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L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine...(Ruwen Ogien)

L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine...(Ruwen Ogien)

Puisque nous sommes en vacances et qu’il fait chaud (ah oui, une chaleur de plomb qui incite à la sieste ombragée), pourquoi ne pas s’intéresser à un anti manuel de philosophie comme «L’influence.. des croissants chauds sur la bonté humaine ».

L’auteur Ruwen Ogien m’est très cher et j’ai déjà écrit un post sur son dernier livre, «  Mes mille et une nuits » parce qu’il y parlait de la maladie, le cancer au stade terminal, et qu'il avait une distance ironique qui faisait mon admiration.

Biographie :

Né à Hofgeismar (Allemagne, d’une famille juive polonaise survivante de la shoah), venu très tôt en France, Ruwen Ogien, qui a été directeur de recherche au CNRS, a commencé ses études universitaires à Tel-Aviv. C’est là qu’il a découvert la philosophie analytique. Il a passé une année à Cambridge avant de revenir en France où il s’est fait connaitre par une série de livres, notamment en développant le concept de morale minimaliste : Ce que Ruwen Ogien appelle « éthique minimale », c’est une éthique qui exclut les devoirs moraux envers soi-même et les devoirs positifs paternalistes à l’égard des autres. Cette éthique tend à se réduire au seul principe de ne pas nuire aux autres. Je suis très intéressée par ce concept pour ce qu’il apporte à la pensée non doctrinaire, mais j’y reviendrais certainement dans un autre post.

Ruwen Ogien est décédé le 5 mai 2017.  

« L’influence de l'odeur des croissants chauds… »  tient son titre d’une expérience comportementaliste réelle. Il a été prouvé, par l’expérience, que les gens sont plus enclins à donner une pièce à un clochard s’ils côtoient une boulangerie (ou tout autre commerce aux effluves enchanteresses) que s’ils se promènent dans une rue pleine de poubelles.

Le propos de ce petit livre de philosophie est de nous faire réfléchir sur la morale, (ce qu'est le bien ou le mal) en utilisant des expériences de pensées qui sont des petites fictions mettant en œuvre nos conceptions (« nos intuitions  comme le dit l’auteur) morales. Ces petites histoires ont pour objectif de « mettre à la disposition de ceux que cela pourrait intéresser une sorte de boîte à outils intellectuels pour affronter le débat moral sans se laisser intimider par les grands mots (« Dignité », « Vertu », « Devoir », etc.) et les grandes déclarations de principe (« Il ne faut jamais traiter personne comme un simple moyen », etc.) ».

Les idées principales sont inscrites d’entrée :

« 1) Il n’est pas vrai que nos croyances morales n’auraient absolument aucune valeur s’il était impossible de les faire reposer sur un principe unique et incontestable (Dieu, la Nature, le Plaisir, les Sentiments, la Raison, etc.) : en éthique, on peut se passer de « fondements ».

2) Admettre une certaine forme de pluralisme des doctrines et des méthodes est l’option la plus raisonnable en éthique. »

Les expériences de pensée sont des méthodes d’interrogation déjà bien connues des anciens. Platon , au Livre II de « La République » cite la légende de l’anneau de Gigès. « Selon une légende ancienne, un berger, ancêtre d’un certain Gygès, avait trouvé un anneau d’or qui permettait de se rendre invisible lorsqu’on tournait son chaton vers la paume de la main et de redevenir visible lorsqu’on le tournait vers l’extérieur. Cet anneau donnait donc le pouvoir d’être visible ou invisible à volonté »

La question se pose alors de savoir si deux individus, l’un honnête l’autre malhonnête, se comporteraient de la même façon s’ils possédaient cet anneau.

Au fond, à travers cet exemple, c’est la morale du bien opposée à celle du « Pas vu, pas pris ». On vient d’ailleurs de voir dans l’actualité récente que cette question nous tourmente encore puisque notre gouvernement a couvert les agissements délictueux d’un individu, en espérant que ceux-ci ne seraient pas découverts.

« Ce que l’expérience de pensée de Platon est supposée nous donner à la fin, c’est la définition d’un concept moral (être juste, en l’occurrence) ».

Les expériences de pensée proposées au fil de l’ouvrage de Ruwen Ogien, «petites fictions inventées spécialement pour susciter la perplexité morale» , présentent donc des situations imaginaires, insolites, parfois loufoques, déclinées en plusieurs sous-hypothèses, qui précisent les variables de l’expérience.

«Est-il acceptable de tuer un piéton imprudent pour éviter de laisser mourir cinq personnes gravement blessées qu’on transporte à l’hôpital en urgence ?» , est, par exemple une variante de l’expérience du tramway (faut-il pour éviter la mort de 5 personnes, faire dévier le tramway sur une seule personne ?), elle-même pouvant se traduire par : « Est-il moral qu’un médecin utilise le corps d’un homme bien portant pour sauver 5 malades ? ».

D’autres questions comme « L’inceste entre adultes consentants est-il moral ? » «Une vie brève et médiocre est-elle préférable à pas de vie du tout ?»  «Qui suis-je si toutes mes cellules ont été reconstruites à l’identique ou si tous mes organes ont été remplacés ?» constituent autant de casse tête qui ne valent pas pour donner des leçons de morale mais pour faire réfléchir sur ce que pourrait être la morale, l’éthique et qui en concluent qu’il ne saurait exister de dogmes ou de morale absolue , valable par tous les temps et en toutes circonstances.

Chacune des hypothèses proposées au lecteur est finalement le support d’une analyse de nos intuitions morales et de leur origine.

« Au vu de certaines recherches en psychologie morale, on pourrait penser que les humains sont non seulement plus moraux qu’on a tendance à le dire, mais beaucoup trop moraux, c’est-à-dire beaucoup trop enclins à juger les autres, à faire la police morale, à fouiner dans la vie des gens, à se prendre pour des saints. »

Je me suis réjouie de ces conclusions, après m’être amusée à offrir à mes amis, quelques petites situations de pensée expérimentale (à faire sur le sable également) qui ont ouvert des discussions amusantes entre nous, discussions prolongées parfois le soir à l’apéro.

Alors si le cœur vous en dit ????

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