Quand on vous parle de tomates, vous voyez tout de suite la salade rafraichissante de l’été et la pizza des jours pressés, conviviale et internationale.
Et vous voyez, j’en suis certaine, l’Italie, les odeurs de basilic et de parmesan, les pâtes, bref « il gusto italiano » dans sa subtilité et sa splendeur.
Eh bien que nenni, un journaliste que j’affectionne pour son courage a écrit récemment « L’empire de l’Or rouge » qui démonte les rouages de la production mondialisée de cet ingrédient indispensable à nos cuisines.
On y apprend que le concentré de tomates est bien d’invention italienne (epoca fascista), certes, mais que sa production actuelle a bien largement utilisé les possibilités règlementaires du libéralisme économique (c’est-à-dire la dérèglementation) , usé et abusé jusqu’à emprunter les créneaux mafieux de l’industrie de masse.
C’est que la demande n’a cessé d’augmenter et progresse encore régulièrement (+35 % depuis 10 ans) pour atteindre 120 millions de tonnes /an aujourd’hui.
La production de tomates connait deux grandes filières : la tomate pour la consommation en frais (tomate de marché) d'une part et la tomate destinée à la transformation et la conserve (tomate d'industrie) d'autre part. Cette dernière représente environ la moitié de la production dans l'Union européenne, 80 % aux États-Unis (moyenne 1980-1987) et environ 15 % en Chine (2008).
Le principal transformateur français de tomates, la société S.A.S. Conserves de Provence, qui était à l'origine une coopérative agricole fondée en 1947 et qui vend ses produits sous la marque « Le Cabanon », a été rachetée en 2004 par un groupe chinois, la Xinjiang Chalkis Company Limited .
Or, si les filières de production américaines et européennes fournissent principalement le marché européen, la filière de production chinoise fournit principalement, outre son marché intérieur, l’Afrique, surtout l’Afrique noire.
« En retraçant le cycle de production du concentré de tomate chinois, Jean-Baptiste Malet explique comment les barils de concentré partent du Xinjiang, en Chine, avant d’être réceptionnés à Tianjin pour être « retravaillés ». Là-bas, relate-t-il, le concentré est coupé avec de la fibre de soja, de l’amidon, du dextrose et des colorants, avant d’être ré-emballé. Les nouvelles boîtes exportées en Afrique ne mentionnent pas ses additifs. Sur les étiquettes, ne figurent que deux ingrédients : de la tomate et du sel. » (article jeune Afrique).
C’est vraiment scandaleux de penser qu’il y a des produits de basse qualité destinés aux populations les plus pauvres, surtout dans l’alimentation de base. Pourquoi faudrait-il qu’il y ait des consommateurs poubelles qui vidangeraient des productions malsaines ?
Vous allez me dire que cela ne nous concerne pas directement.
Peut être mais je me demande vraiment comment ce serait possible que ces conserves traficotées, qui doivent certainement avoir l’aval des réglementations laxistes européennes ne pourraient pas se retrouver dans nos boites de conserves savamment étiquetées Italie?. (rien n'interdit
Et voilà le circuit mafieux qui nous amène en Chine :
Jean-Baptiste Malet: « Pour
Le concentré de tomate permet de blanchir l’argent sale des commerces illicites.
Et quant au marché du travail de la filière ce n’est guère mieux : les migrants que vous détestez voir arriver chez nous, cultivent les tomates dans des conditions de crasse et d’indignité épouvantables. Dans le Sud de l’Italie, ils sont entassés dans des bidonvilles, payés au lance pierre et plus compétitifs que les machines de ramassage.
C’est un monde cauchemardesque où le marché du travail totalement libéralisé renouvelle les formes antiques de l’esclavage, et produit des aliments toxiques pour les pauvres en enrichissant encore plus les multinationales.
Bon appétit, Messieurs !