C’est vrai que les espions ont toujours fait rêver dans les chaumières. Ça sent d’ordinaire le rideau de fer, la neige et l'Europe de l'Est, comme dans les romans de John Le Carré.
Celui là est un de mes espions préférés. Enfin, je pense « était » car il a révélé pas mal de choses dans son livre « Là où est l’argent », et il ne doit plus travailler comme honorable correspondant, rôle qui me parait exiger de rester dans l’ombre et de passer sous le radar. De plus, il n’a pas du tout l’allure d’un espion : pas de barbe, d’imperméable, de chapeau à bosse, mais jeans et allure élancée, grand, jeune et chauve, monsieur tout le monde donc.
Il a peut-être été un espion particulier : Il a travaillé à Jersey et à Luxembourg, dans les plus grands cabinets d’avocats fiscalistes, ce qui l’a amené à enquêter sur les paradis fiscaux au sein de l’Europe, non loin de chez nous, sous nos yeux, je dirais même au vu et au su de tout le monde. Et surtout de nos gouvernants qui ne peuvent être que complices de ces manœuvres, destinées à piller les dernières richesses françaises.
Alors on peut se demander : pour quoi/qui, est-ce encore nécessaire aujourd’hui d’espionner sur ces sujets si les gouvernements connaissent le problème et ferment les yeux, ou même contribuent directement au développement de ces pratiques ?
Dès qu’il a compris dans quoi il travaillait (le plus connu des cabinets d’avocats de l’Ile) Maxime Renahy a contacté lui-même la DGSE pour pouvoir livrer ses informations, et elles lui ont été demandées expressément. J’en déduis qu’en dehors du politique, il y a encore une administration (très peu dotée en moyens), des fonctionnaires (de moins en moins) qui continuent à « croire », et qui, dans l’espoir fou que l’honnêteté triomphe un jour, persistent à traquer l’histoire et les racines des fraudes ! Alors bien entendu, cela doit être assez frustrant de voir que rien ne suit et que l’espionnage n’aboutit à rien, mais c’est une façon de documenter des réseaux d’argent qui peuvent parfois rencontrer des réseaux criminels.
Maxime Renahy explique que la plus grande partie des moyens de l’espionnage va à la lutte contre le terrorisme ce que l’on peut comprendre, à priori, vu la gravité de la menace, mais ce n’est pas aussi évident qu’il apparait, à la réflexion.
Car les réseaux de pillage des industries et entreprises françaises servent aussi parfois à alimenter des entreprises beaucoup plus dangereuses. Sans compter que l’appauvrissement de la France nous conduit dans des abîmes dont on commence à voir l’ampleur et qui aboutiront, à n’en pas douter, à des catastrophes (y compris des actions hyper violentes).
J’ai mieux compris comment fonctionne le lessivage de l’argent via les paradis fiscaux et ceci avec l’apparence de la légalité. En fait, il s’agit de faire fonctionner des coquilles vides, c’est donc un immense jeu de miroirs (et de dupes) qui se joue entre Paris et Jersey. La décision est censée être prise par le « conseil » des avocats de Jersey, mais elle est bien entendu totalement entre les mains de directeurs financiers basés à Paris, enfin en France. Il s’agit pour le moment d’investissements. La culbute se fait à la revente et là, les actionnaires perçoivent les revenus du pillage directement dans des centres financiers offshore, iles Caïmans et autres Etats voyous.
Pour faire croire à une activité normale et encadrée, il y a des meetings, des compte rendus, des factures mais l’essentiel est bien loin de cette mise en scène. Il y a même du contrôle qualité complètement bidon, une sorte de police interne appelée KYC (know your customer), censée rassurer sur l’orthodoxie des comptes.
Maxime Renahy détaille quelques opérations qu’il a vues de visu ( j’en retiens 2 ou 3 pour l’exemple, mais il y en a bien d’autres):
Il parle aussi du fameux « verrou de Bercy » qui a été supprimé, et de la misère des fonctionnaires de Bercy (autrefois l’aristocratie du service public) à qui on retire progressivement la plupart des moyens d’action. Je ne parle pas et lui non plus des grands grands chefs mais de la piétaille (souvent très diplômée) qui fait le travail, les mains dans le cambouis.
Même si ça finit par être déprimant, j’ai toujours voulu savoir la vérité et je préfère mille fois savoir- quite à devenir pessimiste- que d'ignorer ce qui existe autour de nous.
Comme disait un de mes amis, le problème avec l’autruche, c’est que c’est seulement la tête qu’elle a dans le sable.