la mort. Le texte est particulièrement intelligent et bien interprété.
J’ai beaucoup aimé ce spectacle exigeant et si bien servi par des acteurs très précis.
Mise en scène Valérie Aubert