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Le déserteur (film Israel 2024)

Le déserteur (film Israel 2024)

Ce que j’aime dans le cinéma israélien, c’est :

  1. Qu’il aborde de plein fouet des sujets très sensibles,
  2. Qu’il y a souvent beaucoup, d’humour, mélangé à des situations graves et dramatiques, ce qui fait qu’on ne plonge pas dans le mélo,
  3. et que rien n’est jamais manichéen, ce qui rend les personnages très vrais, vivants, crédibles, en un mot « humains ».

Le sujet de ce film qui a été tourné avant le 7 octobre, c’est celui de la désertion. Un jeune soldat, au service militaire (obligatoire pour tous les jeunes), se trouve en zone de guerre à Gaza (déjà, eh oui !), parmi les villes en ruines et les explosifs. Le contexte, c’est qu’à la suite d’une pluie de roquettes (comme celle qui s’est abattue sur Israël en provenance de la bande de Gaza entre avril-mai 2021), une bataille s’est déclenchée avec l’intervention de l’armée israélienne dans le Nord de la bande. A moins que la référence ne soit la crise de juillet/aout 2022 qui a vu le début d’une escalade armée avec le groupe Djihad islamique à Gaza ? Ou s’agit-il d’une autre période de troubles ?

Le conflit est tellement récurrent qu’il est à la fois impossible de situer l’origine de l’histoire prise en compte par ce film et, en même temps, inutile d’en rechercher la source précise, toute l’action pouvant se dérouler, sans être incohérente, à n’importe quel moment de ces dernières années dans cette zone.

Que le 7 octobre n’ait pas encore eu lieu au moment du tournage ne fait qu’ajouter de la véracité de la situation.

Dans le film, il y a bien intervention armée à Gaza, suite à des raids de roquettes sur les villes israéliennes. (on peut trouver cela prémonitoire mais il n’y a rien là qui n’ait été déjà envisagé à plusieurs reprises, sauf la sauvagerie et la barbarie de l’assaut du 7 octobre qui a dépassé toutes les hypothèses).

Le film s’ouvre sur un paysage apocalyptique où des soldats circulent dans des ruines fumantes, sur le qui-vive en raison des bruits d’explosions, et en enjambant des cadavres semés ça et là sur le sol. C’est terrifiant. On comprend que le jeune soldat, soudain seul dans les décombres d’une maison, ait envie de fuir. On saura par la suite qu’il est éperdument amoureux d’une jeune fille, un amour adolescent, pas encore très accompli, un amour à ses débuts, hésitant, et excessif comme toutes les passions frustrées. La scène des retrouvailles est , à ce propos, d’une justesse de jeu ahurissante, les acteurs ne sachant plus quoi se dire, et finissent par échanger des banalités sur la cuisine, tellement gênés qu’ils sont par leurs sentiments impossibles à déclarer…

Revenons au début du film.  

Le soldat court comme un fou, se heurte à toutes les embûches, tous les obstacles que rencontre un fuyard, soudain privé de tous ses repères. Plus de téléphone, un uniforme encombrant, un pistolet mitrailleur à trimballer, pas de moyens de transport et surtout, surtout, la nécessité de se planquer, de ne pas apparaitre, et de trouver un refuge pour se laver, manger, souffler….

Evidemment il va d’abord chez ses parents (mais la maison est vide), puis retrouver sa petite amie à Tel-Aviv (elle fait la plonge dans un restaurant), puis chez sa grand-mère qui a perdu la tête et le prend pour son mari, ou pour son propre fils, puis….tout se dérobe, il est pris dans la nasse, il ne peut plus trouver une voie de sortie…Car la désertion est, tout le monde le sait bien, une chausse trappe, un piège, une impasse. Fuir n’est pas une solution viable et retourner sur ses pas est plus que compliqué. D’autant que l’armée qui le cherche finit par considérer l’hypothèse, traumatisante pour Israël suite à la prise d’otage de Gilad Shalit, dont la libération a été si chèrement payée, d’un enlèvement.

Il y a des moments très justes (et drôles) dans ce film, comme lorsque les Israéliens d’un bistrot commentent l’actualité de leur pays et disent : « On est encore plus cons que les arabes », ou lorsque le jeune soldat fait passer un message à sa dulcinée, un message brûlant de désir érotique très explicite, lequel est consciencieusement lu par tous les serveurs et cuistots avant de parvenir à la jeune fille. Ou alors il y a une scène à pleurer de rire sur la plage de Tel-Aviv où un couple de français, caricaturaux jusque dans leur façon de parler un anglais zézaillant, se font dépouiller par le fugitif, et vont poursuivre le voleur de leur esprit revanchard passant de la naïveté la plus ridicule à la mesquinerie la plus sordide : « Et dire qu’on paye tellement pour vous autres ! ».

Et puis, il y a la scène avec les parents, au sein de l’hôpital où le père a été admis suite à un infarctus, et où cet homme se retrouve sur la terrasse avec le pied à perfusion à roulettes …allumant cigarette sur cigarette…Criant de vérité, je vous dis !

Enfin, quoique tout le film montre bien que la désertion ne mène à rien, il n’y a ici aucun propos militant ou moralisateur. Cela aurait été facile d’être lourd, de souligner la gravité des conséquences ou la lâcheté du fuyard. De culpabiliser ce dernier par des scènes sentencieuses. Ou alors d’encenser son courage d’avoir dit non à la guerre. (ce qui n’était pas le cas).

Tout est dit sans être dit, comme par exemple, la douleur des Palestiniens, pris dans l’horreur des bombardements. On ne voit qu’une image de vieille femme qui pleure, à la TV, dans le coin d’une image. Le désespoir de la mère du soldat qui pleure et supplie son fils d'y retourner, dans un coin des toilettes de l'hopital. Ou encore la petite soeur de Shiri, la fiancée qui ne parle qu'e anglais et devant laquelle le soldat peut avouer sa fuite, enfin. La réalisation est d’une subtilité et d’une intelligence rares.

Ce film a obtenu des récompenses au Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier 2023 et au Festival international du film de Locarno 2023.

 

Réalisateur Dany Rosenberg

  • Ido Tako : Shlomi
  • Mika Reiss : Shiri
  • Efrat Ben Zur : la mère de Shlomi
  • Tikva Dayan : la grand-mère de Shlomi
  • Shmulik Cohen : le père de Shlomi
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