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Le Sujet dépressif (David Foster-Wallace, Ed Le Diable Vauvert 2005)

Le Sujet dépressif (David Foster-Wallace, Ed Le Diable Vauvert 2005)

David Foster Wallace est l’un des plus grands écrivains américains du XXème siècle, notamment en raison de l’originalité de son style et de sa virtuosité dans l’analyse de la psychologie de ses personnages.

Né en 1962, il s’est suicidé par pendaison en 2008, à l’âge de 46 ans. Il a tout de même eu le temps de produire une œuvre majeure, dont un roman considéré comme un chef-d'œuvre de la littérature anglaise, l’Infinie Comédie, un pavé de plus de 600 pages.

« Le sujet dépressif » est une nouvelle, et c’est donc une façon light d’entrer dans l’œuvre de ce génie sarcastique, lui aussi dépressif et addict toute sa vie aux drogues et à l’alcool.

Il y raconte, à la première personne, la dépression d’une jeune femme, qui s’auto-analyse et se complait dans ses tourments intérieurs, tout en faisant appel, de manière constante et fort peu efficace, à ses anciennes amies de lycée, aujourd’hui tranquillement installées dans leurs vies de femmes mariées, et qui habitent dans divers endroits des États-Unis.

La thérapeute du sujet dépressif pense justement que c’est bien de s’appuyer sur l’écoute des anciennes amies, mais on devine, à la lecture, que celles-ci doivent profondément s’ennuyer à entendre les mêmes raisonnements stériles depuis de nombreuses années.

La thérapeute finira par se suicider, laissant le sujet dépressif à sa dépression, mais on comprend que le sujet dépressif est tellement pris dans son discours autocentré que les autres, et même sa thérapeute n’existent pour elle, pas plus que des ombres, des oreilles où déverser ses angoisses sans issues et sans solutions . On se demande si le sujet dépressif a bien envie de sortir de son cercle vicieux, en tous les cas, elle y reste bel et bien.

Le récit est composé de phrases qui n’en finissent plus, comme le monologue du sujet dépressif, et qui se moquent des conventions littéraires (il est souvent précisé à qui renvoient les articles, tant on se perd dans les obsessions psychologiques du sujet, au point de ne plus comprendre, nous aussi, qui parle de qui à qui).

Ce livre est le récit d’une introspection extrême, où il apparait que le sujet qui parle, s’exprime tout seul, à partir de sa tour d’ivoire et ne prend aucunement en compte d'autre chose que son immense moi malheureux.

David Foster Wallace réussit à nous faire rire des outrances de son sujet, qu’il dévoile de manière à la fois pathétique et humoristique. Le sujet dépressif n’ayant aucune distance critique, ses états d’âme en deviennent risibles et dérisoires.

Quelques citations :

« La thérapeute du sujet dépressif – titulaire à la fois d’un diplôme de fin de troisième cycle et d’un titre de médecine, partisane revendiquée d’une école thérapeutique préconisant que tout adulte souffrant de dépression endogène construisît, s’appuyât sur, et reçût le soutien d’une communauté de semblables tout au long de son cheminement vers la guérison – appelait ces amies, toutes des femmes, l’Échafaudage émotionnel du sujet dépressif."

« Le sujet dépressif prenait en outre bien garde, lorsqu’elle se tournait vers les membres de son Échafaudage émotionnel, à ne jamais mentionner les circonstances telles que la bataille sans fin de ses parents sur le coût de ses soins orthodontiques comme la cause de son incessante dépression d’adulte ».

« Le sujet dépressif confiait que quand l’amie empathique, n’importe laquelle, avec qui elle échangeait, après avoir avoué qu’elle (c.-à-d. l’amie) était terriblement désolée mais n’avait vraiment pas le choix et devait absolument raccrocher, avait enfin réussi à détacher de ses jupes ses (c.-à-d. ceux du sujet dépressif) doigts implorants, raccroché et retrouvé son existence pleine, pétillante et lointaine, elle (c.-à-d. le sujet dépressif) restait presque toujours quelques minutes assise à écouter le bourdon apiaire du téléphone et à se sentir encore plus isolée, inadaptée et méprisable qu’avant l’appel. »

 

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