Ce film a reçu la Palme d’Or au festival de Cannes 2025 et il représentera la France aux OSCARS américains. C’est que ce film a été tourné et produit d’une façon très particulière. Jafar Panahi, dont j’ai recensé Ici plusieurs films, est non seulement un immense cinéaste iranien, mais aussi un homme menacé très gravement par le régime de mollahs. Il a été interpellé en juillet 2022 alors qu’il manifeste contre l’arrestation des cinéastes Mohammad Rasoulof et Mostafa Al-Ahmad, puis emprisonné dans la « fameuse » et horrible prison d’Evin. Libéré au bout de sept mois, après une grève de la faim, il reste étroitement contrôlé par la dictature iranienne.
/image%2F2174873%2F20251020%2Fob_0a8910_portrait.jpeg)
D’autant que ce n’est pas la première fois qu’il est emprisonné. Sa première incarcération remonte à 2010, quand il a accompagné les protestations contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique. Panahi a déjà été détenu deux mois et condamné à vingt ans d’interdiction de réaliser ou d’écrire des films, de voyager ou même de s’exprimer dans les médias, ce qu’il n’a jamais respecté d’ailleurs.
Ce dernier film (comme les précédents) a été tourné clandestinement en Iran. Aucun des acteurs ne connaissait le scénario, y compris au moment des tournages, et toutes les images ont été soigneusement cachées puis envoyées en France où le co-producteur, Philippe Martin au nom du CNC, les a rassemblées. C’est en France que le film a été monté, en liaison avec Jafar via WhatsApp et c’est pourquoi ce film est estampillé « France ».
/image%2F2174873%2F20251020%2Fob_87c36a_un-simple-accident.jpg)
La scène du début est certainement un clin d’œil à tous les films de Jafar puisqu’on y voit un homme qui conduit une voiture, sa femme à côté de lui, et sa fille qui danse à l’arrière, comme une sorte de poupée fantastique. Cette prise de vue depuis l’avant du véhicule se retrouve en effet dans « Taxi Téhéran » et dans d’autres films de Jafar. On sent qu’il va se passer quelque chose, qu’un évènement va rompre le cours naturel des choses et, de fait, la voiture percute et tue un chien errant dans la nuit.
La voiture, accidentée, nécessite réparation. La famille s’arrête devant une sorte de garage et l’automobiliste est amené à chercher une boite à outils pour les premières réparations. Le garagiste de la maison est saisi en entendant la voix de ce conducteur mais on ne comprend pas son attitude de prime abord.
/image%2F2174873%2F20251020%2Fob_f3fc99_un-simple-accident-1-lesfilmspelleas.jpg)
Dès le lendemain, les choses s’éclairent. La scène où le garagiste cherche à enterrer vivant cet automobiliste dans le désert de Dasht-e Kavir ( ?) est impressionnante et on est tenté de penser qu’un horrible crime est en train d'être perpétré sous nos yeux.
Mais comme l’homme proteste de son identité, le garagiste, pris d’un doute, diffère son exécution en attendant d’être certain que l’homme qu’il tient est bien le pire bourreau qui n’ait jamais existé, coupable d’avoir torturé, et tué de nombreux innocents dans les geôles iraniennes.
/image%2F2174873%2F20251020%2Fob_426b11_c26a0f0ed1ae945e4002793bf055b2a1.jpg)
À la recherche d’autres victimes pouvant attester de l’identité de leur geôlier (ce qui est difficile, car parmi les tortures subies, les prisonniers avaient constamment les yeux bandés), le garagiste embarque quelques personnes, jeunes et moins jeunes, éduquées ou non, représentant finalement la société civile dans sa diversité. L’arbitraire des arrestations est tel qu'elles concernent presque toute la société qui vit dans la terreur.
/image%2F2174873%2F20251020%2Fob_1450d3_mv5bnmzmmdzkzmetytc2my00ztfilthizdqtzw.jpg)
Jafar Panahi ne se prive pas de montrer l’étendue de la corruption, dans son pays où même les sagefemmes se font rétribuer par des cadeaux, sans parler des vigiles qui disposent d’un lecteur de cartes bancaires pour les bakchichs !!!
/image%2F2174873%2F20251020%2Fob_79ac26_g3t15kqxcaantzj.jpg)
La charge est violente contre un système pourri jusqu’à l’os, où les autorités infligent des tortures en priant dieu, où les gardiens estiment que violer une fille vierge est un acte nécessaire pour que cette fille n’aille pas au paradis (des vierges) mais soit dirigée vers l’enfer (quelle absurdité quand on a une simple lueur de conscience !), où tout le monde vit dans la peur et l’omerta.
/image%2F2174873%2F20251020%2Fob_d8892c_bde2a326a43fa159b399f29fa338eb2b.jpg)
J’espère que ce film recevra un OSCAR, j’espère que Jafar Panahi qui a le courage de vivre en Iran malgré tout (il y est retourné depuis le festival de Cannes), n’est pas davantage inquiété, lui qui affirme qu’il n’arrêtera jamais de dénoncer la censure et la tyrannie sans jamais condamner les hommes, mais le système qui les broie.
C’est un film d’une profonde humanité, une leçon de justice et cela n’en est que plus virulent à l’encontre de la dictature parée de religiosité de ce pays.