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La France périphérique (Christophe GUILLUY ed Flammarion)

La France périphérique (Christophe GUILLUY ed Flammarion)

Voilà le second livre de Christophe GUILLUY sur la question de la France périphérique et des fractures géographiques, sociales et sociétales de notre société. Il faut rappeler que le livre est paru en 2014, quelle prescience!

Cet ouvrage explique la dimension géographique des divisions sociales. Christophe Guilluy rappelle à nouveau les atouts des quartiers de banlieues. Ils sont en effet situés dans des métropoles dynamiques où les opportunités d’emplois sont nombreuses. Christophe Guilluy souligne également qu’on y observe une grande mobilité résidentielle. Celle-ci s’explique en partie par la surreprésentation des jeunes, mais pas seulement. Ces quartiers sont les points de départ de ménages en ascension sociale autant qu’ils accueillent des ménages en difficulté. Pour reprendre une formule de Michel Wieviorka, les quartiers populaires de banlieue ne sont pas seulement des nasses, mais aussi des sas.

Mais là n’est pas l’essentiel. Pour Christophe Guilluy, la question centrale est que les difficultés des banlieues en occultent d’autres, dans les espaces situés à l’écart des métropoles, ceux qui constituent « la France périphérique ».

Christophe Guilluy cherche à mieux définir la France périphérique et à la rendre visible par des documents cartographiques couleurs placés en encart au centre du livre. La définition de la France périphérique était restée floue dans Fractures françaises. À présent, on sait qu’elle est constituée par les territoires qui se situent hors de la zone d’influence des 25 plus grandes villes de France (zone d’influence définie grosso modo comme les aires urbaines amputées des parties socialement les plus fragiles de leur couronne périurbaine). Cette définition est appuyée sur la construction d’un indice de fragilité qui synthétise des données sur le taux de chômage, le taux d’emplois précaires, la part d’ouvriers et d’employés, etc. . La comparaison de la carte montrant les aires urbaines avec celle montrant les fragilités est effectivement saisissante. La seconde est presque l’exact négatif de la première. Ces cartes montrent à quel point les difficultés sociales ne sont pas l’apanage des banlieues.

« Pour la première fois dans l'histoire, les catégories populaires ne vivent plus là où se créent la richesse et l'emploi. Naguère les ouvriers vivaient dans les grandes villes. Il y avait une intégration économique doublée d'une intégration politique, par le canal du Parti communiste. Aujourd'hui, on assiste à l'émergence d'une France périphérique à l'écart des métropoles qui restent les zones d'emploi les plus actives. Globalement la société française a réussi son adaptation à la mondialisation avec le développement de ces métropoles. Mais on n'y a plus besoin des catégories populaires pour faire tourner la boutique. Car les métropoles génèrent à la fois des emplois très qualifiés, occupés par des cadres, et des emplois sous-qualifiés, sous-payes, souvent tenus par des immigrés. »

Pour Christophe Guilluy, le processus de concentration spatiale des classes populaires dans la « France périphérique » s’explique aussi par leur déclassement dans les espaces métropolitains centraux et leur évitement des espaces de banlieues, qui aurait pour principale cause l’" insécurité culturelle", autrement dit la perte de repères identitaires. 

Christophe Guilluy montre les spécificités, souvent ignorées, des problèmes sociaux hors des métropoles. La première, et sans doute la plus importante, est la plus grande difficulté à s’adapter à une perte d’emploi. Les habitants de la France périphérique ne bénéficient pas de la densité d’emploi des grandes métropoles. Un plan social dans une usine n’y a pas le même impact que dans la banlieue de Paris ou de Lille. Pour retrouver un emploi, il faut prospecter dans un rayon beaucoup plus large, souvent trop large.

Trop large car les déplacements sont coûteux, notamment lorsqu’ils doivent être effectués en automobile. Il reste la solution du déménagement, mais la chose n’est pas simple. Christophe Guilluy montre toute l’importance de la sociabilité locale pour les couches populaires. Pour elles, déménager c’est souvent perdre les appuis familiaux, amicaux et associatifs dont elles bénéficient. Pour travailler, il faut faire garder les enfants et quand on gagne peu, la proximité des grands-parents est essentielle. En outre, quand on vit dans une zone frappée par la crise et par la désindustrialisation, il est difficile de vendre sa maison pour en racheter une autre dans une zone mieux lotie, où les prix immobiliers sont nécessairement plus élevés. Changer de logement quand on bénéficie d’un loyer social n’est guère plus aisé. Bref, dans un bassin d’emplois réduit, l’espace de résidence peut devenir une nasse. Les ghettos ne sont pas nécessairement là où on le croît.

Christophe Guilluy considère qu’il faut entendre les catégories populaires. Et selon lui, ce qu’il faut entendre, c’est un malaise identitaire, le sentiment de ne plus être chez soi face à une immigration porteuse d’une culture différente. L’immigration n’est certes pas chose nouvelle, mais pour Christophe Guilluy elle a changé de nature, d’abord en raison d’un écart culturel supposé plus important, ensuite en raison de l’évolution des mentalités.

Ainsi, les immigrés qui peuplent les banlieues des métropoles non seulement captent les ressources des politiques de redistribution mais peuvent aussi affirmer sans vergogne leurs particularismes et leurs différences culturelles dans l’espace public. 

Christophe Guilluy appelle les « natifs »  ceux qui peuplent la France périphérique et ceux-ci ne peuvent qu’éprouver un désagréable sentiment de domination. Perdants sur le terrain économique, ils sont aussi perdants sur le terrain culturel, faute de goûter aux plaisirs de l’expérience de la diversité dans leur quartier. La fracture territoriale se redouble ici d’une fracture culturelle, opposant les métropoles cosmopolites où se concentrent des populations d’origines très variées et la France périphérique dont le monde idéal est selon Christophe Guilluy le «village », terme qui renvoie métaphoriquement au groupe social uni par une culture partagée.

Une des illustrations les plus frappantes du malaise actuel est la présence de drapeaux algériens dans les rues après les victoires de l’équipe de football d’Algérie. Cette présence donnerait le sentiment aux « natifs » de ne plus être chez eux.

Il oppose « les classes dominantes qui vivent le multiculturalisme à 5000 euros par mois » et « les classes populaires qui vivent le multiculturalisme à 1000 euros par mois »       

Pour Christophe Guilluy, la France périphérique se distingue de la banlieue par une plus forte présence des « petits blancs » .

Les « petits Blancs » seraient ainsi déstabilisés par le « multiculturalisme » et forcés d’adopter « la culture dominante » de ces espaces, à savoir l’Islam : « dans de nombreux quartiers, la nouvelle minorité, souvent « blanche », celle qui n’a pu quitter ces quartiers, s’adapte à la culture dominante. […] Une adaptation qui conduit parfois certains jeunes à s’assimiler à la culture majoritaire, par exemple en se convertissant à l’Islam ».

 

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