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A la folie (1)

A la folie (1)

Le terme de « fou » est utilisé un peu à tort et à travers, il désigne à la fois un excentrique, un original et un dément, un malade.

Dans le sens de bouffon, il peut aussi être un objet d’admiration. On dira de quelqu’un qui ose prendre des risques qu’il est fou, qu’il est hardi, qu’il innove, créée, stupéfie par son audace, et dans ce cas, le fou « du volant, des airs, ou du jeu » suscite même une pointe d’envie.

Je passe sur les fous d’amour, le fol espoir, et même sur le fou chantant.

On donne donc à la folie, à la fois une valorisation extrême et un sens déprécié, d’ailleurs à peine « visible », qui touche à la maladie mentale. Dans ce second cas, nous nous protégeons en imaginant les fous « à lier », gardés dans des hôpitaux spécialisés qu’on n’appelle plus les asiles mais qu’on continue d’imaginer comme des lieux fermés et sécurisés, bien loin de notre monde du travail et de la famille. Le monde usuel, le monde quotidien, le monde des transports et du courant de nos activités nous semble être le seul monde qui nous parle, le monde de la norme, de la banalité, donc le seul monde réel. Les prisonniers vivent en prison, les malades sont à l’hôpital et les fous dans les asiles. Fermez les yeux et les oreilles, les journaux ne nous parlent de ces autres mondes que lorsqu’il y a problème sérieux et on s’empresse ensuite de les oublier.

Je n’aime pas trop de servir des statistiques à tour de bras, mais dans le cas présent c’est très parlant.

Les pathologies qui relèvent de la psychiatrie sont, en France, au 3ème rang des maladies les plus fréquentes après le cancer et les maladies cardio-vasculaires.

Ces maladies concernent 20% de la population à un moment ou un autre de la vie. C’est si énorme que je me demande comment on peut continuer à s’aveugler ? 20% c’est une personne (enfants et adultes compris) sur 5 !

Ces maladies ne sont donc pas rares du tout mais au contraire extrêmement proches de nos vies, et si on veut bien s’y arrêter on trouvera facilement parmi nos proches, dans notre famille, des personnes concernées.

D’ailleurs, des classements internationaux, dont le fameux DSM ( Diagnostic and statistical manual of mental disorders) qui publie régulièrement des indicateurs à destination des psychiatres (et vraisemblablement de l’industrie pharmaceutique) tendrait à nous rendre tous fous.

Vous êtes timide ? Peut-être souffrez-vous de « phobie sociale ». Votre tristesse passagère, liée à un événement douloureux comme la perte d’un proche, n’est-elle pas plutôt une dépression ? Le territoire du pathologique semble s’étendre sans fin. Vous pouvez souffrir de TOC (troubles obsessionnels compulsifs), de TED (troubles envahissants du développement), ou encore de TCS (trouble de la communication sociale), bref nous sommes cette fois ci tous concernés. Harpagon et l’oncle Picsou souffraient du « trouble de la thésaurisation pathologique » , et Don Juan subissait une addiction au sexe appelée « dysfonction sexuelle ».

 « Si vous parlez à Dieu, vous êtes en train de prier, si Dieu vous parle, vous êtes schizophrène », écrivait Thomas Szasz.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définissait déjà en 1993 les compétences psychosociales « normales » comme « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne ». Autrement dit, « être capable de s’adapter aux contraintes sans jamais questionner le bien-fondé ou la justice de la situation, voilà ce qui est attendu de quelqu’un de "normal", résume Olivier Labouret.

On voit bien ce que cela signifie : la psychiatrie se met au service de la productivité sans complexe.

Et en effet, seul l’individu "vulnérable" ou "fragile" n’arrive pas à s’adapter à la réalité socio-économique, puisque la majorité semble y arriver. ».

Est donc déviant, celui qui ne peut s’ajuster aux contraintes, celui qui refuse la violence de notre monde néo-libéral où de toutes façons, TINA est la doctrine dominante : « There is no alternative ».

Heureusement l’homosexualité a été déclassée du rang des maladies mentales mais pas certaines formes de sexualité comme le fétichisme ou le masochisme.

En France, et je viens de vérifier, il existe des fiches de type « fiches qualité », publiées par la HAS (Haute autorité de santé), qui décrivent par le menu le trouble anxieux ou la dépression, et qui indiquent aux médecins, (mais vraiment dans le détail) comment il faut se comporter et quoi prescrire.

« Les troubles anxieux regroupent six entités cliniques : le trouble anxieux généralisé (TAG), le trouble panique avec ou sans agoraphobie, le trouble anxiété sociale, la phobie spécifique, le trouble obsessionnel compulsif (TOC) et l’état de stress posttraumatique (ESPT) ».

La fiche « outils sur la violence en hospitalisation » décrit 14 outils à utiliser en cas de violence d’un patient, dont un espace d’apaisement où le patient doit se rendre de sa propre volonté (espace intégralement décrit), et qui est différent de la chambre d’isolement où il est placé sous contrainte.

Je dirai que la rédaction de ces fiches témoigne d’un perfectionnisme proche de la maniaquerie, mais je vois bien que mes sarcasmes pourraient tomber à plat.

Je ne suis pas assez calée pour pouvoir dire ce qu’est un fou, mais peut être que l’expérience humaine pourrait aussi servir à des psychiatres qui ont, par ailleurs, été formés longuement à la maladie mentale.

A moins que ?

(suite dans le prochain post)

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