Je profite de la fête des mères...

(Petite fiction)

Heureusement j’ai une grande fille, parce qu’avec mes deux garçons, des jumeaux et mon mari, je ne m’en sortirais pas. Non, je ne vais pas me plaindre, je n’ai pas été obligée d’épouser celui qui est devenu au fil du temps mon quatrième enfant, celui qui est un peu plus âgé que moi, et qui me fait toujours rire, comme avant, de temps en temps, mais qui doit être de plus en plus piloté, drivé, monitoré (je ne sais pas comment appeler ça ?). Sa passivité face aux évènements de la vie n’est peut-être que le corollaire de la distance critique, pleine d’ironie et de sens de l’absurde, qu’il a toujours adoptée et qui, autrefois, m’aidait à surmonter mon anxiété. Aujourd’hui, ce flegme m’exaspère, je n’arrive plus à lui trouver du charme. Au contraire, cela me parait relever de la paresse, et de la déréliction, j’ai certainement pas tout faux, même si je comprends que c’est aussi, pour lui, un moyen puissant de ne pas céder à ses émotions, et/ou sûrement, comme moi, paniquer.

J’adore mes enfants et nous avons une vie confortable, pas riche, non, mais suffisamment à l’aise pour pouvoir partir aux sports d’hiver et faire un grand voyage par an. Bien sûr, cela demande une bonne gestion au quotidien, pas de dépenses superflues, et pas de gaspillages. Mais globalement, on est heureux. Je sais, c’est un peu obscène quand tant d’autres galèrent au quotidien. Enfin, faut dire aussi que sans mes parents, sans ce qu’ils nous ont laissé, sans la petite cagnotte dont nous avons bénéficié, les choses ne seraient probablement pas aussi agréables. Mon mari est longtemps resté au chômage, et c’est moi qui faisais bouillir la marmite. Et, s’il est bien capable de faire le pitre pour amuser la galerie, pendant sa période inactive, il en a passé des heures au bistrot à bières avec les copains, ce qui a toujours eu pour effet de me faire monter dans les tours. Une mégère, j’étais devenue, selon les garçons de la maison. Ah oui, une mégère ! La mégère en a marre de se démener toute seule, et de constater, au final, que tous attendent qu’elle résolve tous les problèmes d’intendance, prenne toutes les initiatives et pire que tout, doive ensuite assumer l’entière responsabilité de ce qui tourne mal.

Je voudrais pas dire, mais tout de même, il y a bien un partage des rôles, je veux dire un partage sexué, en fonction de l’homme et de la femme, qu’on le décide en fonction de stéréotypes ou non. Je précise qu’aujourd’hui nous travaillons tous les deux et que, sans être tatillonne, il faut bien reconnaitre que monsieur mon mari ne fait pas plus que les 35 heures réglementaires, alors que moi, il m’est demandé de rester souvent après l’heure, comme tous les cadres de ma boite. Eh bien, non seulement je suis accablée par les demandes et les pressions de mon manager, mais en plus, quand je rentre, mon mari tire une tronche affreuse, parce qu’en gros je le fais exprès, et que lui, se « tape » les enfants en m’attendant. « Se tape les enfants » !!!, oui, oui, alors que c'est maintenant des presqu’ados et qu’ils se gèrent tous seuls. Je reconnais qu’il faut veiller au grain, c’est vrai, mais rien à voir avec la petite enfance. Ce qu’il ne supporte pas, c'est surtout que je ne sois pas là quand il rentre, lui, Monsieur, de sa dure journée ! C’est pour ça que je dois le calculer comme un enfant supplémentaire et que ça ne me réjouit pas du tout !

Pour conclure sur le sujet du taf, et par souci d’apaiser les tensions, on va dire que nous travaillons tous les deux, à égalité, point.

Mais justement, raison de plus pour partager le quotidien, quoi ! Sans être tatillonne , (je sais je me répète) il me semblerait normal et naturel que chacun apporte sa contribution aux tâches quotidiennes. Mais attention, je ne veux pas tout faire à parité, moi ! Elles me font rire les féministes antagonistes qui prêchent la bataille des sexes ! Non, moi, je veux bien accepter des tâches de « femme », mais je ne veux pas descendre la poubelle, vérifier le niveau d’huile et la pression des pneus, monter sur le toit pour voir si une tuile ne serait pas fêlée etc…Je suis d’accord pour qu’on partage la cuisine et la préparation des repas, je suis ok pour le linge sale et tout le repassage, et je suis même d’accord pour m’occuper du ménage à condition qu’on respecte un peu mon humble travail ! Certain mari de ma connaissance s’ingénie à ne pas voir que le sol est en train de sécher et n’hésite pas à marcher avec de grosses papattes, qui laissent des traces partout !  . bon, j’accepte aussi  la charge mentale des courses, après tout je peux faire des listes, je sais mieux que lui, ce que contiennent nos tiroirs.

Alors qu’est-ce qui ne va pas et pourquoi je ronchonne ?

C’est qu’il y a des responsabilités que j’aimerais bien partager. Par exemple,  je ne suis pas du tout d’accord pour être le seul médecin de la maison en dehors du vrai médecin, je ne suis pas d’accord pour assumer l’alerte santé, les fièvres et les gastros, les rhumes comme les entorses, les radios et les opérations chirurgicales, je ne suis pas d’accord pour penser toute seule aux vaccins, au dentiste, au kiné et même au coiffeur ! Ces soucis-là devraient être répartis sur TOUS les membres du couple, non ?

Pareillement, je ne suis pas du tout partante pour prendre toutes les initiatives en termes de paperasses, de formalités administratives et de rendez-vous chez les professionnels. Le plombier, ça ne devrait pas être moi, de même que, pêle-mêle, l’inscription aux sports, le conseil de parents d’élèves, l’AG des copropriétaires, etc…. Non, non, moi aussi ça me gonfle de faire ça, moi aussi ça me prend du temps, moi aussi je suis fatiguée. Les accompagner chez l’ostéo, faire les formalités pour la journée de la citoyenneté, les inscrire à telle ou telle activité, les trimballer d’un endroit à l’autre…ça, ça devrait être partagé équitablement.

Mais voilà, dès qu’un problème surgit, c’est vers moi que les regards se tournent, parfois avec des reproches à peine contenus si je tarde à me souvenir. La charge mentale, la charge mentale, mais c’est surtout la charge que la famille me colle sur les épaules, sur mes pauvres épaules de femme, transformée en bourricot ! Ils sont tous d’un égoïsme pharamineux !

Et la dernière, qui montre bien leur inconséquence, je vais la raconter maintenant. La dernière, c’est au sujet de mon smart phone. Le mien a une batterie HS. « Qu’à cela ne tienne, me rassure mon mari, je vais te donner le mien, qui est plus récent et je vais acheter la dernière version de ce modèle qui vient de sortir. »

« D’accord, mais à une condition ! que je n’y voie que du feu . Mes contacts et mes applis, tu les transfères sur ton vieux tien qui deviendra le nouveau mien, d’accord ? je veux absolument n’avoir aucun problème, que le changement soit transparent pour moi ».

Eh bien, vous avez compris, cela va faire 1 mois maintenant que j’ai son vieux smart phone avec SES propres contacts, SES vieilles applis pourries , SES codes inutilisables, et que lui, Monsieur, passe son temps sur son nouveau jouet tout neuf à tout paramétrer pour lui avec SES propres environnements, SES jeux, SES liens etc ! Un monstre d’égoïsme !

Et tout à coup, je ne sais pas pourquoi, je pense à .... ! Volodymyr, toi que j’admire et que j’aime d’amour,  toi, le héros de l’Ukraine, et mon héros, celui qui n’a pas peur, celui qui  a su affronter le dragon, toi la rock star mondiale, se pourrait-il que je sois aussi....bien égoïste?

Bonne fête des Mères!