Voilà un récit amusant et…instructif pour les hommes qui perdent leurs cheveux. Sujet qu’à mon avis personne n’a jamais raconté dans un cadre littéraire et qui pourtant n'est pas une préoccupation si futile qu'on le croit.
Ce qui est arrivé à l’auteur Julien Dufresne-Lamy, c’est ce qui n’arrive plus fréquemment qu’on ne le pense, aux hommes jeunes : une alopécie androgénétique, ce qui signifie qu’ils deviendront irrémédiablement chauves dans un temps plus ou moins court.
« Androgénétique » parce que cette maladie est totalement génétique, et n’arrive qu’aux hommes alors qu’elle semblerait transmise par les femmes, d’après les connaissances scientifiques actuelles. Mais voilà, personne dans sa famille d’un côté comme de l’autre, n'a jamais souffert, de mémoire d’homme, de calvitie .
« Je suis une énigme génétique » finit-il par comprendre.
Le verdict tombe alors que l’intéressé n’a que 22 ans. Apprendre à cet âge qu’on deviendra chauve n’est pas une mince affaire, c’est comme de se découvrir tout à coup handicapé, dans la fleur de l’âge.
Je sais, c’est moins pire qu’une maladie mortelle ou qu’un handicap invalidant, mais je comprends que c’est tout de même une aventure qu’on a du mal à accepter. Surtout qu’en plus de ça, le jeune homme se découvre aussi homo, et que dans la communauté homo qui est souvent très viriliste, les hommes chauves sont considérés comme les hommes efféminés et repoussés vers d’autres cercles.
L’auteur raconte ensuite sa bataille avec les médicaments qui ont bien entendu de redoutables effets secondaires :
« Sur Internet, on parle de deux traitements contre l’alopécie. Le premier, appelé Minoxidil, est une lotion locale à appliquer sur la tête matin et soir comme on arrose doucement une plante exotique. Le second est une pilule en dose journalière appelée Propecia, à base de finastéride.
Sur la plupart des forums dédiés aux cheveux, le Propecia a très mauvaise presse. On devise de risques dépressifs, de chutes de libido, de pilosité excessive et je suis prêt à tout pour mes cheveux, sauf à finir en loup-garou impuissant et apathique. Mais on dit aussi que la pilule est bien plus efficace que la lotion locale. Alors longuement, je pèse le pour et le contre. Idée noire contre cheveu brun, cela vaut-il le coup ?
Si certains sites et témoignages vantent son efficacité médicamenteuse, d’autres études affirment toutefois que la molécule ne fonctionne que chez la moitié des patients, que son effet n’est avéré que sur le sommet du crâne – et non au niveau des golfes – et qu’au mieux, les utilisateurs gagnent 11 % de cheveux supplémentaires après douze mois de traitement.
Autre souci, pour maintenir les résultats escomptés le traitement doit être poursuivi à vie car si on l’interrompt, les cheveux recommencent à tomber, et ce, de façon accélérée. »
En plus de ça, le temps passant, les effets des médicaments s’estompent et la calvitie gagne à nouveau du terrain.
C’est pourquoi notre auteur, assumant de moins en moins l’inéluctable, commence à réfléchir aux greffes.
Bien entendu, hors de prix en France, elles sont de plus en plus pratiquées en tourisme esthétique dans des cliniques turques où elles coutent 3 fois moins cher.
Notre auteur raconte avec beaucoup d’humour son expédition à Istanbul, visiblement en juin 2019, pour se faire implanter 3400 cheveux à partir d’une zone où ceux-ci sont encore présents vers les zones qui se dégarnissent à vue d’œil.
Finalement il va passer toute la 1ère année de la crise sanitaire enfermé chez lui à attendre que les greffes prennent racine sur son crâne.
C’est bizarre, cette histoire, qui ne me concerne pas (je suis une femme), m’a beaucoup intéressée. D’abord parce que le style de l’auteur est vraiment agréable, à la fois honnête et rempli d’humour. Accessoirement on apprend plein de choses sur la calvitie, ses origines et ses traitements.
Ensuite parce que ce témoignage sur les cliniques esthétiques d’Istanbul peut tout à fait toucher de nombreux secteurs et pas seulement les greffes capillaires et que c’est très amusant d’en lire un reportage.
Enfin parce que je pense à toutes les femmes qui, atteintes par d’autres maux comme le cancer, doivent se résigner à perdre leurs cheveux, en raison des traitements anti-cancéreux, même s’il ne s’agit que d’une chute temporaire. On ne prend pas suffisamment en compte l’importance de la chevelure pour la vie sociale, c’est bien ce que montre ce récit bien enlevé.