Après « Merci Patron » (sur la désindustrialisation et la férocité du patronat) et « J’veux du soleil » (sur les Gilets Jaunes) , voici le troisième film documentaire de François Ruffin et, je le dis tout de suite, c’est une vraie réussite.
Il y est question des femmes de l’ombre et des « métiers du lien », c’est-à-dire de tous ces métiers mal payés mais indispensables pour assurer la solidarité avec les plus démunis et les plus précaires de nos concitoyens. Ces métiers qu’on savait indispensables bien avant la crise du COVID, se sont révélés réellement vitaux dans les périodes d’isolement liées aux mesures généralisées de restrictions des libertés et des possibilités de déplacement.
Les femmes qui les assurent sont principalement chargées de l’assistance aux personnes âgées dépendantes ne vivant pas en institutions. Les personnes âgées concernées sont parfois lourdement handicapées et il faut assurer leur lever, leur toilette, leur repas et le ménage quotidien. Mais les « métiers du lien » concernent aussi d’autres secteurs, toujours assurés par des femmes. François Ruffin y adjoint, à juste titre, les AVS (Auxiliaires de Vie Scolaire), les AESH (Accompagnant des Elèves en Situation de Handicap) ou encore les agents d’entretien.
Or les femmes (car il s’agit à 100% de femmes) qui travaillent dans ces métiers, sont tellement peu reconnues qu’elles ne peuvent quasiment pas vivre de leur seul salaire. Moins de 700 euros par mois ! Les précaires prennent en charge les précaires, les pauvres assurent la solidarité avec les autres pauvres, dans l’indifférence générale.
Pour celles qui s’occupent de personnes âgées, les injustices sociales sont nombreuses :
Les personnes âgées à domicile auraient pu, sans ces femmes chargées d’assurer leur survie quotidienne, mourir seules et/ou aggraver la sévérité des conséquences de la pandémie. Dans des moments où l’accès aux hôpitaux a été rationné, on comprend que le maintien à domicile était encore plus crucial.
François Ruffin a été missionné par l’Assemblée Nationale où il est député LFI, en compagnie d’un député LA REM , Bruno Bonnell, un chef d’entreprise qui ne s’était pas fait connaitre pour ses sensibilités sociales jusqu’à présent et qui a tout pour être complètement à l’opposé des convictions de Ruffin. Mais, et c’est bien la performance de François Ruffin, qui n’a jamais été sectaire, les deux hommes finissent par se comprendre au point de porter ensemble une proposition de loi. Malgré cette coordination et en contradiction totale avec les déclarations jésuites de Macron sur les métiers indispensables à la nation, tous les articles de ce projet de loi ont été systématiquement rejetés par la majorité parlementaire, laquelle n’a plus aucun rôle si ce n’est de valider les décisions macronniennes.
Le film ne sombre jamais dans le misérabilisme ou la complainte. Au contraire il restitue visibilité et dignité à des femmes constamment repoussées dans l’ombre quand elles ne sont pas carrément ignorées.
Et c’est un film drôle, humain, attendrissant, bref en droite ligne des films précédents de François Ruffin. On y rit, on y essuie une larme, on s’y réchauffe le cœur.
À voir pour respirer un peu et croire à nouveau à la justice !!