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Soyons positifs...mais...

Soyons positifs...mais...

Toujours en quête de bonnes nouvelles, ou pour le moins d’une vision positive des évènements, je ne me satisfais pas de certaines injonctions pourtant séduisantes.

C’est le cas de l’une d’entre elles, tout à fait d’actualité. On commence par nous rappeler avec quelle rapidité nous avons dû nous adapter à des bouleversements de notre vie quotidienne : restriction des déplacements, suppression complète des sorties culturelles, fermeture des restaurants, réduction des commerces, etc… Avec le risque de voir disparaître définitivement beaucoup des activités correspondantes qui faisaient le « sel » de la vie. Ces bouleversements, nous les avons acceptés ou subis, peu importe le terme, ils s’imposent à nous. Globalement nous nous y sommes soumis avec discipline.

Voici l’injonction tentatrice que je dénonce : « puisque vous avez accepté des changements si soudains, vous pouvez, vous devez accepter des changements tout aussi massifs et impérieux pour faire face aux conséquences du changement climatique. Il y a urgence, changeons nos modes de vie ! Chassons les voitures individuelles polluantes, réduisons définitivement le transport aérien, ne consommons que des produits alimentaires cultivés à proximité ». J’ai lu récemment, dans un recueil de courts récits utopiques et écologiques, qui se voulaient optimistes, une scène se terminant par la confection d’un bon repas constitué uniquement d’une soupe de potimarrons…hum

Pourquoi je ne suis pas d’accord ? Par réaction frileuse d’un « boomer » attaché à préserver son mode de vie douillet ? Peut-être…Mais peut-être aussi parce que ces injonctions développées par analogie avec la crise sanitaire ne s’attaquent pas aux causes du « mal », ces crises sanitaires et écologiques actuelles et futures. Ou elles s’y attaquent seulement en apparence.

J’ai trouvé une démarche bien plus positive dans le livre de Marie-Monique Robin « La Fabrique des Pandémies », que je vous ai présenté récemment. Car ce livre relate des entretiens avec des dizaines de scientifiques qui partagent tous une approche de terrain et une profonde empathie avec tous les êtres vivants qui nous entourent. Comme elle l’écrit dans la préface : « Réapprenons à « prendre soin », nous disent-ils avec un respect de la vie qui m’a tout simplement fait un bien fou ».

La plupart de ces experts, zoologues, écologues, bio-généticiens, virologues, etc… interrogés sur l’origine de la pandémie de Covid 19, en parlent avec gravité et souvent colère, car leurs avertissements sur la probabilité d’apparition de nouvelles épidémies de plus en plus graves ont rarement été entendus. Mais leurs analyses nous encouragent à mieux affronter l’avenir. Car, à force d’observer les animaux les plus variés dans les parties les plus reculées du monde, ils nous montrent une telle variété de situations, que l’on comprend qu’il ne faut jamais se contenter de « ya qu’à, faut qu’on » et que, si on s’en donne la peine, on peut trouver des solutions et des raisons d’espérer.

Des exemples ? Dans notre histoire d’abord. Dès 1976, un historien américain nommé William Mac Neill a démontré dans « Plagues and People » (ouvrage non traduit) que l’acquisition des maladies infectieuses par les humains est liée à l’histoire de la domestication animale, qui a commencé dès la préhistoire, il y a 17000 ans, avec le chien. Finalement, ces maladies infectieuses sont des éléments déterminants de l’histoire de l’humanité.

Au Moyen Âge les pestes empruntent les routes asiatiques de la soie et transforment l’économie de l’Eurasie (rappelons d’ailleurs que les années qui ont suivi la grande peste de 1347-1353 en Europe ont été des années de forte reprise économique et de hausse du niveau de vie, car on voulait « revivre » et on manquait partout de main d’œuvre). Et la circulation des pathogènes se globalise avec la colonisation des Amériques et la traite des esclaves. Ce sont des évènements dramatiques mais, après tout, nous avons fini par aimer nos animaux domestiques et nous avons compris comment combattre ces anciennes maladies. Et surtout, nos scientifiques de terrain en déduisent une très saine conclusion : c’est que l’écologie doit   s’ouvrir aux sciences sociales, à l’histoire, l’écologie doit se « socialiser » et « s’humaniser ». Ils sont le contraire même de l’écologie « intégriste » qui nous adresse les injonctions que j’évoquais.

Mais, pour la période actuelle, l’enseignement le plus marquant que je retiens de l’ouvrage de Marie-Monique Robin, c’est le lien entre la déforestation et la diffusion des épidémies.

Ce lien est désormais observé, mesuré, et même cartographié. Le site spécialisé d’informations médicales nommé « Gideon », créé en 1992 et alimenté par des milliers de professionnels de la santé et des centaines d’institutions médicales dans 45 pays, permet de suivre les foyers infectieux sur toute la planète. L’écologue « chasseur de virus » Serge Morand (cité dans mon précédent post) a comparé ces résultats avec la cartographie des déforestations et a vu des très nettes corrélations. En clair : les épidémies animales transmissibles (les « zoonoses ») ont lieu là où l’on déforeste. Et leur diffusion s’accélère depuis 2002. Nous ne serons donc pas surpris d’apprendre que l’on trouvait, en juin 2020, vingt-sept maladies infectieuses sévissant au Brésil (dont le Covid 19 bien entendu)

Que se passe-t-il donc ?

Tout d’abord la réduction et surtout la fragmentation des forêts oblige les espèces animales à se déplacer, à se concentrer, à se rapprocher des hommes, surtout là où ceux-ci développent des élevages intensifs. Avec une mention particulière pour les chauves-souris, particulièrement aptes à « héberger » et transmettre des virus. Car l’on a découvert que, contrairement à ce que la science traditionnelle édictait, les transmissions entre espèces peuvent se multiplier dans ces circonstances.

Mais surtout, cette fragmentation s’accompagne d’une forte chute de la biodiversité. Beaucoup d’espèces animales « spécialistes », adaptées à un certain type d’habitat, disparaissent. Ne restent que des espèces « généralistes », c’est le cas des rongeurs ou des souris entre autres qui, comme par hasard, « recueillent » les virus et permettent, comme les chauves-souris, leur prolifération. C’est ce que l’on appelle la fin de « l’effet dilution » qui nous protégeait. Les virus, et leurs variants de toute sorte, se « diluaient » au milieu d’une multitude d’espèces. Désormais, ils se concentrent dans les espèces généralistes et finissent par se transmettre.

On trouve des raisons d’espérer. Alors même que ce fou de Jair Bolsonaro encourage la déforestation à outrance de l’Amazonie, en contradiction avec tous ce que nous enseignent ces travaux scientifiques (auxquels nous contribuons en Guyane par un Centre d’études de la biodiversité amazonienne-le CEBA-cocorico !), un pays a compris : l’Indonésie (rappelez-vous les incendies ravageurs d’il y a quelques années qui obscurcissaient le ciel) a décidé de réduire le rythme de la déforestation. C’est le premier grand pays tropical à l’avoir fait. Et les résultats sont là. À ce jour 160 morts du Covid par million d’habitants (10 fois moins que nos 1558 par million ou les 1785 du Brésil), même si l’on y observe une certaine reprise. C’est évidemment une affaire c'est évidemment une affaire de système économique et de choix politique".

C’est une œuvre de longue haleine qui nous attend si nous voulons rester positifs. Beaucoup de catastrophes annoncées risquent encore de se produire. Mais ce que j’apprécie dans les multiples exemples concrets que nous exposent ces savants, c’est qu’ils veulent toujours nous montrer comment faire pour éviter ces catastrophes ou en réduire les conséquences. Et jamais par des injonctions comminatoires sur nos vies. C’est à nous de nous saisir de leurs enseignements et d’interpeller nos responsables économiques et politiques.

signé Vieuziboo

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P
Compris..... F.P
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