C’est à chaque fois un enchantement. Les salles sont petites au Lucernaire mais le public vient toujours nombreux et, cette fois encore, le théâtre était plein.
Et pourtant, il n’y a rien de spectaculaire : il s’agit d’un texte récité/joué par un (excellent) comédien qui a la lourde tâche de nous projeter dans l’univers d’un auteur sans presque aucun artifice. Au fond, c'est comme quand on nous racontait une histoire, quand on était petit, mais mille fois mieux (pardon maman !) interprété!!!
Il faut vraiment que l’acteur, seul en scène et qui plus est sur une scène très courte, en proche proximité des spectateurs, soit très précis, car tout se voit, la moindre hésitation, le moindre trébuchement peut rompre la magie, casser le rythme, briser l’émotion.
Chrsitophe Malavoy est absolument génial, et il ponctue le récit de chansons et de musique de clarinette. Il joue bien sûr tous les personnages du récit, se transformant selon son développement en homme soigné et riche, en jeune femme, en enfant, en patron de bistrot etc… Tout en ne quittant jamais le costume du personnage central, un clochard céleste qui vit ses derniers jours, après avoir dépensé ses derniers sous en dernières cuites.
Joseph Roth, l’auteur, est mort à Paris en 1939, de l’alcool, à 44 ans, complètement clochardisé. Un récit prophétique donc !
Texte de Joseph Roth Interprétation, Adaptation et Mise en Scène Christophe Malavoy
Voilà le début de ce texte plein d'humanité:
"Par un soir de printemps de l’année 1934, un monsieur d’un certain âge descendait les degrés de pierre d’un de ces ponts qui enjambent la Seine, et qui permettent d’accéder à ses rives. À cette occasion, il n’est pas inutile de rappeler à la mémoire des hommes, encore que ce fait soit connu du monde entier ou presque, que c’est là, à Paris, que les sans-abri ont coutume de dormir ou, pour mieux dire, de coucher à même le sol.
Or il advint que l’un de ces sans-abri s’avançait dans la direction du monsieur d’un certain âge dont la mise en l’occurrence était soignée et faisait penser à ces voyageurs qui, dans chaque ville étrangère, ne manquent jamais de passer en revue toutes les curiosités. Ce sans-abri avait certes la même allure négligée et pitoyable que tous ceux dont il partageait l’existence, mais le monsieur à la mise soignée, et d’un certain âge, considéra qu’il était digne d’une attention toute particulière : pourquoi, nous l’ignorons."