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Il Risveglio (Pippo Delbono, théâtre du Rond Point)

Il Risveglio  (Pippo Delbono, théâtre du Rond Point)

On peut être un grand metteur en scène, un excellent poète, un dramaturge expérimenté et produire un piètre spectacle ; C’est le cas de Pippo Delbono, dont j’ai vu maintes créations au théâtre du Rond-Point, où il est considéré comme l’artiste emblématique.

Pippo Delbono, qui a été l’élève de Pina Bausch et qui en pratique les méthodes chorégraphiques, a créé un théâtre d’atmosphère, centré sur les émotions, le langage onirique, l’évocation des ambiances, l’expression de l’âme.

Je me souviens parfaitement de certaines pièces, comme « Urlo », ou « Questo buio feroce», ou « Gente di Plastica » qui m’avaient fait forte impression. Les larmes coulaient sur les joues des spectateurs, tant les musiques, les textes, le corps et les gestes des acteurs étaient beaux et troublants.

L’incroyable danseuse qu’était Pina Bausch (1940-2009) disait qu’il s’agissait de représenter « quelque chose dans lequel nous pouvons nous retrouver ».

Urlo, par exemple, qui veut dire « le cri » nous donnait à voir non seulement le cri du nouveau-né, mais aussi la plainte du supplicié, la gueulante de l’enragé, l’agonie du malade. Mais “urlo”, c’est aussi le hurlement. Celui du vent, celui des loups et de la meute des puissants, la clameur du peuple. La puissance évocatrice des acteurs choisis non pas pour leur beauté mais justement pour leur capacité de « vibrer », les tableaux successifs, la musique, tout le spectacle irradiait cette nostalgie qui est la caractéristique de la poésie de Pippo Delbono.

Pippo Delbono parle de lui, de sa rencontre avec l’amour de sa vie qui est mort très jeune dans un accident de moto et qui lui a refilé le SIDA, des liens qui l’unissaient à sa mère (qui aurait tant aimé qu’il soit hétéro), de sa découverte au fin fond d’un asile de fous à Naples, où il moisissait depuis 45 ans, de son acteur fétiche Bobo, un aliéné sourd et muet, de ses rêves et de ses peurs.

Enfin, tous ses spectacles avaient un côté hallucinatoire qui plongeait les spectateurs dans le monde torturé et fantastique de Pippo Delbono. On pouvait trouver parfois bien trop provocantes ses mises en scènes, particulièrement lorsqu’il évoquait la mort, celle de sa mère (filmée et projetée), ou celle de malades du SIDA (en référence à la crucifixion), mais on ne repartait jamais sans être remué, interrogé, renvoyé à ses propres angoisses et espérances.

Dans ce dernier spectacle, j’ai bien compris que Pippo Delbono avait choisi de prolonger la précédente création où il s’endormait sous un arbre et se voyait enfoui sous les fleurs. « Il risveglio », c’est le réveil. Le réveil après ce temps de latence qui nous a été imposé pendant la crise du COVID.

En soi, c’était une bonne idée, mais il aurait fallu un peu plus de profondeur et de mise en scène. On a l’impression que Pippo s’est contenté de rabâcher quelques textes qu’il a écrits de ça de là, sans faire l’effort d’une véritable originalité. Il nous rappelle Bobo, aujourd’hui disparu, à qui il avait demandé en son temps de dire l’éloge funèbre de Pina Bausch et qui avait alors poussé un cri de colère accompagné d’une longue plainte. Bon, on comprend que Bobo avait le génie de s’exprimer sans mots, et que ce n’était pas nécessaire d’ajouter des paroles à la souffrance.

Moi j’ai eu la déception de constater que Pippo Delbono n’avait surtout plus rien à dire et que c’était bien triste. Vieillir est un naufrage…

 

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