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Le retour des loups

  posté par VIEUZIBOOO 

En laissant ma chronique des loups sans suite il y a un certain temps, je n’avais aucune idée, ni de la date à laquelle je la reprendrais, ni du sens que je lui donnerais. En effet, je l’avais quittée sur un fort sentiment de perplexité face notamment à ce conflit croissant entre partisans d’un retour du loup sans trop d’entraves et défenseurs des éleveurs soumis aux attaques de plus en plus fréquentes des loups contre leurs troupeaux.

Voici ce qui m’a décidé à reprendre cette rubrique :

Tout d’abord, j’ai vu récemment un film intitulé « Marche avec les loups », réalisé par un ami passionné des loups, Jean-Michel Bertrand (il avait déjà fait : « La vallée des loups »). Ce film, qui n’a pas fait la une du box-office, ne m’a pas seulement intéressé, il m’a captivé par l’ambiance qu’il sait crée et par le charme un peu rude qui l’imprègne. Pas uniquement à cause du loup d’ailleurs, mais aussi par la splendeur des paysages des Alpes et du Jura, et par son rapport au temps, si différent des rythmes trépidants de notre vie. Non pas que l’on s’ennuie dans ce film, non, on n’y ressent pas de lenteur stricto sensu car l’on y découvre un autre rapport au temps. On apprend aussi avec Jean-Michel Bertrand à rechercher puis observer les signes de présence du loup en y consacrant beaucoup de patience mais aussi de volonté et d’opiniâtreté. Et le récit de cette quête n’est jamais monotone, il est plein de rebondissements, de surprises, de questionnements aussi (sommes-nous sûrs de retrouver le même animal lorsqu’ il nous semble réapparaître après une longue errance masquée ?). Et quel personnage, quel conteur que ce Jean-Michel Bertrand, ami des loups ! Avec sa barbe broussailleuse, sa voix éraillée mais chaleureuse, et son regard intense, il nous semble vraiment surgir du fond de la forêt tel un « homme des bois », mais un homme des bois cultivé, perspicace et observateur, sachant nous convaincre par ses films passionnants.

Ensuite, je ne résiste pas à la tentation d’anticiper une grande nouvelle qui devrait nous être annoncée dans quelques mois, d’ici au mois de juin à l’occasion de la présentation des derniers résultats de comptage des loups : le nombre de loups présents sur le territoire français augmente plus vite que prévu ! La prévision chiffrée de 500 loups, envisagé pour 2023, a été dépassée dès 2019. Nous ne connaissons pas encore les chiffres exacts (qui seront en fait un bilan des signalements et de tous les évènements de l’année 2019), mais on sait déjà que le loup se répand (il « disperse », disent les spécialistes) beaucoup plus vite que prévu sur notre territoire. Et pourtant les « prélèvements » (c’’est-à-dire les autorisations de tir, je déteste ce terme) augmentent aussi. Depuis les Alpes, il est remonté vers le Jura et les Vosges, comme nous le montre le film de Jean-Michel Bertrand. Mais il part aussi « à la conquête de l’Ouest vers le Massif Central et au-delà vers les Pays de Loire, la Nouvelle Aquitaine (on a récemment signalé un loup en Charente) et même la Bretagne. Des régions de plaines et de collines, pas de montagnes. De plus, on signale une nouvelle zone d’arrivée des loups par la Belgique, vers les Hauts-de-France et les Ardennes. Alors que, comme on le rappelait dans les précédents chroniques, le loup est revenu en France au début des années 90 depuis l’Italie.

Ce n’est pas seulement le loup gris, celui qui revient en France (en fait il y a trois espèces chez nous), qui capte notre attention, mais aussi le loup arctique, un animal assez fascinant par sa capacité à survivre dans des régions inhospitalières. Alors je me dis : et si on portait un regard positif et optimiste ? Après tout, il y a tant d’espèces animales qui risquent de disparaître (pensons aux pauvres koalas d’Australie pourchassés par les flammes). L’an dernier, un grand signal d’alarme sur la chute de la biodiversité dans le monde (qu’il s’agisse des animaux ou des espèces végétales) a été lancé par une conférence mondiale qui s’est tenue à Paris. A titre d’exemple, chacun a entendu parler de la réduction drastique du nombre d’insectes observable par le « test du pare-brise » (oui, je suis assez âgé pour avoir connu ces parebrises constellés d’insectes après des parcours effectués durant les soirées de printemps ou d’été).

Un animal qui non seulement arrive à survivre, mais trouve même le moyen d’occuper de nouveaux territoires et de croître en nombre, c’est déjà une bonne nouvelle. Mais quand cet animal est le loup, c’est encore plus significatif.

Ce  n’est peut-être pas fortuit : c’est la marque de la grande capacité d’adaptation des loups à leur environnement : grâce à leur organisation en meutes, dont la petite taille, quasi familiale, et l’organisation hiérarchique et solidaire permettent la survie des individus mais aussi la découverte de nouveaux territoires. Grâce aussi à leur capacité d’observation, qui leur permet de « détecter » et « d’entrer en contact » avec d’autres animaux, ou avec les hommes d’ailleurs.  Car il s’agit bien d’entrer en contact, même si nous ne le ressentons pas ainsi. Avec des intentions de recherche de nourriture (n’oublions pas les pauvres brebis), mais pas seulement. J’ai été très frappé par cette anecdote relatée dans un tout récent documentaire animalier. L’équipe de tournage recherchait des loups dans les Apennins en Italie. Elle s’est épuisée à crapahuter dans les montagnes, sans aucun résultat. Alors qu’elle avait renoncé, épuisée, à repartir en expédition, elle a été surprise de voir arriver, de nuit, des loups sur le parking du village où elle passait la nuit. Rappelons que les Italiens ont une relation beaucoup plus positive, voire « amicale » avec les loups, que les Français, ou du moins une bonne partie d’entre eux. Apparemment, les loups italiens ont l’air d’être au courant de cette particularité.

 

Et que dire du loup arctique, dont le pelage immaculé, la silhouette agile et le regard pénétrant attirent tant de photographes ? Cette même organisation en meutes, cette même aptitude à partir à la découverte de nouveaux territoires, lui permettent de demeurer dans ces grandes étendues glacées, même si sa durée de vie moyenne, selon les observateurs, n’y excède pas cinq ans alors que c’est huit ans d’ans d’autres régions. Récemment, dans les Pyrénées, un loup de 14 ans a été « euthanasié » en raison de sa grande faiblesse.

Ce qui n’est pas fortuit non plus, et qui devrait nous réjouir, c’est que nous retrouvons petit à petit ce lien particulier, historique, entre les loups et les hommes, qui nous fait réfléchir à notre relation avec la nature. Allain Bougrain-Dubourg nous dit d’ailleurs que « le loup est un guide pour la nature », comme une sorte de talisman contre l’apocalypse écologique, ajoutent ses défenseurs. Et le photographe Jean-Christophe Verhaegen de proclamer : « Le loup, c’est l’animal que nous rêvons d’être, alors que nous sommes trop souvent des moutons que certains rêvent de programmer ». Belle référence au monde actuel et à ses dérives technologiques et transhumanistes.

Vous allez me dire que je passe un peu vite sur ces pauvres brebis. Jean-Michel Bertrand, dans son film, proclame que « les éleveurs devront s’adapter ». C’est vite dit. Des attaques sont signalées dans des régions de plus en plus variées et dispersées sur le territoire français : dans le Var, dans le Pas-de-Calais. Les éleveurs manifestent, dans les Hautes-Alpes, les Pyrénées. Après le nombre record d’animaux tués en 2017, il faut attendre les chiffres les plus récents pour voir si les mesures de protection (les clôtures, les fameux chiens patous) vont enfin produire leurs effets.

 

Bon, pour conclure, je vous avoue que je serais assez désemparé de me retrouver face à un loup dans ma campagne (dans une région où son retour n’a pas encore été signalé). Il faudrait espérer qu’il n’est pas affamé ! Mais j’attends beaucoup des appels au dialogue entre défenseurs du loup et éleveurs et plus généralement de la prise de conscience des aspects positifs du retour du loup.

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