« Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin, la Ville-de-Montereau, près de partir, fumait à gros tourbillons devant le quai Saint-Bernard.
Ce fut comme une apparition :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda. [..]. Elle était en train de broder quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu. »
Voilà comment Flaubert commence son roman, réputé assez autobiographique, et dans lequel on trouve des thèmes et des sujets de réflexion qui reviennent tout au long de son œuvre. Ce roman a été écrit en 5 ans entre 1864 et 1869, Flaubert a 48 ans, il pense à ce roman depuis sa jeunesse et il a déjà écrit Madame Bovary et Salammbô, il a subi un procès retentissant pour atteinte aux bonnes mœurs (Madame Bovary), mais il est très bien introduit dans la société mondaine du 2nd Empire finissant.
En un mot, le héros de l’Éducation Sentimentale, Frédéric Moreau, est un anti-héros, il se heurte à la réalité et toutes ses illusions vont peu à peu tomber. C’est un roman de l’échec d’une vie, de toutes les vies d’ailleurs. Flaubert a vu ce qu’il s’est passé en 1848, il a compris que les grands révolutionnaires idéalistes se sont empressés de devenir les plus répressifs quand le vent a tourné, tandis que les plus conservateurs monarchistes n’ont pas tardé à faire allégeance à l’éphémère République, puis à Napoléon III. Les fidèles, les sincères, les naïfs se feront systématiquement piétiner, si ce n’est carrément massacrer.
C’est donc avec beaucoup de recul et d’humour que Flaubert donne vie à une galerie de personnages, qui occupent le monde de Frédéric Moreau, préoccupé de faire fortune à Paris et surtout d’y trouver l’amour.
Le théâtre de poche a développé depuis très longtemps une ligne directrice : très peu d’acteurs, une scène minuscule, pas de décors, tout se joue sur la qualité des textes et le jeu des comédiens.
Comme on est nez à nez avec les comédiens, leu jeu doit être juste au millimètre, toute hésitation, toute erreur, toute fausseté se voit comme dans un miroir grossissant. Les acteurs sont donc extraordinaires.
C’est le cas avec Sandrine Molaro, Gilles-Vincent Kapps qui interprètent les principaux personnages en leur donnant tellement de vérité, de vie, qu’on comprend très vite quand ils passent e de l’un à l’autre.
il y a donc :
Frédéric Moreau : Personnage principal du livre. L’acteur lui donne un air candide, c’est un amoureux transi qui, malgré ses autres rencontres plus ou moins heureuses, reste fidèle à Madame Arnoux.
Madame Arnoux : Grand amour inaccessible de Frédéric, jouée comme si elle était une princesse éthérée.
Monsieur Arnoux : Marchand prospère puis criblé de dette, Frédéric lui prête de l’argent à fonds perdus. Joué comme un hâbleur, se vantant d’être républicain, et sans beaucoup de scrupules.
Deslauriers : Ami de jeunesse de Frédéric, et son double inversé. Une ambition de journaliste, mais toujours fauché et à la recherche des financements de Frédéric ou d’autres.
Louise : Gamine délurée et séduisante, fille du père Roque, le voisin de Frédéric, elle est très amoureuse du jeune homme et espère se marier avec lui. Frédéric la regarde avec amusement et tendresse comme on regarde un enfant. C’est assez drôle de la voir se jeter au cou de Frédéric puis de Deslauriers.
Monsieur et Madame Dambreuse : M. Dambreuse est un banquier prospère. Le comédien prend un peu des airs de Valery Giscard D’estaing, c’est à pleurer de rire. Sa femme, excellement jouée par la comédienne, est une grande bourgeoise, pieuse mais noue une liaison avec Frédéric.
Rosanette : Rosanette est une femme de petite vertu qui collectionne les amants, dont M. Arnoux, et plus tard, Frédéric. Elle adore les chiens, et son personnage est un peu vulgaire, elle s’attend à être entretenue.
Dussardier : Journaliste engagé, c’est un ami de Frédéric .
Sénécal : Politicien habile et redoutable, c’est lui qui tire sur Dussardier, lors d’une émeute.
Je recommande vivement, c’est un vrai régal !!!