A la suite d’un malentendu , je viens de découvrir une nouvelle pathologie, parait-il très répandue chez les millenials, la FOMOPHOBIE.
De quoi s’agit-il donc ?
Voilà une définition donnée par Internet :
« Le syndrome FoMO ou La peur de rater quelque chose (FoMO, acronyme de l'anglais fear of missing out) est une sorte d'anxiété sociale caractérisée par la peur constante de manquer une nouvelle importante ou un autre événement quelconque donnant une occasion d'interagir socialement. Cette peur est particulièrement nourrie par certains aspects de la technologie moderne, tels les téléphones mobiles (nomophobie) et le réseautage social à l'aide de sites tels Facebook, Twitter, Instagram et TikTok, où l'utilisateur peut continuellement comparer son profil à celui d'autres utilisateurs. »
On comprend que l’usage constant des nouvelles technologies engendre ces angoisses. Car c’est bien parce qu’il existe la possibilité d’être branché à la seconde (en temps réel) à tout ce que se publie sur les réseaux qu’on peut éprouver le sentiment d’être « out » si on manque quelque chose. Examinons plus précisément ce que recouvrent ces informations si importantes à connaitre :
Être toujours au courant de tout : A partir du flux d’informations permanent, accessible sur n’importe quel téléphone portable il s’agit de « tout « savoir à tout moment : les personnes atteintes du syndrome FoMO cliquent sur des fils d’actualités, consultent les pages de news et les messageries, de peur de manquer une tendance, une évolution, une quelconque opportunité.
En soi, ce n’est pas une mauvaise chose d’être curieux, et je le suis moi-même. Un journaliste, par exemple, est payé pour être au courant de tout, avant tout le monde. Cela a toujours été comme ça: le scoop fait partie du journalisme. Mais le rythme s’est accéléré ces dernières années avec l’accès à l’information en continu, donc immédiate. On voit bien, pourtant, toutes les dérives que cela peut entraîner : absence de recul, déformation de l’information, pas de place pour la réflexion et l’investigation, tendance à privilégier le sensationnel, inexistence du contradictoire …. Les consommateurs exigent du temps réel, quitte à avaler de la « fake » !
Car la production d’informations en grande quantité, diffusées sans vérification, sur une cascade de réseaux, engendre fatalement des erreurs, volontaires ou non. Les consommateurs sont alors victimes d’infobésité, de mauvaise « graisse » de la pensée qui conduit à des visions binaires ou manichéennes, ce qui fait advenir parfois de tristes conséquences (cf le BREXIT avec l’intox des 350 millions de livres versées par semaine, ou l’élection de Trump en 2016 avec un soi-disant soutien du pape François, etc…). Au final, il n’y a donc plus de vérité (ou des « vérités alternatives »), nous sommes passés dans l’ère de la post-vérité, d’une information approximative, répondant plus à des critères politiques ou économiques qu’à des critères objectifs.
En outre, j’ajoute, et c’est une grande curieuse qui l’écrit, qu’il est totalement illusoire de croire qu’on peut toujours être au courant de tout ! Plus jeune, quand je passais dans les librairies, je me disais que j’allais pouvoir lire tous les auteurs dont on parlait et qui tenaient l’affiche ! Hélas, comment cela aurait pu être possible, je ne suis jamais arrivée à lire toute « La Comédie Humaine » que Balzac avait pourtant écrite en 30 ans !
Être au courant des activités des « amis » : le FoMO se rapporte souvent à des activités pratiquées par des amis et des connaissances, et auxquelles on ne participe pas soi-même pour toutes sortes de raisons. Naît alors une peur de se retrouver exclu, de ne plus être apprécié par des personnes qui nous tiennent à cœur.
Avec Facebook, et les réseaux sociaux en général, on a une fenêtre sur la vie rêvée de nos « amis » (je mets chaque fois le mot entre guillemets car certains « amis » Facebook sont totalement virtuels, et donc tout sauf de vrais « amis »). Par cette fenêtre, on peut à tout moment garder un œil sur les aventures des autres, évidemment baignées dans le bonheur familial, dans les activités paradisiaques et la fortune facile ! Du coup, tout ce qu’on fait nous-mêmes nous parait vide, incolore et sans saveur ! Nous sommes tentés de croire que nous avons raté notre vie. Faute de connaitre le même bonheur que ces chanceux, notre estime de nous dégringole et nous nous remplissons d’amertume et de jalousie. Le ressentiment s’empare de nous, surtout si nous sommes jeunes, peu confiants dans notre propre personne, peu expérimentés.
Et voilà comment le FoMO finit par nous « détruire ». Nos amis sont des rivaux qui réussissent pendant que nous échouons lamentablement. Et, au lieu de nous retirer de ces réseaux d’enfer, nous voilà encore plus scotchés au seul fil qui nous permet de nous sentir moins seuls, moins exclus, moins ignorés ! Et, de ce fait, nous voilà encore plus dépendants, encore plus soumis aux comparaisons, et encore plus rejetés ! Un chroniqueur au New York Times, remarquait : « Nous passons désormais, , « la moitié de notre temps à prétendre être plus heureux que nous le sommes, et l’autre moitié à regarder comme les autres semblent l’être bien plus que nous ».
Il ne viendrait pas à l’antichambre du cerveau reptilien de ces jeunes (car c’est bien un problème qui affecte les jeunes en priorité) que les « amis » ne publient justement que ce qu’ils trouvent le plus reluisant et qu’ils évitent soigneusement de montrer l’envers du décor, non ?
Bien entendu, la vantardise des « amis » n’est pas une tendance nouvelle. Je me souviens que les bébés de mes « amies » dormaient tous comme des loirs dès la sortie de maternité, qu’ils étaient tous sages comme des images, et qu’il n’y avait donc que les miens qui criaient au moindre désagrément et que je passais des heures à bercer ! Mais les réseaux sociaux ont largement amplifié le phénomène, d’où le syndrome FoMO.
Enfin, le « Fear of missing out » peut aussi se déclencher sans que nos amis soient impliqués. Il peut être induit par l’éventail des possibilités et des options pouvant constituer notre temps libre, ou tout simplement notre vie. Est-ce que j’aurais plutôt dû aller à l’autre concert/cinéma/resto/fête ? Peut-être l’autre emploi/voyage/activité aurait-il été meilleur pour moi ? Et qu’aurait fait Kim KA ?
De mon temps, on parlait de « Bovarysme » pour désigner ce sentiment de frustration qu’on peut éprouver en constatant combien son propre quotidien est banal comparé à celui qu’on aurait pu avoir si on n’avait pas fait le ménage, la cuisine et les courses pendant la moitié du Week end, l’autre moitié étant passée à contempler son canapé !
A la réflexion, je me demande si l’angoisse ne naitrait pas beaucoup plus de ne pas avoir fait que d’avoir fait ? Car on ne peut pas être à la fois au four et au moulin, comme on disait autrefois. On ne peut pas à la fois se reposer de la semaine et sortir toute la nuit, on ne peut pas être dans deux fêtes à la fois, on ne peut pas vivre plusieurs vies simultanées et participer à tous les évènements les plus cools qu’on puisse imaginer, tout en achetant le dernier sac à la mode et en étrennant la tenue la plus branchée du moment. Bref il va falloir se limiter, c’est peut-être déprimant mais c’est un principe de réalité.
Pour aller encore plus loin, ce qui me paraît le plus important pour les FoMOphobes qui vivent dans la culture du selfie, c’est bien plus d’avoir fait savoir que d’avoir fait. Car pour dépasser le stade du ressentiment, l’angoisse du FoMO, il faut avant tout envoyer de l’information aux « amis » , photographier son plat au restaurant, sa performance dans la vague australienne, sa bouille à côté d’un gorille des montagnes. Avec Photoshop, il me semble pourtant que toutes ces inventions sont réalisables et qu’il y a moyen d’affronter le regard des « amis ».
Ceci étant, la maladie du FoMO me semble tellement reliée aux réseaux que j’entrevois assez vite le moyen d’en sortir sans médicament. Voilà quelques semaines que j’ai désactivé FACEBOOK et que je goûte les délices du JoMO (Joy of Missing Out)…