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ENQUETE SUR L’EFFONDREMENT DU VIADUC MORANDI A GENES (1)

ENQUETE SUR L’EFFONDREMENT DU VIADUC MORANDI A GENES (1)

Un pont c'est toujours emblématique (relier...) et toujours spectaculaire, alors je ne peux pas enrayer ma curiosité sur ce désastre de Gênes.

Au-delà des déclarations péremptoires, on va essayer de comprendre ce qui s’est passé le 14 août dernier, à 11h36, lorsque le viaduc de l’autoroute A 10, qui franchit la vallée du fleuve Polcevera mais aussi un quartier d’industries et d’habitations, s’est effondré.

Je me méfie des déclarations à l’emporte-pièce et des conclusions hâtives. C’est pourquoi je vais commencer par poser quelques questions simples.

Qui est Riccardo Morandi, l’ingénieur qui a conçu ce pont ?

       Né en 1902, Riccardo Morandi obtient son diplôme en 1927 (soit à 25 ans, c’est tout à fait normal), et s’intéresse dès l’origine au béton armé. Il va notamment en Calabre reconstruire des bâtiments endommagés par les tremblements de terre, habitations, églises, etc. Rappel historique : Le Duce (Mussolini) est arrivé au pouvoir en 1922 avec un programme d’aide aux grands travaux publics. D’ailleurs Morandi deviendra un des grands spécialistes de la construction des ouvrages autoroutiers, on le verra par la suite…Revenu à Rome, dès les années 30, il conçoit et construit des projets variés : églises, usines, cinémas, etc…Il approfondit ses recherches sur le béton : en particulier il s’intéresse à la technique de la précontrainte, qui consiste à comprimer le béton pour lui donner une résistance à la traction. Pour simplifier on glisse des tiges d’acier dans du béton et on tire dessus, comme un tirebouchon dans le liège, pour que le matériau soit plus solide. Morandi finit par mettre au point un procédé original de précontrainte qu’il fait breveter en 1948 (procédé qu’il sera quasiment le seul à mettre en œuvre).

A noter : Les procédés de précontrainte des bétons les plus utilisés dans le monde entier sont issus d’un brevet déposé en 1928 par un ingénieur français, Eugène Freyssinet (cocorico). Dès l’origine, l’utilisation de ce brevet (par une société qui appartient désormais au groupe Vinci), a permis la construction d’une multitude d’ouvrages.

Voilà quelques procédés :

       -avec pré-tension (les aciers pré-tendus sont posés avant le coulage des bétons) : Cela sert pour les poteaux de luminaires, les poteaux électriques, poutrelles de planchers de bâtiments, poutres de ponts de courte ou moyenne dimension.

        -avec post-tension (les câbles de précontrainte sont introduits dans des gaines dimensionnées à cet usage puis mis en tension après le coulage du béton). C’est notamment le cas des grands ponts construits par assemblage successifs d’éléments préconstruits et assemblés in situ.

Revenons à Riccardo Morandi : Après la seconde guerre mondiale, il déploya une activité intense à son propre compte : On compte par dizaines les projets (car il s’agissait de concours parfois perdus) et les réalisations, qu’il a conçus dans le monde entier : Afrique du Sud, Colombie, Equateur, Côte d’Ivoire, etc…. Avec une forte proportion de ponts routiers et autoroutiers, avec de grands ouvrages notamment à l’étranger. Il publia beaucoup et eut aussi une activité d’enseignement dans plusieurs universités: « research professor » à l’Université de Floride et docteur honoris causa de la Faculté d’Ingénierie de l’Université de Munich. Il n’avait donc rien d’un « dilettante ». C’était un ingénieur prestigieux dont les compétences n’ont jamais été mises en cause jusqu’à sa mort en 1989.

(Je veux bien qu'il y ait la Mafia en Italie , mais alors elle est bien partout, ce serait trop facile s'il n'y avait qu'une source! surtout dans le BTP)

Mais il n’a réalisé en tout et pour tout que trois grands ouvrages analogues au viaduc de Gênes, à savoir :

 - des ponts à haubans,  avec un tablier (c’est la chaussée) en béton précontraint,

 - dans lesquels les charges (les poids) du pont sont reportées aux haubans et à leurs piles par des câbles enrobés de béton, à la différence des ponts suspendus stricto sensu où le tablier est « suspendu » par une multitude de câbles nus, le reliant aux haubans.

 - et avec la forme caractéristique des piles en « double V inversé encastré » (on dit a cavaletto en italien).

Tous ses autres ponts sont différents : ce ne sont pas les mêmes piles, ou bien ils ne sont pas à haubans.

Que sont devenus les deux autres grands ouvrages ?

     -Le pont dit « General Rafael Urdaneta », sur la lagune de Maracaibo au Venezuela, long de 8,7 km), construit quelques années avant le viaduc de Gênes : il a été heurté en 1964 par un navire pétrolier qui a fait s’effondrer deux piles et trois travées. On croit savoir que sa démolition définitive et son remplacement sont envisagés, mais ce n’est pas la priorité actuelle du gouvernement vénézuélien, on s’en doute.   

    -En Libye, le pont sur le Wadi-al-Kuf, ouvert en 1971, a été fermé à toute circulation pour « désordres structurels » en 2017 par le « gouvernement » de la partie orientale de Libye. Le fait que, dans ce pays en proie à une guerre civile, une autorité ait pu prendre une telle décision technique laisse rêveur… et peut-être un peu optimiste.

Alors, que s’est-il passé sur le viaduc Morandi à Gênes ?

Avant de poursuivre nos investigations, il faut évoquer les autres ponts, conçus par d’autres ingénieurs et avec d’autres techniques :

     -l’immense majorité, sinon la totalité des autres grands ponts à haubans ou suspendus sont à tablier et à câbles métalliques (donc pas en béton ou enrobés de béton). C’est le cas du Pont de Normandie par exemple.

     -La technique du béton précontraint permet aussi de faire de grands et longs ouvrages. Mais certains d’entre eux ont connu des désordres graves allant jusqu’à la fermeture définitive avant effondrement probable. Selon les spécialistes, ces ponts doivent toujours être surveillés : la dégradation progressive du béton, ou la corrosion des précontraintes, se traduisent entre autres par une fissuration progressive qui devrait alerter et conduire à des limitations de tonnage puis à la fermeture.

Ce qui me frappe donc c’est que tous les ponts ont normalement une durée de vie limitée, comme d’ailleurs tous les ouvrages humains. Pour les grands ouvrages, sauf erreur de ma part, on construit pour 50 ans (le pont Morandi en avait 51 !!!).

Evidemment il faut sans cesse surveiller et réparer si on veut que ça tienne. Le Pont de Tours pourtant construit au XVIII ème siècle s'est effondré au XXème, alors qu'on ne vienne pas dire qu'"avant" on savait construire!

Quelques constatations provisoires à ce stade :

On ne peut sûrement pas incriminer des erreurs de calcul ou de dimensionnement. Mais ce procédé constructif n’a été utilisé que sur trois ponts, qui ont tous connu des déboires : Il faut se poser des questions.

S’il s’agissait d’une méthode impeccable pourquoi n’a-t-elle pas été reproduite ailleurs ? (à suivre dans un prochain post)

Signé VIEUZIBOO

ENQUETE SUR L’EFFONDREMENT DU VIADUC MORANDI A GENES (1)
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