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La Cravate (Film France 2019)

La Cravate (Film France 2019)

S’il y a bien un film à aller voir en ce moment c’est celui-là.

Ce film est un documentaire (mais l’écriture est celle d’un roman cinématographique) , qui raconte la campagne d’un jeune de 20 ans, Bastien, engagé politiquement depuis son adolescence, et qui « fait » la campagne de Marine Le Pen dans sa province picarde.

Ce gamin, aux joues rondes et au nez retroussé, s’installe dans un fauteuil éclairé par des abats jours, et commence la lecture du pitch de sa propre histoire, et ce dès les premières images. On a des doutes, au tout début, à cause de la voix off, et de la fixité de la caméra. Doutes vite levés tant le texte est absolument précis, clair, illustré par des videos de la campagne électorale en Picardie.

Mais ce qu’il y a de plus remarquable dans ce film, c’est que jamais il n’est vraiment question des thèses politiques du Front, ou alors très peu, marginalement, au détour du chemin, au cours d’un meeting dont on n’entend que deux phrases. Ces deux phrases montrent notamment que si les constats faits par l’extrême droite restent justes (les abus de élites, les injustices, le manque de démocratie, la désindustrialisation et la pauvreté etc..), les solutions proposées apparaissent très simplistes, et complètement hors sol (« c’est la faute aux immigrés ») . Les participants ne peuvent que scander « La France, elle est à nous », slogan nationaliste qui ne mène nulle part.

Non, ce qui est frappant dans ce film, c’est que l’ensemble des discours politiques est gommé, le son est même coupé quand les grands pontes parlent, on n’aperçoit que les gestes et la force des présences des grands caïds de l’organisation. (En cette période et surtout dans le Nord, sévissait Florian Philippot, éjecté après la défaite de 2017, après avoir été jugé responsable de la débâcle).

Le film est concentré sur le personnage principal, jeune homme presque attendrissant de candeur et d’enthousiasme, qui apprend peu à peu les codes de la politique :  Comment s’habiller, comment se tenir, et même comment nouer sa cravate !

Bastien découvrira également les lois cruelles du métier : adieu les grandes idées, au revoir toutes les promesses, à la poubelle les convictions ! Quand il s’agit de jouer des coudes pour avoir une place sur une liste et espérer gagner de l’argent, c’est chacun pour soi, et les bagarres individuelles sont bien plus réelles et actives que les luttes idéologiques. Il comprendra vite que sans appui et sans entregent, il va rester cloué aux basses besognes, aux petites tâches d’intendance ou de claque, aux coups de main miteux,  et qu’il finira comme le dindon de la farce. Cela l’affecte, même s’il cherche à étouffer sa déception, et qu’il continue son militantisme têtu.

Car il a un passé à oublier, un passé à faire disparaitre sous une couche de respectabilité. Il a été violent chez les skinheads, il n’a pas commis l’irréparable mais s’en est approché dangereusement. Et le Front, c’est pour lui l’occasion d’effacer la tache originelle, car, pense -t-il, le Front, c’est plus « clean », moins directement rattaché à la baston, aux actions xénophobes et racistes, moins lié à la nostalgie du IIIème Reich (c'est ce qu'il croit). Au fond, c’est l’occasion pour lui d’un recyclage, qui s’apparente à un « blanchissement », à un habile camouflage. Oui, c’est une façon de se refaire une virginité, si je peux employer cette expression, plus qu’une rédemption, car le garçon joufflu n’a pas bien l’air de regretter son passé.

Pendant tout le film on est donc centré sur le visage et les expressions de ce jeune homme, peut être pas complètement perdu pour retrouver son identité, et comprendre que son engagement ne l’amène qu’à une impasse !

Un film sensible, fin, intelligent, à voir sans réserve.

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