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Loups: c'est comment ailleurs? (2nd épisode)

Loups: c'est comment ailleurs? (2nd épisode)

Je reprends cette réflexion sur les loups après vous avoir fait part de ma perplexité face aux conséquences et aux enjeux de la réintroduction du loup en France. Et face aux débats passionnés entre deux « camps » presque irréconciliables, les « pro » et les « anti » loup.

Pour prendre un peu de recul par rapport à nos querelles hexagonales, je vous propose d’aller voir ce qui se passe ailleurs, aux USA et en Italie.

Les USA d’abord, car les partisans de la réintroduction et du développement de la présence du loup citent constamment en exemple l’expérience réussie de sa réimplantation dans le Parc National de Yellowstone.

Créé en 1872, situé pour l’essentiel dans l’Etat du Wyoming, au nord des Montagnes Rocheuses, le Parc National de Yellowstone est historiquement le premier Parc naturel du monde. Il s’étend sur près de 9000 km 2, soit un peu plus que la surface de la Corse. Il a été classé par l’UNESCO, d’abord réserve de biosphère en 1976, puis patrimoine mondial de l’humanité en 1978.

Alors même que les espèces animales y sont très variées et nombreuses (bisons, ours bruns (grizzlis), ours noirs, wapitis, coyotes, antilopes, moutons et chèvres de montagne pour ne citer que les plus gros mammifères), il avait été décidé, au moment de l’éradication des loups aux USA, dans les années 1920/1930, de ne pas faire d’exception pour les loups présents dans le parc naturel. Compte-tenu du très grand nombre de visiteurs (plus de 3 millions par an dans la période récente), on considérait que le loup représentait un vrai danger difficile à maîtriser, à la différence des ours dont la présence à proximité des visiteurs a été pendant longtemps jugée plutôt sympathique (ça a changé depuis). On pensait aussi que les coyotes entre autres étaient des prédateurs suffisamment actifs .

Avec la prise en compte croissante de l’écologie et de la biodiversité, constatée aux USA comme ailleurs, il a été décidé, c’est le « US Fish and Wildlife Service » qui en a été chargé, de réintroduire le loup dans le Parc de Yellowstone, en 1995 et avec des loups en provenance du Canada, au nombre de14. Intéressante coincidence, c’est à peu près au même moment que l’on constate l’arrivée de deux loups en France dans le Parc du Mercantour. Dans le Yellowstone, on attendait de cette arrivée du loup un nouvel équilibre des espèces sauvages, dans un milieu d’où l’agriculture et la chasse étaient absentes, mais pas la présence humaine en raison du tourisme. Et de l’avis de la plupart des observateurs, les effets positifs ont été encore plus forts que prévu. Selon Mark Boyce, professeur d’écologie à l’Université d’Alberta, qui a étudié la dynamique des écosystèmes correspondants depuis 40 ans, et qui a remis ses conclusions l’an dernier, « le Parc de Yellowstone a profité de la réintroduction des loups d’une manière que nous n’avons pas anticipée ».

D’une part, comme en France, le nombre des loups s’est multiplié : ils ont été estimés à 300 en 2003, puis ils ont continué à proliférer, en sortant d’ailleurs des limites du Parc, au point que l’on en a recensé récemment 1645. Il y a eu aussi, en dehors du Parc, des attaques de bétail (12 vaches et 50 moutons de 1995 à 2001), au point qu’à certaines périodes, le « statut » d’espèce protégée a été mis entre parenthèse, mais ce n’est plus le cas et il y a désormais quasi-unanimité pour vanter les bienfaits de son retour.

D’autre part, le loup s’est attaqué en premier lieu aux cervidés (wapitis surtout) ce qui a permis à la végétation abondamment broutée par ces derniers de reprendre vigueur. Les saules et les peupliers ont beaucoup récupéré. Le nombre des bisons a augmenté aussi car ils se sont substitués aux wapitis comme principal herbivore dans les prairies du Parc. On a même constaté aussi une meilleure stabilisation du lit des rivières avec le retour de la végétation sur des berges érodées, ce qui est plutôt positif dans un territoire très volcanique soumis à de nombreux séismes.

Retenons bien cependant les conclusions de Mark Boyce : il souligne que cette expérience n’aboutirait pas forcément aux mêmes conséquences écologiques en dehors d’un parc naturel protégé. Selon lui, « les systèmes dominés par l’homme sont très différents et la récupération du loup n’y produira pas les mêmes résultats car l’agriculture, l’élevage et la chasse l’emportent sur les effets causés par les grands carnivores ».

J’en conclus donc que l’on ne peut pas opposer systématiquement le retour d’expérience du Yellowstone, comme le font certains défenseurs de loups, aux critiques émanant des éleveurs et des défenseurs de l’agropastoralisme dans notre pays.

Revenons en Europe et partons faire un tour en Italie. Chez notre grand voisin, le loup n’a jamais disparu (en France, comme aux USA, il avait été éradiqué au début du 20 ème siècle), mais on estime qu’il n’en restait plus qu’une centaine dans les années 1970. Ils avaient survécu dans la région montagneuse des Abruzzes (les plus hautes montagnes des Apennins, au centre de la péninsule, pas très loin de Rome).

Avec la mise en place des politiques de protection, leur nombre s’est remis à croître, 200 dans les années 80, 400 dans la décennie suivante, probablement 2000 actuellement. Ils se sont aussi répandus sur toute la chaîne des Apennins et ont commencé à « recoloniser » les Alpes. C’est ainsi que l’on trouve désormais des loups dans beaucoup de régions, d’autant plus que l’Italie est un pays très montagneux. C’est le cas non seulement des Abruzzes, mais aussi de l’Ombrie et même de la Toscane, qui n’a pas à proprement parler une image de région sauvage !

En 1971, une des premières opérations d’observation et de « sauvetage » du loup, menée conjointement par le Parc Naturel des Abruzzes et le WWF, fut significativement intitulée « Operazione San Francesco », en hommage à la légende. St-François d’Assise alla parler à un loup qui terrorisait la ville de Gubbio, le « convertit » à la parole de Dieu et à la bonté et lui permit de vivre paisiblement parmi les hommes durant deux ans.

Cette légende, ainsi que celle des deux enfants, Remus et Romulus, fondateurs de Rome, élevés par la louve, est caractéristique du regard bienveillant que portent les Italiens, pas seulement les plus « écolos », sur les loups. D’une façon générale les Italiens s’intéressent beaucoup au loup, à ses habitudes, ils le décrivent comme un animal « intelligent et sensible », solidaire à l’intérieur de la meute, et ils insistent sur le fait que depuis deux cents ans il n’y eut pas de victime humaine des loups. Une des manifestations de cet intérêt pour les loups réside dans la diffusion sur le net d’un grand nombre de vidéos, photos, de loups pris sur le vif dans les réserves naturelles, les montagnes et les forêts.

Bon, on a observé aussi des attaques de troupeaux. Dans les Abruzzes, on considère que, c’est uniquement lorsqu’il est en « manque » de sangliers ou de cervidés que le loup se tourne vers les troupeaux. Les « victimes » sont apparemment bien moins nombreuses qu’en France, peut-être aussi parce que l’agriculture de montagne et l’agropastoralisme ont connu une plus forte décroissance. A vrai dire, les éleveurs utilisent les mêmes méthodes de protection, avec une présence humaine accrue et le recours à des chiens « bergers des Abruzzes » cousins des patous. Les controverses existent aussi, les débats surgissent, avec les chasseurs, les éleveurs, et ce d’autant plus que le loup se rencontre et s’observe dans un nombre croissant de régions italiennes. Mais toujours dans un contexte de bienveillance marquée. Un projet d’autorisation de « prélèvements », avec un maximum de 5% de nombre de loups, a suscité une vive controverse en 2017. Le loup est donc bien installé en Italie. Comme il semble illusoire d’édifier un « mur à loups » à travers les Alpes, il lui est facile de continuer à passer dans les pays voisins.

Signé Vieuzibou

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