C’est vrai qu’il est tout à fait vertigineux de démasquer un imposteur. Il faut croire qu’ils sont nombreux à adopter l’identité d’un médecin, comme Jean-Claude Romand car ce n’est pas la première fois que j’entends des histoires d’impostures mettant en scène des médecins. Celui-là est un imposteur de génie, capable de construire toute une ribambelle de personnages, aux parcours rocambolesques, avec des histoires familiales complètements différentes.
Sonia Kronlund, tout le monde la connait, c’est l’immense documentariste qui produit (ou anime ?) l’émission Les Pieds sur Terre, qui est diffusée tous les jours de semaine sur France-Culture à 13 h 30.
Elle s’est passionnée pour cette histoire d’imposteur, celle-là et pas une autre, dont la diffusion a eu lieu le 2 février 2017.
Dans la catégorie des imposteurs, j’ai déjà relevé au moins 3 types :
Il y a ceux comme Jean-Claude Romand ou Xavier Dupont de Ligonnès, qui s’inventent une autre vie en réparation de ce qu’ils auraient voulu obtenir, mais où ils ont échoué. Ceux-là construisent un cursus social et professionnel auquel ils font adhérer toute leur famille. Comme Carrère l’a raconté dans l’Adversaire, ces imposteurs ne supportent pas d’être démasqués, ne tolèrent pas la vérité, et préfèrent éliminer tous les témoins et victimes des illusions qu’ils ont bâties.
Mais il y a aussi ceux qui cachent une vérité parce qu’elle contredit leur statut social. Ceux qui cachent des maîtresses, une vie parallèle, des comportements qui n’entreraient pas en adéquation avec ce qu’ils veulent paraitre. C’est le cas notamment des curés, des hommes mariés, des dirigeants de toutes sortes. Dans l’Imposture, roman de 1927 de Georges Bernanos, on a ainsi l’image d’un prêtre, l’Abbé Cénabre, vraisemblablement inspiré de l'abbé Brémond, prêtre en disgrâce, célèbre à l'époque, ami de Maurice Barrès et de Paul Valéry, académicien, jésuite modèle qui cachait un très fort anticléricalisme. Mais il y a aussi le célèbre curé d’Uruffe, qui, en 1956, a assassiné une jeune fille enceinte de ses œuvres avant de poignarder en le défigurant l’enfant qu’elle portait et qu’il avait réussi à extirper de son ventre.
Il y a aussi le cas, dans les années 1980, d’un dirigeant d’Amnesty International qui se livrait à des séances de masochisme très violentes !!!!
Et enfin, il y a ceux, comme dans ce livre intitulé l’Homme aux mille visages, qui, pour des raisons qui ne tiennent pas forcément à la lubricité ou au besoin de reconnaissance sociale, ou même à l’enrichissement personnel, choisissent d’éparpiller leur image en de multiples fragments, chacun d’eux étant vécu comme un tout par leur entourage. C’était le cas pour Marie Bosch, une illustratrice qui a découvert la double personnalité de son compagnon, alors qu’ils avaient acheté un appartement et qu’elle avait déjà accouché de sa petite fille. Marie Bosch en a illustré un livre intitulé : L’Imposture ».
"L’Homme aux mille visages" de ce livre, se fait appeler Riccardo, Daniel, Alexandre, Richard etc.. Il est brésilien, argentin, chilien,…parle anglais, portugais, espagnol, polonais, mais surtout, il a autant de vies que de prénoms, des choses très crédibles, une mère mourante, une ex, décédée dans un accident de la route, un ami à New-York. Ses fantaisies imaginatives semblent sans bornes, mais, pour les rendre crédibles, il a beaucoup travaillé. Il connait tous les termes de la chirurgie thoracique, (censée être sa spécialité) il est capable de tenir une conversation avec des pros dans le domaine de l’ingénierie mécanique, (dans une autre vie parallèle, il est chef ingénieur chez Renault) ou autres techniques.
Il a un faux passeport, des faux relevés de comptes bancaires, de fausses cartes de la CAF, de faux billets d’avion, de faux certificats en tous genres, il reçoit de faux appels téléphoniques qui lui font verser de vraies larmes, bref tout est faux et tout semble vrai. Mais il vit une vie maritale dans plusieurs lieux, dans plusieurs pays et continents, il est papa de plusieurs bébés probablement. Celle qui a raconté l’histoire à Sonia Kronlund, s’est rendue compte de la supercherie alors qu’elle vivait déjà avec lui depuis quelque temps et qu’elle était enceinte de plusieurs mois.
Je comprends l’intérêt de Sonia Kronlund pour ce personnage mystificateur, qui pratique l’art du mensonge poussé à l’extrême, au point où on se demande comment il peut s’y retrouver entre tous ces édifices, ces récits entortillés, ces femmes nombreuses qui croient toutes être les seules. Dans le cas de ce Riccardo, elles disent que ce n'est pas pour l'argent (qu'il leur a piqué quand même) mais peut-être pour le jeu, pour le plaisir de vivre des tas de vie à la fois!
Un frisson nous secoue l’échine en pensant à la situation. Des femmes sont quasi mariées et attendent des bébés avec un imposteur !!! brrrr….
Sonia Kronlund a une écriture de journaliste, autrement s dit, son livre se lit très bien, c’est un documentaire où elle a seulement flouté les visages. C’est un voyage aussi, dans des personnalités, celles des imposteurs, qui nous demeurent pour toujours incompréhensibles. Ça fait très peur...