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Mes spectacles de l'été à Paris: Molière

Mes spectacles de l'été à Paris: Molière

Le Misanthrope à la Comédie française, Mise en scène Clément Hervieu- Léger

Le Bourgeois Gentilhomme au Lucernaire, adaptation Philippe Person

Deux pièces que j’ai déjà vues à de nombreuses reprises, comme beaucoup d’entre nous.

Je vais quand même rappeler le « pitch » de chacune, sans ménagements pour Molière, histoire de se remettre en mémoire l’essentiel.

Le Misanthrope c’est l’aventure de deux copains dont l’un ne voit que le verre à moitié vide et l’autre que le verre à moitié plein. (Pardon Molière pour ces raccourcis beaucoup trop simplistes).

Le premier, trop lucide, vit le plus clair de son temps, dans une humeur de chien et se lamente constamment de la méchanceté et de la sournoiserie des hommes.  L’autre tempère, joue l’hypocrisie et finalement arrive si bien à jouer la comédie sociale qu’il est apprécié de tous. Mais le premier, qui s’appelle Alceste, a tout de même réussi ce prodige de tomber amoureux de la coquette et légère Célimène, c’est-à-dire la jeune femme la moins capable de répondre à son besoin de fidélité et de franchise.La pièce a été écrite en 1666, juste après que Molière ait vécu 2 échecs consécutifs pour Tartufe, et Dom Juan, c’est-à-dire ses plus grandes pièces. Molière connait alors un épisode dépressif, d’autant qu’il est déjà malade (il a la tuberculose, maladie qui aura raison de lui 7 ans plus tard). Molière tombe si gravement malade que, pour la première fois il faut fermer le théâtre en attendant que le « patron » se rétablisse. A cette époque, Molière est amoureux d’une très jolie femme volage, Armande Béjart, qui est aussi beaucoup plus jeune que lui et le trompe effrontément. Il a donc toutes les raisons du monde d’être malheureux.

De là, à voir dans Le Misanthrope un écho de la vie de Molière, il n’y a qu’un pas. Que le metteur en scène Clément Hervieu-Léger voudrait bien franchir. C’est pourquoi, dans cette mise en scène qui a été conçue déjà depuis 2014, il choisit un décor du XXème siècle et les costumes qui vont avec. Je n’ai rien du tout à objecter sur ce parti pris qui, de plus, nous rapproche d’un texte écrit en alexandrins et qui pourrait paraître peu naturel (quoique le texte soit d’une habileté exceptionnelle).

Toute la pièce se déroule sur un palier, peut-être le palier d’un palais de justice, car un procès est en cours en toile de fond.

Non, ce que j’ai peu apprécié dans cette mise en scène, c’est la diction et le jeu des acteurs.

La diction d’abord : Loïc Corbery (Alceste), (sur les indications du metteur en scène, car c’est non seulement un grand acteur mais un ami proche de Clément Hervieu- Léger) crie sans arrêt, n’articule pas, et détache bizarrement le dernier mot de l’alexandrin, à chaque fois. Peut-être s’agit-il de casser le  rythme et sa (relative) monotonie ? Le metteur en scène affirme qu’il a voulu restituer le style de la conversation de salon du temps de Molière, une conversation où les protagonistes pensent à autre chose, parlent sans trop s’impliquer. Je comprends bien de quoi il s’agit, mais alors au théâtre, pour moi, cela ne passe guère.  Bref, pour le dire tout net, je trouve qu’on n’entend pas bien, et qu’en gros on ne comprend rien à ce qui est dit (de manière excellente) par Molière.

Le jeu des acteurs : on assiste à des courses poursuites d’un bout à l’autre du plateau, et c’est parfois sans grande raison, enfin à ce que j’ai ressenti. Peut-être était-ce une façon de jouer courante au XVIIème siècle où la Cour du Roi ne devait pas constituer un public très attentif, mais je trouve qu’aujourd’hui cette mise en scène est forcée. Elle nuit au texte et à ses subtilités.

J’avais vu, il y a quelques temps, la mise en scène du Misanthrope par Braunchweig et c’était sans comparaison. A la rentrée de septembre 2019, ce sera la mise en scène de Françon qui est bien meilleure aussi. Je pense avoir vu celle de Peter Stein, mais je n’en suis plus très certaine.

Le Bourgeois Gentilhomme (Adaptation de Philippe Person)

D’abord, parlons du contexte historique, très différent de celui de l’écriture du Misanthrope :

Connaissant le goût de Louis XIV pour les ballets, Molière, au meilleur de sa renommée et voulant rester dans la course (alors qu’il commençait à se faire vieux pour l’époque) crée en 1670, un genre nouveau, la comédie-ballet, mélange de texte, musique et danse. Alors que Le Roi Soleil vient de recevoir à Versailles l'ambassadeur ottoman Soliman Aga, Molière compose donc « Le Bourgeois gentilhomme », avec une musique de Lulli. La pièce est en premier lieu jouée à Chambord et elle devint si populaire que tout Paris en chantait les airs. Louis XIV dira à Molière : « Je suis tout à fait content de votre comédie, voilà le vrai comique et la bonne et utile plaisanterie ; continuez à travailler dans ce même genre, vous me ferez plaisir ». Si ce n’est pas un vrai bonus du Grand Chef à plumes , ça, je veux bien mettre ma main à couper.

Mais la pièce durait 3h30 ! Philippe Person et Florence Le Corre ont donc adapté la pièce et la mise en scène pour les élèves de l'école d'art dramatique du Lucernaire.

Le pitch : Riche bourgeois, M. Jourdain entend acquérir les manières des gens de qualité. Il décide de commander un nouvel habit plus conforme à sa nouvelle condition et se lance dans l'apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie, autant de choses qui lui paraissent indispensables à sa condition de gentilhomme. Il ne veut marier sa fille qu’à un aristocrate et s’oppose à sa femme, restée plus lucide sur la décence qu’il faut savoir garder en toutes choses et sur le ridicule de son mari.

Le Lucernaire est un petit théâtre, qui ne possède pas les moyens de la Comédie française et pourtant cette adaptation, avec des élèves comédiens de seconde année est une vraie réussite.

Il est remarquable (et c’est aussi le génie de Molière) qu’on puisse rire d’un bout à l’autre d’une comédie écrite il y a 350 ans.  Mais le texte est aussi indéniablement très bien servi par la mise en scène et le jeu des acteurs.  L’interprétation est fantastique, les comédiens y croient et jouent à merveille. Je recommande ce spectacle à tous, enfants compris. C’est bien enlevé, bien joué, et finalement, nous y avons aussi adhéré.

Il y a encore beaucoup de gens que nous voyons aujourd’hui « péter plus haut que leur cul » comme disait ma grand-mère et dont le ridicule se rapproche de la fatuité du Bourgeois Gentilhomme. Il n’y a qu’à ouvrir la télévision pour s’assurer de l’actualité de ces comportements !  

Comme quoi, même sans moyens, on peut faire un excellent spectacle.

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