« Un nouveau mot a été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l'islamophobie. » Salman Rushdie.
Djemila Benhabib est une de ces combattantes qu’on aimerait voir bien plus souvent dans la vie publique tant son témoignage et ses idées sont justes.
Elle vient d’Algérie, a émigré pour cause de menaces de mort, s’est installée longtemps au Québec et vit aujourd’hui entre la France et la Belgique.
À partir de l’assassinat de Samuel Paty, en octobre 2020, Djemila Benhabib remonte le fil (rouge) des menaces et des nombreux attentats du fanatisme islamique : depuis la fatwa lancée contre Salman Rushdie en 1989, en passant par la tentative d’assassinat de l’écrivain Naguig Mahfouz (82 ans à cette époque), au Caire en 1994, et par les atrocités commises par les milices du FIS en Algérie pendant la décennie noire, la décapitation en Arabie saoudite du poète Sadok Melallah (1992), l’égorgement de Théo van Gogh en 2004, pour en arriver aux attentats visant Charlie Hebdo, et tant d’autres ! Encore, s'est-elle limitée à évoquer la mémoire des laïques de tous les pays sauvagement massacrés par les islamistes, au nom d’un islam vengeur, ne supportant pas « la civilisation occidentale ».
Car pour faire le compte de la barbarie, il faut bien entendu y rajouter les tueries de touristes en Egypte, en Inde, au Yémen, en Indonésie, aux Etats Unis, en Tunisie, en Turquie, au Kenya, au Nigeria…bref des dizaines de milliers de morts depuis 30 ans.
Mais le sujet de Djemila Benhabib est centré sur la complaisance de nos sociétés occidentales envers les islamistes qui se présentent comme des victimes de la discrimination et qui, pourtant, n’hésitent pas, en matière de revanche, à tuer tous ceux qui portent une parole contraire à leur fanatisme. Et alors qu’il conviendrait de défendre justement les voix de la raison, nos démocraties affichent leurs faiblesses et donnent raison aux pires revendications de ces esprits totalitaires.
Elevée dans une famille très libérale, Djemila Benhabib a été traitée d’islamophobe en Algérie et bien entendu, dans le même esprit, elle est aussi devenue la réincarnation de la putain de Ali Belhadj (un des pires prêcheurs de mort algérien). Le plus extraordinaire, c’est qu’à l'arrivée au Québec, la séquence se soit reproduite. Djemila a été traitée de troll anti-islam par des militants d’un parti de gauche et interdite de manifestations publiques. Le terme islamophobie est utilisé pour désigner une nouvelle catégorie de mals pensants. « Un enseignant qui éduque ses élèves à la liberté d’expression est un islamophobe. Un laïque qui évoque le principe de séparation de la religion et de l’État est un islamophobe. Un humaniste qui préconise la raison est un islamophobe. Une féministe qui considère le hidjab comme sexiste et misogyne est un islamophobe. Un écrivain qui s’en remet à sa liberté de création est un islamophobe. »
Spécifiquement, en Occident, la gauche, délaissant le combat contre les inégalités économiques, pour enfourcher la lutte anti-discriminations, fait le jeu à la fois du libéralisme (en lui permettant de cacher les attaques aux droits des salariés sous des revendications identitaires) , et le lit de l’extrême droite (qui voit dans cet abandon un boulevard pour ses idées racistes et xénophobes). Et, au final, la démocratie est laissée pour compte. « Au Québec l’accusation d’islamophobie vient de 3 familles politiques : les libéraux, les solidaires et les islamistes » (l’équivalent en France de la REM, la LFI, et des islamistes).
Djemila Benhabib se refuse à employer le terme d’islamophobie parce que, dit-elle, « ce concept confond la critique des idées avec la haine des personnes et occulte délibérément le combat des résistants à l’islam politique » et qu’elle est donc, une escroquerie intellectuelle « qui vise à anesthésier et à atrophier le débat, à interdire la critique d’idéologies ou de groupes extrémistes, voire d’une religion ou d’un dogme, et d’instaurer une sorte de délit de blasphème déguisé. » (Citation Marianne 13/07/2015).
C’est dans ce contexte qu’il faut analyser la novlangue qui consiste à apposer un adjectif au terme laïcité : ouverte, inclusive…. Cela ne veut rien dire d’autre que de semer la confusion dans les esprits. Car qui voudrait d'une laïcité fermée, exclusive?
La liberté de religion (de conscience) se transforme ainsi en droit de religion puis en un droit à l’intégrisme. On glisse de la déchristianisation de la société à la permissivité à l’endroit des minorités. Les minorités n’ont pas à prouver, au Québec, autre chose que leur bonne foi pour avoir le droit d’exister, mais il faudrait leur accorder des « accommodements » ( les tribunaux le demandent) comme le droit de porter un poignard pour les jeunes sikhs dans les enceintes scolaires des collèges.
À tout cela, on additionne la cancel-culture avec les obsédés de la pureté raciale et le tour est joué.
« Pour moi, l’appropriation culturelle et l’occidentalisation ne sont que les deux versants d’un même phénomène : le refus du métissage culturel, le cloisonnement des groupes humains. L’un et l’autre haïssent les échanges. L’un et l’autre défendent une même conception sclérosée, monolithique et terriblement dangereuse de l’identité avec en filigrane le même fantasme : la sublimation de la pureté du groupe. On sait où cela a conduit l’humanité. »
D’où vient cette nouvelle passion qui fait flores à gauche ? Une interprétation tronquée et simpliste de l’histoire enferme les groupes dans leurs identités supposées.
Pourquoi les démocraties se précipitent elles dans un tel abyme ? Vers quoi cela nous amène-t-il ? À la guerre de tous contre tous, des racisés contre les « Blancs » ?
Djemila donne des exemples terrifiants de ce qui se passe actuellement au Québec et en Ontario (on a failli créer des tribunaux islamistes dans cet État) ou en Belgique (une militante islamiste voilée a été nommée Présidente de la Commission du Droit des femmes !) (j’ai transformé l’intitulé pour le lecteur français).
Et, à la lecture de ce livre, je suis atterrée : naïvement, je croyais que ces dysfonctionnements démocratiques ne concernaient que la France !