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1.8M (2023 théâtre Les Amandiers)

1.8M (2023 théâtre Les Amandiers)

1,8 mètre, c’est l’espace d’une cellule de prison biélorusse. Celle où le régime de Loukachenko emprisonne ses opposants, tous ses opposants et d’ailleurs même ceux qui n’ont jamais participé à des manifestations, mais qui peuvent être "jugés" sur de simples intentions.

 

Le metteur en scène est Ivan Viripaev, un dramaturge d’origine russe, qui vit depuis 13 ans en Pologne et qui dit aujourd’hui qu’il ne retournera pas en Russie.

Ce metteur en scène a créé à Varsovie cette pièce, 1,8 M, qui se joue en langues originales, le russe, le russe de Biélorussie, le polonais et…le français pour la traduction simultanée. Le choix a été fait de ne pas surtitrer, mais de confier à des comédiens français la tâche de traduire en temps quasi réel. En effet, le parti pris, explicité dès le début, c’est de donner de la voix, de donner à voir et à entendre, des témoignages authentiques de personnes emprisonnées, ou de familles de personnes mortes sous les coups et les tortures.

Chaque comédien a revêtu des vêtements similaires à ceux que portaient les personnes condamnées ou témoins des faits. Chaque comédien se présente, à l’entrée d’un carré de lumière qui matérialise l’espace de 1.8 mètre, dont il « dispose » dans une cellule. Il y a des effets de lumières clignotantes lors des passages plus émouvants ou plus tragiques de chacun des récits.  Les personnages s’entrecroisent et les histoires racontées se mêlent aux récits d’autres personnages, en une sorte de chœur polyphonique.

Évidemment les récits sont glaçants, et certaines scènes arrachent des larmes, et pas seulement aux spectateurs, mais aussi aux comédiens. Il n’y a pourtant aucune emphase, aucun effet mélo, aucune volonté d’exposer des tortures à du voyeurisme, mais seulement l'intention de dire, de raconter, de permettre de comprendre, de l’intérieur, la force qui anime ce peuple face à la barbarie.

Car au final, et même si nous traversons, avec ces témoignages, les pires horreurs, des crimes parfaitement odieux organisés par un pouvoir aux abois, nous sentons toujours, dans les phrases rapportées, la volonté de résister, de se relever, et la foi la plus puissante dans la solidarité humaine.

Pourtant atteintes injustement par la férocité de la répression politique qui vise à briser toute tentative d’exprimer, de façon pacifique, la moindre idée contestataire, les personnes qui s’expriment sont toutes d’accord pour affirmer : « on va gagner ». « On va gagner » car le peuple est fondamentalement avec ces martyrs, le peuple finira par renverser le tyran et gagner la bataille.

Le spectacle se termine par un chant de combat et d’espoir, jamais agressif, mais sourdement sûr de lui, déterminé, en lutte, vivant pour toujours.

C’est cela qui m’a surtout émue, cet optimisme du combat, cette confiance dans le collectif et cet espoir qui illumine jusqu’aux plus sombres cachots d’une dictature grimaçante.

La performance de ce spectacle, c’est de faire vivre tous ces destins brisés sans aucun artifice, sobrement, avec la plus grande élégance ; Le but, c'est aussi d’élargir notre champ de conscience pour qu’on sache, qu’on ne fasse pas « comme si » et pour qu’on apporte  notre soutien à tous ceux qui luttent au front de dictatures inhumaines. Le texte en appelle bien sûr à la solidarité humaine, et notamment à celle qu’il faut avoir pour les Biélorusses, les Ukrainiens et autres peuples sous le joug actuellement.

C’est vraiment un très beau spectacle, les gens ont applaudi debout. J'étais en pleurs.

 

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