Nora Bussigny est journaliste, elle précise en outre elle-même qu’elle est franco-marocaine, ce qui n’est pas indifférent au regard de l’enquête qu’elle nous propose dans ce livre.
La technique utilisée pour entrer dans les cercles du wokisme ordinaire en France en 2022, c’est l’infiltration, avec les risques qu’elle comporte : être dévoilée avant la fin du reportage, se trahir soi-même au cours de l’enquête en se prenant les pieds dans le tapis, et enfin être jetée aux bêtes sauvages après publication.
Si elle a intitulé son livre « Les nouveaux inquisiteurs », du nom donné de manière prophétique par le philosophe Etienne Borne dans les années 80, c’est que les militants les plus en pointe de toutes les branches du wokisme ne se privent pas d’user et d’abuser de tous les défauts qu’ils dénoncent : intolérance, violence, rejet, exclusion, discrimination, et ce, non seulement envers leur bête noire (oh pardon, je devrais dire leur ennemi principal), à savoir le mâle blanc cisgenre, mais aussi, et presque surtout envers celles et ceux qu’ils considèrent comme insuffisamment acquis à leurs folies. Il faut comprendre que leur haine se déverse, de manière redoublée, comme finalement dans tout mouvement sectaire, sur ceux qui sont considérés comme pas assez radicaux, donc pas assez convaincus. C’est un peu ce qui se passe au cours d’une Révolution ou d’un coup d’État, ou d’une prise de pouvoir : les premiers à être pendus sont ceux qui ont soutenu le mouvement dès le début.
Pour en revenir au livre, qui, parce qu’il est écrit par une journaliste, se lit avec gourmandise, il s’agit donc d’une immersion dans différents milieux atteints de wokisme avancé : réseaux sociaux, associations LGBTQIA+, féministes, colleuses, lieux de formation, université, manifestations, coordination Antirep (…pression), antifa, écolo-végan, racisés (j’ai horreur de ce mot), décoloniaux, transgenrés, indigénistes de tous poils…
Rien qu’à l’énumération, je pense qu’on voit déjà le problème : il n’y a qu’un mot qui rassemble tout ce beau monde, le « wokisme » mais, dans la réalité, rien ne rapproche vraiment toutes ces luttes, si ce n’est le projet commun et funeste, de faire advenir une société morcelée ou tout le monde se déteste et où les libertés de penser et de s’exprimer sont strictement conditionnées au respect de la doxa qui n’est rien d’autre que le suicide de la civilisation occidentale.
La détestation étant érigée en dogme, il n’y aurait, dans cette société digne des plus sombres dystopies, que des gens crachant sur nos valeurs universalistes et humanistes, au profit d’un relativisme ignorant et intolérant, promouvant la folie, la bêtise, la manipulation des consciences, la falsification de l’histoire, l’abrutissement généralisé et la négation de notre background culturel. Heureusement, si j’ose dire, dès qu’on gratte un peu, on s’aperçoit que tous ces woke se détestent entre eux également et ne feront jamais société, ce qui supposerait un peu plus d’acceptation des différences.
Voilà quelques remarques trouvées dans le livre que je cite pour illustrer :
La journaliste finit par intégrer, pendant le temps de son immersion, les codes du milieu qu’elle fréquente au point de douter d’elle-même, et de culpabiliser de ce qu’elle n’a pas choisi d’avoir ou d’être, ce qui montre à quel point les lavages de cerveaux fonctionnent.
« Ce qui me hante, c’est de m’apercevoir à quel point cet aspect des privilèges, que ces militants s’acharnent à vouloir déconstruire en une pâle copie de la Révolution, fonctionne sur moi. Privilège blanc, privilège hétérosexuel, privilège mince, privilège cisgenre, privilège « bourgeois », privilège parisien, privilège français, privilège « valide », privilège « déiste » ou encore privilège « vivante » si l’on extrapole à l’envi, ma culpabilité en prend pour son grade ».
Voilà comment il faudrait se comporter pour se déculpabiliser :
Durant une journée entière, la jeune activiste [Irène Garcia] a entrepris de se balader dans Paris sans protection périodique afin de laisser ses menstruations couler « publiquement » pour sensibiliser à la lutte contre la précarité menstruelle. Remarquée par certains médias (le média féministe Madmoizelle avait d’ailleurs honteusement qualifié dans son article les personnes qui ont leurs règles de « femmes », ce qui aujourd’hui serait considéré comme purement transphobe), Irene avait fait sensation….
L’Université (du moins Paris VIII) est aujourd’hui « colonisée » par ces idioties :
« Au détour d’un couloir, il m’arrive de noter les intitulés des cours conduisant aux différents masters, comme celui d’études de genre qui propose le mardi de 12 heures à 15 heures un TD de « stratégies d’écriture des désirs lesbiens et queers dans la littérature contemporaine espagnole » juste avant celui d’« éthique et politique du care ». Il est aussi possible le mercredi de découvrir « les restes d’une histoire intersectionnelle de l’Europe du temps présent » puis de se rendre en cours d’« écoféminismes, théories et pratiques », sans oublier le vendredi matin le cours d’« approches décoloniales de la culture et de la communication ».
Et justement c’est grave, ce n’est pas un épiphénomène, car la liberté académique n’est pas absolue, comme toutes les libertés d’ailleurs.
« Le Code de l’éducation est très clair : il [ie : L’enseignement supérieur] doit être laïque et doit rester indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique. Le même code précise aussi que le service public de l’enseignement supérieur doit “tendre à l’objectivité du savoir” et doit “respecter la diversité des opinions”. Enfin, l’indépendance et la liberté d’expression de l’enseignant dans l’exercice de ses fonctions sont limitées par des “principes de tolérance et d’objectivité”. »
Nora Bussigny contacte Abdoulaye Kanté, policier franco-malien, noir, musulman et auteur, avec Jean-Marie Godard, du très remarqué « Policier, enfant de la République ». Ce dernier, habitué aux insultes des militants qui le traitent de « vendu » explique : « Ces militants participent à une société divisée, ils disent rassembler les gens mais il n’y a aucune logique. Côté police, notre administration a aussi des torts, se réfugiant trop souvent dans le “Circulez y a rien à voir” et n’expliquant pas assez ses actions. Je pense que depuis près de vingt-cinq ans, être allé chercher des représentants de la loi dans les quartiers populaires était très bénéfique. Aujourd’hui, la police est l’une des administrations françaises où il y a le plus gros taux de personnes issues de la diversité. On ne peut plus dire que la police ne ressemble pas à la société actuelle. »
Les dérives wokistes ne sont pas le lot de l’ensemble des militants, il y a des colleuses, des écolos, des gays, des « gros », etc…qui font la part des choses et c’est sur eux qu’il faut compter pour que nos enfants ne soient pas élevés dans le piège de ces mouvements totalitaires.
Et comme le dit un représentant du mouvement LGBT, « Pour nous [le wokisme] c’est un concept sociologique qui a été finalement instrumentalisé, qui n’avait pas à sortir des laboratoires d’étude des universités, auquel on fait dire n’importe quoi, et qu’on utilise pour un combat politique, comme beaucoup de choses finalement. Ce que l’on veut dénoncer, c’est l’instrumentalisation des luttes LGBT et de tout le microcosme qui porte les combats LGBT, au service d’un agenda politique, par des gens qui sont fortement politisés. »