La réputation Laure Daussy (Les Echappés, 2023)

À ma connaissance, il n’y a vraiment que Charlie Hebdo qui a couvert, dans son intégralité et ses détails, l’affaire Shaïna. C’est donc assez logique que ce soit une journaliste de Charlie Hebdo qui s’attelle, dans ce livre La Réputation, à une étude sur le terrain des circonstances familiales, culturelles, socio-économiques de ce meurtre épouvantable. Les néo-féministes, qui pleurent sur la « culture du viol » dès qu’un homme les regarde dans la rue, se sont abstenues de soutien, toutes certainement plus alignées sur l’intersectionnalité que sur la vérité d’un crime tout ce qu’il y a de plus sexiste.

Je crois que le meurtre de Shaïna a marqué pour moi une rupture définitive avec toutes les idéologies néo-féministes et intersectionnelles plaintives que j’estime être de pures escroqueries.

Je rappelle les faits : le 25/10/2019, Shaïna, 15 ans, a été sauvagement assassinée de plusieurs coups de couteau et brûlée vive par son petit copain qui ne supportait pas qu’elle soit enceinte de lui. En cause : la « réputation » de la pauvre adolescente qui avait eu la malchance d’être violée deux ans plus tôt par 3 garçons du quartier !! Driss, son « amoureux », n’allait pas devenir le papa d’une enfant de pute !!!! Les évènements se déroulent à Creil, ville parmi les plus pauvres de France où s’entassent les immigrés, triés par origines dans des immeubles HLM du Plateau, quartier défavorisé du Rouher.

Le chômage y règne : 25% contre 7% France entière. La culture de l’Islam également et pas l’Islam des Lumières, on s’en doute. Shaïna est elle-même issue d’une famille Mauricienne et musulmane. Elle a un grand frère Yasin, qui dira, lors du procès, que c’est grâce à sa religion qu’il n’a pas cherché à se venger directement, c’est dire !!! Car, c’est pourtant au nom des « valeurs » religieuses que l’ « amoureux » de Shaïna, qui ne voyait pas d’inconvénients à avoir des rapports sexuels non protégés avec cette fille « facile », ne pouvait pas envisager cependant, quoiqu’ait pu prétendre sa famille après « coup », que Shaïna soit enceinte de ses œuvres.

Shaïna, qui avait porté plainte suite au viol qu’elle avait subi à 13 ans et aux traumatismes conséquents, avait été passée à tabac pour « avoir parlé ». C’est donc l’omerta qui fait loi, et d’ailleurs, les agresseurs n’écoperont, 5 ans plus tard, que de peines légères assorties de sursis.

Le procès du meurtre s’ouvre en juin 2023. Le meurtrier ne cache pas le mépris qu’il éprouvait pour sa victime, avec laquelle il échangeait pourtant des relations intimes SUIVIES. Il nie, contre toutes les évidences. C'est un rappeur, un influenceur admiré! Quelle honte!

Au-delà de l’aspect sordide de ce crime, la journaliste examine ce qui, dans les « quartiers », fait la réputation d’une fille. On pense tout de suite à l’habillement et c’est vrai que la jupe y est considérée comme « haram », tout comme n’importe quel vêtement qui ne cache pas parfaitement les formes (une fille s’est faite houspiller parce qu’elle n’avait pas mis un pull-over sur ses hanches, alors qu’elle portait un jean !). Mais s’afficher avec un garçon peut également vous envoyer dans la case maudite, (même si c’est un copain). Pire encore, refuser des avances peut aussi entrainer des rumeurs de fille facile, par vengeance et dépit. En fait, il suffit d’apparaitre faible pour sombrer du mauvais côté de la pente. Et, à partir de là, tout est possible : la journaliste cite le cas d’une fille « facile » préposée à faire des fellations dans les escaliers de son immeuble et qui ne voyait pas comment se protéger et dire non, si ce n’est ne plus sortir du tout.

Alors « ils » (eux, les garçons) prétendent tous, quand il en est question, qu’ils respectent les femmes comme des bijoux précieux. J’ai entendu cette phrase dans la bouche des talibans afghans comme garantie de leur « féminisme ».

Des bijoux si précieux qu’il faut les garder au coffre. En réalité, il faut s’en assurer la totale propriété, car, à la moindre rayure, le diamant se transforme en bouse de vache qu’on peut piétiner, voire massacrer. La moindre rayure, on l’a vu, ne résulte pas toujours du comportement des filles. Elle peut aussi être la conséquence d’une lassitude de leur propriétaire !

Certes, il y a beaucoup de femmes seules avec enfants à Creil, mais on aurait tort d’en déduire qu’elles ont fait le choix de s’assumer sans mari, parce qu’au contraire, ces femmes sont toutes mariées. « Religieusement » s’entend, car les maris n’ont qu’une seule femme légitime, mais plein d’autres non déclarées, qui permettent de s’assurer une nombreuse descendance tout en profitant des allocs pour chacune des mamans « célibataires ».

Je n’élude pas la question de la pauvreté, de la gangrène des deals de drogue, de la délinquance, de l’absence de services publics et même de commerces dans ces zones déshéritées. C'est un vaste problème, qui n'excuse rien, mais qui contingente la vie des habitants.

Laure Daussy examine avec grand soin les conséquences de la désindustrialisation, l’arrivée du chômage de masse, la débandade de l’éducation nationale (on fait entrer au CP des enfants qui ne parlent pas français, et en 6^ème ceux qui ne savent pas lire), l’influence des réseaux sociaux.

Et comme toujours, la répression s’abat sur les femmes. Être pure, rester pudique, se « préserver » pour le mariage, toutes ces prescriptions visent à s’assurer du contrôle de la sexualité et de la liberté des femmes.

Ces règles ne sont pas la marque d’un quelconque « respect » mais au contraire des préceptes visant à inférioriser les filles, quand ce n’est pas à les humilier.

J’ai honte, le meurtrier de Shaïna est encore soutenu par toute une frange de la population de Creil, qui donne tort à cette pauvre fille et considère qu’elle l’a bien cherché !

Shaïna, je ne te connais pas, mais je pense à toi, souvent. Les crimes atroces défigurent le monde qui n’en a pas besoin, (surtout en ce moment). Ma solidarité, sera, je l’espère, un des fils de la Vierge qui devrait un peu le réparer.

"Manibus date lilia plenis" Virgile