Un peuple (Film France 2022)

Comme il est beau ce film, comme il est digne ce peuple de France ! Enfin un documentaire qui rend compte honnêtement de cette révolte qui a été tellement déconsidérée.

Le cinéaste Emmanuel GRAS a fait ici œuvre historique et rétabli la vérité des faits. Non, les Gilets jaunes n’étaient pas d’horribles fascistes antisémites, pas plus qu’ils n’étaient composés que de casseurs black-blocquisés, et pas non plus remplis d’indigents « franchouillards » qui auraient eu comme défaut principal de puer l’ail.

La propagande médiatique, avant de les invisibiliser, a rempli de fake news leur réputation et les forces de l’ordre, qui ont reçu l’ordre de les mutiler cruellement, ont porté, au nom de ceux qu’ils protègent, de véritables atteintes à leurs droits d’expression et de manifestation.

Nous suivons, avec le réalisateur, un groupe de Gilets Jaunes, à Chartres, de 208 à la fin du mouvement, à la fois par désespoir et par usure totale des motivations.

D’abord la joie de la solidarité, la fierté d’avoir réussi la mobilisation, l’immense réconfort de se sentir moins seul.

Elles sont aides-soignantes, monitrices d’autoécole, retraitées, femmes de service etc… Ils sont en interim, conducteurs de poids lourds, en arrêt maladie ou autre…

Elles sont seules avec enfants, elles ont la cinquantaine, ils sont d’anciens SDF tout juste sortis de la misère, ils travaillent tous, ils ont besoin de leurs voitures. Et l’essence vient d’augmenter, car le gouvernement a décidé d’augmenter les taxes sur les produits pétroliers pour financer la « transition écologique ».

Puis très vite, les revendications demandent plus de démocratie et on les voit réclamer le RIC dont ils ne connaissent pas tous l’usage d’ailleurs.

Et enfin, ils se politisent, découvrent que les injustices sociales sont de plus en plus creusées et comprennent qu’ils sont méprisés. L’une des porte-parole du mouvement sur le plan local, dira : « Ils nous prennent pour des CASSOS qui campent sur les Ronds-Points ».

Et enfin, il y a les blessures, les charges, les nasses, les envois au Poste, la brutalité, et même les mensonges éhontés. Ils ne sont jamais rentrés de force à La Salpêtrière, ils n’ont jamais voulu de violences, de saccages, de cris antisémites et surtout ils ne demandaient qu’un peu de considération.

Il est indéniable qu’il y a eu des débordements, des blacks blocs in filtrés, et comme partout, des éléments incontrôlés qui ont débordé le mouvement. Mais eux, la chair, le cœur, la base de cette révolte, eux qui galèrent tous les jours pour une poignée de cerise, eux qui se sont faits enfumer par les politiques et les médias, eux, les Gilets Jaunes, ont fini par jeter l’éponge, usés, épuisés, traumatisés.

Et pourtant Emmanuel Gras ne les idéalise pas : parmi eux certains n’attendent pas pour trahir la confiance de leurs camarades, ou se rendre incolores pour justement ne plus être des cibles, alors que les autres continuent la lutte avec leurs gilets jaunes. Il y a ceux qui poussent à l’action et qui désertent au moment crucial, il y a ceux qui abandonnent très vite, il y a ceux qui ne sont solidaires que lorsqu’ils ne risquent rien. Et enfin il y a ceux qui, assez vite, défont les liens et fissurent la cohésion. Tout cela est bien normal pour une jeune mobilisation et, qui plus est, non structurée, composée de novices, non rodée à l’organisation des foules.

Et ils sont tellement attachants , Agnès, Benoît, Nathalie et Allan, dans leur naïveté, et surtout dans leur énergie et leur volonté d’apprendre ! Ils sont très lucides, comprennent bien ce qui leur arrive, tentent malgré tout de faire face. Ils forcent le respect parce qu’ils ont le sentiment de défendre une cause juste et qu’ils auraient souhaité le faire dans les meilleures conditions.

J’avais les larmes aux yeux très souvent, tant pour leur détermination que pour ce qui les attendait finalement : un grand mépris doublé d’une totale indifférence à leurs souffrances.

La honte ne leur revient pas. Il faut absolument voir ce film.