Comment expliquer ? Tout le film se passe AVANT le typhon, et les questions en suspens semblent être résolues APRES le typhon.
Hirokazu Kore-Eda est un réalisateur japonais, né à Tokyo en 1962.
Il fait partie d’une tendance des jeunes réalisateurs japonais actuels qui privilégient une approche novatrice, non spectaculaire et quasiment documentaire du cinéma de fiction.
Je ne suis pas une spécialiste mais plusieurs des films de ce cinéaste ont été sélectionnés au Festival de Cannes dont celui-là : « Après la tempête », ce qui doit bien signaler qu’il se passe quelque chose dans son univers créatif.
L’histoire est celle d’un jeune auteur (romancier) raté, qui n’a publié qu’un seul roman (d’ailleurs à succès) et qui s’embourbe dans une vie de looser : il vient de divorcer, il a un petit garçon qu’il voit peu car il ne peut pas payer la pension alimentaire, il joue ses moindres gains aux courses ou aux machines à sous. Son vieux père vient de mourir, laissant sa famille sous le coup des dettes qu’il a contractées en douce pendant toute sa vie.
Notre écrivain en panne d’inspiration a hérité du vice des jeux et de la tendance à la paresse. Il a, par contre, manqué le gène de la calligraphie où le père excellait. Bref, il a peu d’atouts.
Le film commence quand on annonce le 23ème typhon de l’année (c’est très fréquent au Japon et, pour avoir failli atterrir dans un typhon il y a quelques années, je m’en souviens bien. Croyez-moi on ne se sent pas vraiment sereine. Du coup, on a la sensation physique de la précarité des choses !).
Notre écrivain, en attendant l’inspiration, travaille dans une agence de détective où il est chargé de rechercher des preuves d’adultère, et des chiens perdus. Pour gagner sa vie, il triche souvent et empoche l’argent du chantage.
Il est très attaché à son fils, espère encore reconquérir son ex-femme, et n’a pas beaucoup de buts dans la vie.
Tout le film est tourné en plans serrés, dans des appartements minuscules et encombrés, où il faut étendre des futons par terre, et manger sur la natte tellement la place manque.
Il est d’autant plus heureux que les cadrages soient rapprochés, que les japonais, comme chacun sait, n’expriment que très peu leurs émotions. Il faut pouvoir saisir la larme furtive, l’expression rapide, et l’ombre d’un sourire pour entrer dans l’intimité des sentiments sans être invasif.
La caméra se promène comme si on y était soi-même : gros plan sur la goutte de sueur, sur la tasse de thé, sur la glace pilée, sur la joue, la main d’un acteur, son regard, la commissure de ses lèvres… Ni dans les mots échangés (retenus à l’extrême, jamais un mot plus haut que l’autre, jamais d’expression de la colère, jamais de grandes effusions. Les sujets des discussions n’abordent jamais les problèmes de front, mais dévient au contraire presque toujours sur des futilités..), ni dans les gestes (courbettes continuelles, politesse, recul, comme si toute extériorisation était obscène), ni même dans les signes corporels (contrôle total recommandé), on ne peut comprendre, nous les occidentaux plus grossièrement explicites, la force et les nuances des sentiments.
Il faut donc être en gros plan, et presque au contact avec les personnages, grâce à une caméra qui agit comme une loupe, pour VOIR ce qui n’est pas dit, pas exprimé, pas décrit. Ce qui passe, à travers les non-dits, c’est justement ce qui apparait malgré tout, ce qu’il faut deviner mais que laissent échapper, malgré eux, les personnages.
Pour ceux qui sont curieux d’une culture aussi hermétique à nos habitudes, c’est fascinant. Il n’y a que de la subtilité, que de la légèreté dans la caméra de Hirokasu Kore-Eda. Rien de gênant, rien d’intrusif, rien de malsain pour les voyeurs que nous sommes.
Au contraire, les protagonistes montrent au final leur vrai moi qui n’est que fleurs de cerisiers et plumes au vent au printemps…C’est d’autant plus beau que c’était difficile à pénétrer, qu’il fallait être à l’affût, au même diapason, qu’il fallait écouter la petite musique, adopter le rythme, apprendre à déchiffrer les hiéroglyphes.
A déconseiller si on aime plutôt les westerns ou stars wars, mais il y en a pour tous les goûts. Je me suis dit que nous avions bien de la chance qu’un cinéaste japonais nous fassent partager l’expression si humaine des sentiments au travers d’une culture qui nous tient tellement éloignés les uns des autres.
Après le typhon, tout redevient clair et lumineux.
Mais nous avons aussi deviné le futur...