C’est un film documentaire de 2 h 30 consacré à un géant de la musique du XXᵉ siècle, disparu il y a 2 ans : Ennio Morricone.
Je ne me suis pas ennuyée une seule minute et pourtant je confesse que je ne suis guère calée en musique, même si, comme tout le monde, elle peut m’émouvoir aux larmes.
Grâce à l’amitié entre le réalisateur et le compositeur, nous entrons dans une grande conversation avec le maestro qui livre, dans la plus grande simplicité, quelques-uns de ses secrets de composition, ses options techniques, ses goûts et lignes mélodiques. Étant, comme je l’ai dit, très ignorante en matière de musique, je reconnais n’avoir pas tout compris aux différents systèmes de notation (A, B, C, D, E ou Do, Ré, Mi, Fa, Sol) ou bien aux références à certaines influences et techniques.
Mais ce n’était pas le plus important, non !; Le plus fascinant, c’est d’entre -apercevoir le cerveau d’un génie, d’approcher subtilement sa personnalité artistique, de tenter de comprendre comment « la machine » se met en route, ce qui fait l’étincelle de la création.
Et voilà ce que j’en ai appris :
La personnalité d'Ennio Morricone est éminemment complexe et paradoxale (je ne parle que de sa personnalité artistique, le reste lui appartient et n’entre pas en ligne de compte. J’ai toujours trouvé détestable de vouloir connaitre /aimer/détester les hommes sous leurs productions, c’est trop souvent décevant, car ils sont, j'en suis certaine, comme nous tous).
Ennio Morricone, créatif infatigable et prolifique, a produit 500 bandes sons de films ! Pour faire ça, il faut travailler beaucoup, certes, mais il faut aussi être très rapide et c’est bien ce qu’il était. Il est frappant de constater que les grands créatifs sont rarement laborieux et que les plus grandes œuvres se sont conçues très rapidement. Bien sûr, cela suppose une immense maîtrise de son art qui ne s’acquiert que par le travail, mais peu d’œuvres lumineuses ne résultent que d'un labeur minutieux. Ennio Morricone a créé la musique de MISSION , l’une des plus belles à mon avis, en seulement 2 mois !
Quoique célèbre dans le monde entier, il n’a été officiellement reconnu (lauréat d’un OSCAR Hollywoodien) qu’à 88 ans, ce qui n’est pas à l’honneur des académiciens de l’Academy Awards californienne. Et j’en dirais tout autant des Césars français où il n’a jamais été récompensé. Heureusement, il a reçu de nombreux autres prix comme les Golden Globe Awards, les Grammy Awards, Les British Academy Film Awards et bien sûr les Nastri d’Argento italiens. C’est un précurseur, un inventeur, un immense talent, qui, comme souvent, n’a pas été vraiment reconnu comme tel. Il a inventé la musique de XXᵉ siècle, la musique qui nous accompagne et qu’on a écoutée, même sans le film, parfois en boucle, parce qu’elle nous parlait au-delà des images. Considérée comme un art mineur, comme une activité commerciale, la musique de films a été méprisée des « puristes », d’ailleurs les propres maîtres d’Ennio Morricone au Conservatoire de Rome. C’est peut-être ce qui explique, en partie, ce peu de reconnaissance des contemporains ?
Tous les connaisseurs expliquent que les partitions d’Ennio Morricone sont claires et lisibles. Et je crois qu’effectivement, les grands génies écrivent lisiblement et que, même les présentations, les écrits, les codifications sont….belles à voir. La beauté, la recherche de la beauté, dans sa simplicité et sa…nudité, voilà qui, à mon sens, est aussi le propre des très bons créateurs.
C’est impressionnant de voir à quel point Ennio Morricone était à la fois déterminé, complètement persuadé de ce qu’il fallait comme musique pour tel ou tel film, et aussi divers dans son inspiration. Il a produit des œuvres symphoniques, des musiques de motets, de la musique dodécaphonique et de la musique concrète etc…. Il se disait anti-mélodie et pourtant ses musiques sont tellement rythmées et harmonieuses que nul ne peut croire qu’il se refusait à la mélodie. Je pense aux différentes sources d’inspiration de Picasso et de tous ceux qui ont vraiment créé une œuvre. C’est là aussi une des caractéristiques du génie. L’exceptionnel talent s’ennuie vite et il est touche à tout, il s’essaie aux différentes versions de son art !
Dans ses entretiens, il dévoile à quel point il pouvait aussi être mauvais juge de ses créations. Il avoue n’avoir pas aimé la bande son d’un de ses plus grands succès, il me semble qu’il s’agit du Bon, la Brute et le Truand !
Ce qui est merveilleux tout au long de ce documentaire, c’est de se souvenir des grands films pour lesquels la musique n’a pas été seulement un fond sonore, mais bien une partie, un élément signifiant, qui ajoute du sens du film. En voici quelques-uns, j’en suis totalement nostalgique :
Le Bon, la Brute et le Truand
Pour une poignée de dollars
Sacco et Vanzetti (c’est lui qui a composé aussi la musique de Simon and Bart, l’hymne de toute une génération chanté par Joan Baez)
Il était une fois en Amérique
Les Moissons du ciel
Mission
Il était une fois dans l’Ouest
Les Incorruptibles
La Légende du pianiste sur l'océan
Cinema Paradiso
Le Clan des Siciliens
Les Huit Salopards
On a envie de tous les revoir !
Et ce qui vient encore renforcer la présence d’Ennio Morricone comme un génie inoubliable de notre époque, c’est qu’il est constamment repris, y compris par les chanteurs rocks et rap d’aujourd’hui, qu’il a donné son nom à un astéroïde, et que son portrait est gravé sur une pièce de 5 euros de collection !
Un film à voir pour se mettre à l’abri de la canicule et passer un bon moment en côtoyant ce que la seconde moitié du 20ᵉ siècle a pu faire de mieux sur cette terre !