Dans cette nouvelle pièce, La Gioia ( théâtre du Rond-Point), Pippo Delbono rend hommage à son compagnon artistique, Bobo, récemment disparu. Tout le monde sait bien qui était Bobo, cet homme trouvé dans un asile de fous à Naples qui ne pouvait ni parler ni entendre mais qui avait une présence absolue sur scène.
Pippo nous assure, dès le début que dans ce spectacle, qu'il ne parlera plus de sa mère ! ouf elle a aussi disparu, mais Pippo nous en a parlé tellement, tout au long de ses œuvres (et il est même allé jusqu’à filmer ses derniers instants) que l' on ne peut être que « rassuré » à cette perspective. La gioia (la joie) devrait donc être un hymne à la joie, une joie profonde et lourde de souffrance, une joie qu’on doit chercher au plus profond de soi, de sa respiration, une joie comme un effort, comme un dernier effort pour vivre.
Dès le début, Pippo est sur scène , voix chaude et grave, amplifiée dans son micro, collé à sa bouche. Il a toujours ce ton de proximité, cette fatigue, cette lassitude extrême, dans une voix qui égrène lentement des « confidences », des souvenirs et des souhaits, qui raconte la fatalité, le deuil et le besoin de témoigner de façon déchirante, amour et tristesse mêlés.
Comme dans ses autres spectacles, il s’agit d’un théâtre de l’émotion, de l’émotion pure dans un contexte luxuriant : il y a des fleurs qui poussent, (peut être sur une tombe ?), il y a des feuilles qui tombent partout, (des feuilles mortes) et il y a aussi des vêtements repêchés dans la Méditerranée et qui témoignent, eux aussi de vies abandonnées, perdues, gâchées?
Pippo Delbono nous présente comme si c’était la première fois , les artistes qui l’accompagnent. Il raconte à nouveau leurs parcours chaotiques, et à travers eux, il nous raconte ses propres errances et ses folies. Et bien sûr, il manque Bobo, Bobo avec ses petits pas dans ses grosses chaussures, Bobo avec ses cris d’enfants, avec le souvenir de sa façon à lui d’exprimer quelque chose de sa vie intérieure : mains croisées sur la poitrine, puis l’envol d’un oiseau, puis le geste d’un chasseur.
Mais les autres membres de la troupe nous ramènent à la vie, à la danse, au chant
Et tout se termine par des cargaisons de fleurs qui montent jusqu’au ciel, dans une écriture théâtrale qui rappellerait l’écriture poétique de Jean Genet, avec des roses liturgiques et une avalanche de couleurs.