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Le frérisme et ses réseaux, l'enquête (Florence Bergeaud-Blacker, ed Odile Jacob, 2023)

Le frérisme et ses réseaux, l'enquête (Florence Bergeaud-Blacker, ed Odile Jacob, 2023)

Florence Bergeaud-Blackler est anthropologue, chercheuse, au CNRS, sur les  questions de religions et de laïcité au sein des sociétés. Elle s'est spécialisée dans les méthodes d'endoctrinement des ultras religieux, salafistes et frères Musulmans, très actifs en Europe.

Son livre « Le frérisme et ses réseaux, l’enquête », est paru en janvier 2023 et depuis cette date, elle vit sous protection policière, car elle est menacée de mort (réseaux sociaux et vie personnelle). Récemment, sa conférence a été annulée à la Sorbonne pour des motifs d’ordre public, les organisateurs craignant des troubles ingérables à l’Université.

Mais, que peut-il bien y avoir dans ce livre qui entraine une réaction aussi violente ?

Voilà ce que j’en ai noté, mais c’est très parcellaire puisqu’il s’agit d’un gros essai qui rassemble plusieurs enquêtes que l’auteure a collectées tout au long de son parcours.

Le frérisme, explique-t-elle, est un projet intellectuel, politico-religieux qui vise à l’instauration d’une société mondiale islamique. Le frérisme est donc un islamisme, un fondamentalisme, mais contrairement au salafisme, qui prône le retour des musulmans sur des terres musulmanes, le frérisme cherche à réunir les musulmans de toutes tendances pour mettre en marche un mouvement islamiste mondial.

Si la confrérie a bien été créée en 1928 après le traumatisme de la chute du califat en 1924, la forme actuelle du mouvement a été élaborée par des étudiants dans les universités occidentales dans les années 1960.

À l’origine, la confrérie est à la fois une guidance et une armée chargée de reconstituer le califat.

La dimension programmatique des frères est souvent dissimulée par les frères eux-mêmes. Pourtant, ce plan est central. La guidance consiste à transformer la société en partant de l’individu. Dans le plan, il existe des concepts (empruntés au soufisme) qui prônent la transformation de la société en même temps que les transformations de soi. Si chacun s’oblige et oblige ses proches, alors on parviendra naturellement à une société islamiste.

La structure de la gouvernance est très pyramidale, et au sommet préside le guide suprême.

Le recruteur qui a identifié une cible, établit une relation personnelle avec elle en utilisant des appâts tels que cadeaux, visites, appels. Puis le recruteur entoure sa cible de symboles islamiques, destinés à réfuter les stéréotypes négatifs, appelés globalement « islamophobie ». Il y a tout un matériel pédagogique pour cela. Puis, il s’agit de guider la cible vers l’accomplissement de ses devoirs religieux (prière, récitation du Coran, aumône …). Enfin, il faut lui transmettre l’idée d’un système global, pour que ces principes deviennent quasiment automatiques dans sa vie quotidienne. C'est seulement à ce moment que le recruteur se dévoile en sensibilisant sa cible à la condition des musulmans dans le monde pour qu’elle devienne désireuse de les aider partout dans le monde. Le passage à l’acte confirme l’engagement : il faut faire des dons, de la propagande sur internet….

Enfin, la recrue peut participer aux manifestations de la confrérie et parvenir dans une 6ᵉ et dernière étape à devenir un affilé qui prononce son serment publiquement. La recrue devient alors membre assermenté, le serment est une consécration, un marquage à vie.

Les frères créent des associations partout. S’ils sont solidement persuadés que l’Occident a produit le meilleur en matière technique, en revanche ils pensent que celui-ci s’est totalement perdu et corrompu dans le matérialisme moderne car il n’a plus de références religieuses. C’est une des raisons pour lesquelles il s’agit d’implanter l’Islam en terre non musulmane.

On devient un bon musulman en appelant les autres à l’Islam, on s’éduque et progresse en éduquant les autres (méthode très économique). Les frères en Europe revêtent les habits de la vertu, combattent les discriminations, en défendant les droits et les libertés. Aide sociale, aide aux devoirs, éducation sportive. Pas de parti politique islamiste. Les frères diffusent leurs normes par le social, le culturel, l’économique. Certification halal, salons de beauté, médecine, conseils….

Il n’est pas interdit de rester dans un domaine illicite aux musulmans (la banque ou les médias par exemple) si le but poursuivi reste bien l’implantation finale de l’islam. Il faut occuper le terrain et combattre l’ennemi dans son domaine, utiliser sa force pour la retourner contre lui. C’est un art de la conquête fondé sur la dissimulation, le mensonge, la subversion. Il faut retourner les armes idéologiques de l’Occident contre lui-même. Il faut vanter le voile au nom de la liberté, prôner le halal au nom de la lutte contre les discriminations. Ce n’est pas la morale qui importe, mais la charia.

Pendant que les djihadistes mènent des actions terroristes contre lesquelles nous essayons de lutter avec nos moyens, une force moins bruyante nous familiarise avec le blasphème, les restrictions de la mobilité des femmes, la charia dans les quartiers. Le frérisme c’est donc le soft power qui est destiné à nous rendre charia compatibles.

Ceci, qui est longtemps passé inaperçu, ou a été nié, ou bien tout simplement toléré, fait en réalité peser une menace sur la démocratie, et il est temps de s’en rendre compte.

C’est pourquoi il faut lire cette remarquable étude très complète.

PS : Je ne vois pas et ne verrai jamais ce qu’il y a d’explosif dans une enquête rigoureuse qui cite ses sources et donne beaucoup de précisions sur un phénomène qui peine aujourd’hui à rester dans l’ombre… à moins que cela ne touche une vérité qui dérange…

 

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