Après avoir lu l’article très clair et bien construit « Le loup dans la bergerie », j’ai envie de partager quelques questionnements.
Oui, on peut souligner l’importance de cette notion du contrat comme fondement du droit qui régit les relations entre des hommes supposés égaux et libres de faire ce qu’ils veulent quand ils veulent, mais elle est trompeuse quand elle masque des rapports de force. Exemple typique : le contrat de travail passé entre le travailleur libre (par opposition au travailleur esclave du passé) et l’entrepreneur (ou le donneur d’ordre) libre est tout à fait dissymétrique quant à ses enjeux et à ses conséquences en cas de rupture.
C’est bien connu, et on est d’accord pour rappeler la clairvoyance des analyses de Karl Marx, mais on devrait poursuivre l’analyse du contrat sur le contexte de sa préparation et sur son exécution. Et on s’apercevrait que le contrat réel est bien différent du contrat « in abstracto » des théoriciens : rôle des réseaux d’influence, voire de la corruption, dans sa préparation, difficultés et dérives de toute sorte dans son exécution. Que ces difficultés viennent de l’environnement extérieur ou du comportement des partenaires, elles montrent que l’homme n’est jamais un individu abstrait, mais reste un « être social » avec ses passions, son plus ou moins grand intérêt pour son travail, son système de valeurs qui accorde plus ou moins de place à l’éthique ou au contraire à la cupidité, même quand il est rentré dans une relation contractuelle supposée dictée principalement par l’intérêt économique des parties signataires.
Il faudrait aussi questionner la perception des contrats lorsqu’ils mettent en jeu les relations entre Etats et grandes entreprises. Considérons le débat sur les accords de libre-échange concernant l’Europe. Le plus avancé d’entre eux, le CETA, passé avec le Canada, est déjà approuvé par le Parlement européen. Il doit être désormais ratifié par les parlements des différents pays. Une clause fait grincer des dents les opinions publiques, particulièrement en France : la possibilité de recourir à un arbitrage international pour contourner les lois et règlements étatiques. Nous privilégions tout naturellement la « règle étatique », supposée prendre en compte le mieux l’intérêt général, la sécurité, la qualité et le respect de la norme : qui plus est élaborée et validée démocratiquement. N’est-ce pas le rôle de l’Etat, tel qu’il est issu après de multiples péripéties des réflexions des philosophes des lumières, cet Etat auquel on se réfère constamment en France et dont on attend tellement, que ce soit sur le plan économique, social, environnemental, voire éthique ? Les prescriptions de l’Etat ne devraient-elles pas toujours prévaloir sur les intérêts des entreprises et autres partenaires des contrats ?
Oui mais…, essayons de comprendre le point de vue d’autres partenaires. Je vais me mettre dans leur peau pour quelques instants :
Avec ces quelques exemples, sans même me placer d’un point de vue « éthique », je constate que :
- les Etats sont inconstants, quelle que soit leur taille et leur ancienneté. Et je n’ai même pas évoqué l’actuel président des Etats-Unis !
- beaucoup d’Etats sont autoritaires, voire dictatoriaux, d’ailleurs aucun Etat ne peut se targuer d’être à 100% démocratique et porteur en toutes circonstances de l’intérêt général.
- sans même parler des Etats manquant de professionnalisme dans la préparation ou le suivi des contrats.
Bon, je ne vais pas jusqu’à soutenir le recours aux instances d’arbitrage internationales, le peu de cas que j’en connaisse ayant été marqué par la corruption voire l’incompétence.
L’exercice des droits de l’homme ne se limite pas à la possibilité de faire librement ce que l’on veut quand on veut où l’on veut.
C’est aussi :
Ces différents « droits » ne vont pas sans se contredire parfois : certains défendent les « droits réels » du communisme face à aux inégalités et à la violence capitaliste ;
Exemple d’actualité : en Russie les plus fortes manifestations depuis bien longtemps contre Vladimir Poutine ont lieu actuellement : il s’agit de protester contre le recul de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. Elles mobilisent bien plus les foules que le soutien au blogueur défenseur des droits de l’homme Alexei Navalnik. Dans sa grande « générosité sociale », l’Etat soviétique avait accordé la retraite à 60 ans depuis 1935 et les citoyens russes y sont particulièrement attachés….
Conclusion
Il n’y a pas que la vision « économique » des relations entre individus !
Signé Vieuziboo