Les pisses froids, les journaleux de la droite dure qui pensent comme Sarah Saldmann, les égoïstes, les cyniques, et même les gauchistes tous pétris de leurs certitudes et fiers de leurs combats contre l’islamophobie, n’ont probablement pas trop aimé ce film.
Non pas que ce film soit aussi génial que les précédents de François Ruffin et de Gilles Perret, (Merci Patron! était si drôle!) mais parce qu’il traite en apparence d’un sujet qui les ennuie : le mépris de classe, et que ça, personne ne se sent concerné, tant à gauche qu’à droite.
J’ai bien dit en apparence, parce que le véritable sujet du film, en dehors de l’anecdote avec Sarah Saldmann, c’est de rendre visible une France qui se lève tôt, qui peine à joindre les deux bouts, et qui trouve pourtant le moyen d’être digne, heureuse de travailler, d’être insérée dans la société.
J’en viens donc au prétexte du film.
Tout commence avec des déclarations de Sarah Saldmann, avocate et grande bourgeoise parisienne, qui, dans sa chronique à RMC, fustige régulièrement ces « feignasses, ces assistés, qui devraient être bien contents d’être payés au SMIC ». Une largesse que cette habituée des grands hôtels parisiens, où le croquemonsieur à la truffe coûte 50 euros, estime presque indue, compte tenu de l’incompétence de ceux qu’elle récompense.
François Ruffin va alors l’inviter à vivre 2 ou 3 mois avec 1300 euros/mois. Après de multiples relances, Sarah Saldmann accepte « mais seulement pour une semaine ». Elle ne doit pas être critiquée pour avoir pris ce risque, je la trouve même assez méritante d’accepter d’aller « au boulot », sous les cameras ! François Ruffin avoue avec gourmandise, quand elle assure le service de table dans un routier, qu’il "a toujours rêvé d’être servi par la grande bourgeoisie". « Je suis pour la réinsertion sociale des riches ! » plaisante-t-il.
Sarah Saldmann va ainsi expérimenter les métiers de chauffeur-livreur (chronomètre en mains pour assurer le quota journalier de livraisons), d’agricultrice (dans la boue et derrière le cul des vaches) , d'une aide à domicile (qui fait la toilette et le lit d’un vieillard impotent), d'un technicien (des jeunes banlieusards qui posent la fibre optique dans des cités), d'un manutentionnaire, d'un bénévole au secours populaire, d'une femme de ménage, d'une footballeuse, d’un ouvrier dans le séchage de poissons…
Elle ne fait la gourde qu’à certains moments : Par exemple, quand Ruffin lui demande sa wish list et qu’elle énumère des bijoux hors de prix, des fringues, une montre à 20 000 euros etc….Ce n’est même plus obscène, c’est juste affligeant de bêtise, mais on n’en attendait pas moins de cette blonde médiatique.
Je dois reconnaitre que, dans l’intégralité du film, Sarah Saldmann n’est pas ridiculisée, ni même caricaturée. C’est ainsi qu’elle éclate en pleurs dans certaines situations, comme lorsque la femme qui nettoie le petit vieux lui affirme que c’est le plus beau métier du monde parce qu’elle aide les autres et peut voir leur sourire. Devant tant d'émotion, j'en conclus que Sarah Saldmann est un être humain doté d’empathie, cela rassure un peu.
Mais comme je l’ai dit au début de cette chronique, l’objectif du film est de montrer la France, les français du bas de l’échelle, qui font des métiers utiles, mais qui sont victimes de préjugés, et surtout victimes du travail. La plupart sont brisés dans leur chair : le travail qu’ils exerçaient avant de tomber dans le chômage, leur a cassé le dos, les jambes, les muscles. Beaucoup vivent avec des squelettes rafistolés, des plaques partout, des douleurs à vie. Esquintés d’avoir effectué des boulots durs, d’avoir trimé toute leur jeunesse, d’avoir trimballé des charges, d’avoir effectué les mêmes mouvements à la chaine.
Voilà la réalité du travail exposée à tous ceux qui se permettent de donner des leçons de morale du haut de leur tour, à des années-lumière du terrain, de « la France en vrai ».
La salle de cinéma, à Paris, était pleine. Les films si touchants de Ruffin et Perret attirent les spectateurs. Il y a de la tendresse, de l'humanité, de la bonté, sans voyeurisme ni "tourisme social".
Je ne crois pas que cela change grand-chose au mépris de classe, mais cela remet un peu le sujet très politique de la pauvreté en France, au centre du village. Il m’est devenu insupportable d’entendre ces donneurs de leçons expliquer aux gens, à longueur de plateaux, qu’il leur revient de « se serrer la ceinture » pour faire des économies au niveau du pays. La France a été largement dépouillée par la financiarisation de l’économie et il serait bon de le reconnaitre enfin.
François Ruffin devrait bien continuer dans ce genre de cinéma social, il est pratiquement le seul à encore pouvoir le faire.