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Roy Cohn, l'avocat du diable (Philippe Corbé-Grasset 2020)

Roy Cohn, l'avocat du diable (Philippe  Corbé-Grasset 2020)

Pour une fois, je vais parler d’un livre que j’ai eu beaucoup de mal à finir. Non pas parce qu’il est mal écrit ou que le sujet n’est pas bien documenté et intéressant, mais simplement parce que Roy Cohn représente tout ce qui nous fait horreur dans la vie : un personnage malfaisant, foncièrement mauvais, cynique, sans morale, escroc, bref, c’est le mal incarné. Aucun aspect de sa personnalité ne peut le rendre sympathique, même un peu. C’est exactement comme ça que je vois le diable, un salaud, un vicieux, « le pire être humain qui n’ait jamais vécu ».  Oui, je sais que le sous-titre du livre, c’est : « l’avocat du diable », parce qu’il a représenté et défendu toutes les plus grandes ordures de son temps, mais je pense que le qualificatif pourrait très bien s’appliquer à Roy Cohn lui-même. C’est, c’était, un monstre, la créature d’un système où tous les coups sont permis et surtout les mauvais. 

Je réponds tout de suite à la question, mais pourquoi lire la vie de cet homme maudit qui doit aujourd’hui pourrir (du moins, je l’espère) en enfer ? Mais parce qu’il a été le vrai père spirituel (si tant est que l’on puisse parler de spiritualité chez cet infect personnage) , d’un certain Donald Trump. C’est cet avocat qui lui a permis d’acquérir sa fortune et très certainement d’être aujourd’hui, à nouveau, le président des USA, la 1ʳᵉ puissance mondiale.

Je voulais tenter de comprendre ce qu’il y avait dans la tête de ce sinistre individu qui menace, en ce moment même, la fragile stabilité mondiale. Qui avait été son professeur ? Comment Trump avait appris cette singulière façon de harceler et de mettre KO ses adversaires sans que cela lui coûte un brin de popularité. Comment la méchanceté, la brutalité, et l’immoralité pouvaient aboutir à faire élire un Président avec le soutien des ligues de vertu et des évangélistes ?

Roy Cohn est devenu avocat parce que son père était juge, dans le Bronx, un juge démocrate d’ailleurs. Et son père avait, pour être juge, fait un mariage arrangé avec une fille extrêmement laide, insupportable, mais riche, dont le père, un commerçant devenu banquier, avait le bras long.

Son surnom était « la boueuse » tellement elle était hideuse à voir et à fréquenter. Roy Cohn a été élevé par cette harpie, juive comme lui, mais surtout imbue d’elle-même, disgracieuse et arrogante, qui a laissé son fils se comporter comme un prince.

Roy Cohn s’est d’abord fait connaitre pour avoir fait condamner les Rosenberg, coupables d’avoir des idées ou sympathies communistes et exécutés au motif qu’ils auraient comploté contre les USA. Bien entendu, ces deux pauvres victimes, Ethel et Julius, ont servi de boucs émissaires. Cohn s’est particulièrement acharné sur Ethel, mère de deux enfants en bas âge et employée de bureau, qu’il a voulu voir sur la chaise électrique en prétextant qu’elle aurait été « pire » que son mari. Il aurait même menacé le frère d’Ethel pour qu’il fasse un faux témoignage et certifie que sa sœur avait bien tapé des documents sur la bombe. Le fait que les Rosenberg étaient juifs lui a fourni une raison supplémentaire pour se montrer impitoyable, même envers des coreligionnaires.  

Cohn a par la suite, été l’avocat de McCarthy, lequel organisera une chasse aux sorcières tous azimuts, au nom de la morale conservatrice, qui aboutira à des drames humains : « McCarthy décrit les homosexuels comme des traîtres antiaméricains, cibles faciles des agents communistes qui peuvent les faire chanter, en révélant leur vie cachée s’ils ne livrent pas des informations classifiées.

Il parvient à convaincre la Maison Blanche qu’une simple suspicion d’homosexualité chez un fonctionnaire est une grave menace pour la sécurité nationale des États-Unis, sans même qu’il soit suspect de sympathie communiste ».

Or le plus féroce persécuteur des homosexuels sera Roy Cohn lui-même, qui n’avouera jamais son homosexualité, jusqu’à son dernier souffle, à 60 ans, du SIDA.

Les suicides se multiplient autour de Roy Cohn. Sa technique ? intimider, épuiser, essouffler, mentir, répandre des calomnies, corrompre, brutaliser, manipuler, menacer, faire peur, bref ne jamais céder, attaquer sans cesse, sans respect ni de la loi ni des êtres humains.

Roy Cohn soutient tous les candidats les plus réactionnaires, les plus vindicatifs et les plus cyniques, comme Donald Trump qu’il accompagne dès les années 80. Il est spécialement chargé de délégitimer les autres candidatures (par la médisance), tout en mentant sur le patrimoine de Trump qui a échoué dans l’immobilier à cette date. « Jon Greenberg ! C’est Roy. Roy Cohn ! Vous ne pouvez pas me citer. Mais Donny m’a dit que vous établissez une liste des gens riches. Il dit que vous l’avez abaissée à 200 millions de dollars ! C’est beaucoup trop bas, beaucoup trop bas ! »

C’est Cohn qui a trouvé les autorisations et les financements mirobolants pour la construction de la Trump Tower, autrefois le Commodore Hôtel, un bâtiment art déco qui faisait l’admiration des New-yorkais.

Bref, Trump doit tout à Roy Cohn. Il le laissera pourtant tomber quand le SIDA l’aura rendu très faible. Trump, appliquant les méthodes enseignées par son mentor, n’aime pas les losers.

Trump l’invite une dernière fois à Mar A Lago, et se plaint ensuite d’avoir « dépensé une fortune pour tout désinfecter » derrière son invité.

Roy Cohn mourra cousu de dettes, et seul après avoir été (enfin) radié du barreau pour « détournement de fonds, malhonnêteté, fraude, tromperie, et fausse déclaration ».!

Un des avocats de l’affaire dira : « Nous l’avions. Il était comme un papillon de nuit épinglé. »

C’est une lecture éprouvante tant ce personnage est détestable, mais je dirai aussi que c’est tout un système qui est pourri, et ce livre nous le montre cruellement.

 

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