Dernièrement, parmi les femmes honorées lors de la Cérémonie d’Ouverture des JO de Paris, figurait une femme dont la tombe, à Levallois-Perret, est sans cesse fleurie et dont le souvenir revient obstinément, comme si son oubli aurait été une gifle à la mémoire historique du peuple français.
Si je cherche parmi les grandes héroïnes de notre passé, et si j’en excepte le XXème siècle, je ne vois que deux statues géantes qui illuminent le ciel français. C’est Jeanne d’Arc et c’est Louise Michel. Et pourtant, cette dernière n’a jamais été vraiment mise en avant dans l’histoire officielle. Pas beaucoup de mentions dans les livres scolaires, Pas d’immenses hommages nationaux. Mais, en revanche, on trouve de nombreuses écoles Louise Michel (on le doit certainement à la laïcité de l’enseignement en France), quelques squares, un timbre-poste, une grande bibliothèque parisienne.
Louise Michel est devenue un mythe, une lumière qui brille d’autant plus qu’on aurait voulu l’éteindre, à son époque et dans la postérité.
Si on compare ces deux « vierges », Jeanne D’arc et Louise Michel, ce qui saute aux yeux, c'est qu’elles ont été toutes deux de grandes rebelles. Jeanne d’Arc, avant d’être récupérée de tous les côtés, comme nationaliste, car légitimiste, mais aussi comme résistante, comme combattante contre l’envahisseur, est avant tout une rebelle, qui ose tenter le tout pour le tout et venir aux chevets d’une cause désespérée. Et c’est une toute jeune fille, une « Pucelle » comme on disait alors au Moyen Âge. Comme s’il fallait justement, pour être crédible, ne jamais avoir cédé à un homme !
Louise Michel ne peut pas être récupérée. Elle est définitivement une militante, une guerrière, elle aussi, mais elle ne combat pas pour un pouvoir quelconque, elle veut agir pour les laissés pour compte, les démunis, la partie de l’humanité qui ne compte pas aux yeux des puissants. C’est bien ça qui est extraordinaire. La « Vierge Rouge » devenue anarchiste lors de son emprisonnement au bagne de Nouvelle-Calédonie, n’a jamais cessé de défendre les plus pauvres, de manière intransigeante, sans compromission possible.
Elle aura passé 76 ans de sa vie à se consacrer aux autres, à tenter de réparer les injustices sociales, à avoir foi dans ses valeurs. Jusqu’à se proposer comme martyr, et à plusieurs reprises. Elle aura passé aussi 15 ans en prison dont une dizaine d’années au bagne de Calédonie. Et malgré tout, 120 000 personnes ont suivi son enterrement, une foule immense, qui lui sera toujours fidèle.
Ce livre revient sur son histoire, sur ses combats inlassables, depuis toute petite et jusqu’à son dernier souffle.
L’auteur, Marie-Hélène Baylac, Normale Sup, agrégée d’histoire, est spécialiste de Napoléon (et de gastronomie!!!). Pour Louise Michel, la période Napoléonienne est terminée, mais c’est un autre Napoléon, (III) qui occupera Louise et contre qui, tout comme Victor Hugo, elle luttera.
Faut-il encore rappeler la vie de cette enragée magnifique de Louise Michel ?
Louise Michel est née bâtarde, en 1830, on ne sait pas bien de qui, car dans le château de Jroncour (Haute Marne) il y avait le père, et le fils en âge de séduire la servante, Marianne, mère de Louise.
Très pieuse en son enfance car bercée par les bons soins de la famille Demahis, et surtout par la châtelaine dont la descendance était défaillante, la petite Louise découvre assez vite son besoin d’agir contre la misère. Toute petite, elle dérobe des fruits et légumes au château pour les donner aux miséreux.
Puis, après les décès de ses protecteurs, obligée de quitte les lieux, elle décide de se consacrer à l’enseignement des filles et, comme elle refuse de faire allégeance à « l’usurpateur », en se déclarant « républicaine », elle ouvre des écoles libres, laïques, presque gratuites et ne cessera jamais d’œuvrer pour l’éducation des filles.
C’est bien sûr lors de la Commune de Paris qu'elle deviendra une icône, d’abord par son intrépidité au combat armé, puis par son courage face aux juges (elle a échappé au massacre par miracle et elle s’est proposée à la prison pour qu’on fasse libérer sa propre mère).
« Je ne veux pas me défendre, je ne veux pas être défendue ; j’appartiens tout entière à la révolution sociale, et je déclare accepter la responsabilité de tous mes actes ? […] Vous êtes des hommes et moi, je ne suis qu’une femme, et pourtant je vous regarde en face. »
Tous les journalistes sont impressionnés par sa détermination et son calme. Elle est condamnée à la déportation à vie. Elle exigera, après sa propre amnistie, l’amnistie de tous les communards et rentrera en métropole triomphalement. Ses combats ne s’arrêtent pas là pour autant qui la conduiront encore plusieurs fois en prison.
Elle va continuer jusqu’à la fin à défendre les déshérités, (elle ne combat pas pour les « droits » des femmes cependant, car elle est devenue anarchiste et ne croit plus « aux droits ») se contentant de très peu, faisant montre d’une grande magnanimité envers celui qui a tenté de l’assassiner, toujours en mouvement et en n’omettant pas d’écrire ses mémoires.
J’ajouterais que cette grande figure féminine me touche aussi beaucoup par son amour pour les chats, d’où la chanson : « C’est la mère Michel qui a perdu son chat.. »!!!
Ce livre est écrit comme un roman, tout y est très vivant, facile à lire, passionnant.
Et c’est un bel hommage à une très belle personne. Si elle avait gardé la foi, ce serait une sainte…mais je suis d'accord, elle mérite le Panthéon.