Ce n’est pas un roman mais un récit, qui apparait bien comme autobiographique. C’est l’histoire d’une maladie familiale, une maladie mortelle qui se transmet par les femmes, et qui finit par l’insuffisance rénale grave. Nathalie Rheims raconte l’année de ses 58 ans où la maladie a fait irruption dans sa vie, et l’a amenée aux portes de la mort, à deux reprises.
J’ai lu ce livre pour sortir un peu des histoires de cancer et comprendre ce qui se passe pour quelqu’un qui découvre un autre type de maladie métabolique tout aussi grave.
Et cela m’a fait réfléchir à nos attitudes devant la maladie, devant la déchéance physique, au fond devant la fin de la vie, disons le devant la mort.
Tout d’abord, ce qui me frappe, c’est que Nathalie Rheims, sachant sa famille frappée par ce gène dévastateur, pensait toujours y avoir échappé. C’était pour les autres, sa grand-mère, sa mère, ses tantes et grand-tantes, sa sœur… Mais pas pour elle. Et c’est bien vrai qu’on ne veut jamais imaginer, qu’on ne peut pas imaginer être soi-même concernée lorsqu’il s’agit d’une sorte de malédiction familiale. Car c’est bien comme ça qu’apparait d’abord la maladie, un héritage qu’on n’envisage pas du tout d’assumer. En discutant avec des amies récemment, je me rends compte que, tout de suite, quand une maladie se déclare, on pense pourtant inévitablement à une transmission génétique. Comme si les modes de vie, les habitudes alimentaires et hygiéniques n’avaient à priori aucune part dans nos maladies. Évidemment, car ce serait encore plus cruel de se considérer comme en partie responsable de ses malheurs ! Et je suis la première à ne vouloir en aucune façon (qui le voudrait ?) me sentir responsable (et non coupable certes) de mes défaillances de santé.
Ceci étant, dès qu’on commence à rechercher la responsabilité de la lignée, on se retrouve avec un autre problème. Celui d l’héritage. Nathalie Rheims a vu sa mère sous dialyse pendant 15 ans, et sa mère l’a déshéritée (eh oui dans les bonnes familles il y a des rancœurs, des ressentiments, et des haines qui cuisent lentement, même si elle dit qu’elle comprend mieux sa mère quand elle se trouve elle-même contrainte d’être dépendante d’une machine à dialyse trois fois par semaine). La transmission d’un gène nous met face à notre patrimoine, face à notre « propriété », face à notre filiation. Pas toujours simple de faire la paix avec notre hérédité. C’est le testament de nos ancêtres, c’est notre destin, notre fatalité.
Nathalie Rheims aurait certainement mieux accepté toute autre maladie que celle-ci, qu’elle ne connaissait que trop bien. Elle montre bien à quel point elle refuse d’être soumise aux mêmes asservissements, à la même sujétion que sa mère, à la même détresse, sa mère qu’elle a pourtant vue pendant des années attachée, rivée à la machine qui lui permettait de survivre. Tout plutôt que le même parcours ! Contre toute probabilité, Nathalie Rheims va considérer qu’elle peut envisager de se passer le plus possible de la dialyse, juste retourner en réanimation pour avoir laissé trop de temps entre deux dialyses.
Les reins ? On n’y pense jamais, quand on pense aux maladies graves, on oublie les reins. Peut-être parce qu’on en a deux et qu’on peut vivre avec un seul rein ? C’est vrai au fond, pourquoi en a-t-on deux ? Un seul cœur, mais deux poumons, deux reins. Comme si la nature avait prévu des rechanges, au cas où… Toutefois en protégeant autrement le cœur et le cerveau, qui nous semblent si tellement vitaux qu’on s’alerte tout de suite en cas d’attaques sur ces deux organes. Deux yeux, c'est pas pareil, c’est le relief, deux oreilles aussi, c’est l’équilibre. Les reins sont pourtant vraiment essentiels à la vie, c’est ce qui sert à filtrer le sang, à le nettoyer, à le « rénover ». On ne fait pas assez attention aux indicateurs de bon fonctionnement des reins et pourtant…nous avons facilement la possibilité d’être alertés par une simple prise de sang. Non, on se cache la vérité. L’avancée progressive de la vieillesse nous panique tellement qu’on plonge la tête dans le sable.
Je suis également étonnée de constater que les personnes qui n’ont (encore) que des maladies bénignes ont tendance à grossir leurs symptômes, à se sentir malades, faibles et quasiment handicapées. Au moindre rhume, certaines s’alitent ou s’arrêtent de travailler. Alors que celles qui ont des maladies graves, à évolution mortelle, ont toujours tendance à minimiser leurs symptômes, à ne pas vouloir quitter leur travail, à refuser de prendre en compte l’importance des atteintes dont elles sont victimes. Nathalie Rheims par exemple s’est laissé maigrir de 10 kgs avant de se résoudre à consulter et donc à être réanimée in extremis.
Enfin, la maladie impose un rythme, un emploi du temps, un agenda qu’il est très difficile d’intégrer comme un nouveau mode de vie. Personne ne s’y soumet de gaité de cœur, la fréquentation des hôpitaux et médecins n’est vraiment pas un horizon enviable. D’autant que ceux-ci, et même les plus dévoués, montrent alors une tout autre facette de leur art. Je n’en dirais pas plus, Nathalie Rheims n’a pas fait de mauvaises expériences en ce domaine.
C’est un récit qui se lit vite, l’écriture est aérienne, et c’est finalement plein d'espoir.