La vie avec Marianne (Xaver Bayer, Ed du Faubourg, trad Fr en 2022)

Ce livre ne ressemble à aucun autre…enfin, on pourrait dire ça de bien des livres, non?  Donc écrire "ce roman est inclassable" serait plus proche de la vérité. Mais l’esprit humain est ainsi fait qu’il tente toujours de faire des rapprochements, de trouver des ressemblances.

Je dirais  que ce texte se rapproche des nouvelles de Borgès (Fictions) , d’Edgar Keret (Incidents au fond de la galaxie) et des romans de Kafka tout à la fois.

Car il s’agit de courts épisodes qui n’ont en commun que la présence des deux mêmes protagonistes, le narrateur et Marianne. Les récits débutent par des situations banales de la vie quotidienne et se terminent par des explosions fantastiques où la réalité se mêle au rêve, au cauchemar, à l’absurde.

Par exemple Marianne prépare un repas succulent que le narrateur apprécie, quand, au dessert, une attaque terroriste vise l’appartement où les deux personnages terminent tranquillement leurs agapes. Leur réaction- très calme, comme si de rien n'était-, en décalage absolu, ne laisse rien supposer de la violence qui va s’abattre sur eux et où Marianne finira en charpie.

Souvent Marianne est la victime mais pas toujours. Elle se transforme parfois en tortionnaire sadique au cours de jeux érotiques mis en scène par le couple.

Ou bien les amants réfléchissent au meilleur moyen de se suicider dans un club échangiste et, satisfaits de leur scénario, s’en vont ensuite main dans la main.

Ou encore le narrateur muni d’un sandwich s’aperçoit que l’ascenseur de son immeuble continue sa montée au-delà du 11^ème étage où il aurait dû descendre.

Et je donne encore un autre exemple sans spolier, je l’espère : Marianne et le narrateur sont coincés dans leur appartement et il fait un froid de canard. Ils commencent à brûler tout ce qu’ils trouvent autour d’eux y compris les livres et y compris le livre que l’auteur vient d’écrire et que nous sommes en train de lire !

Chaque fois, on se demande si on ne serait pas entré dans un jeu video, du type de ceux où il s’agit de massacrer le plus de gens possible et où on pourrait gagner de nombreuses nouvelles vies, pas plus virtuelles que celle-ci n’apparait comme réelle.

Moi j’adore ce genre d’histoires, non dénuées d’humour et qui nous plongent dans le fantastique en nous libérant de nos frayeurs.

Il y a une vingtaine d’historiettes toutes plus baroques les unes que les autres, extravagantes et malicieuses. On va de surprises en surprises avec beaucoup de bonheur, curieux que nous sommes des rebondissements où l’auteur nous entraine. À la fin, on comprend que Marianne ne reviendra pas, qu’elle est peut-être le fruit d’une imagination débordante et qu’elle ne peut pas survivre au-delà de la fiction.

Xaver Bayer est né en 1977 à Vienne. Auteur de romans, récits et pièces de théâtre, il est diplômé en philosophie et a publié dans de nombreuses revues. Il a reçu le prix du livre autrichien pour ce volume.