Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Mastorna (Th du Vieux Colombier, Mise en S de Marie Rémond)

Mastorna (Th du Vieux Colombier, Mise en S de Marie Rémond)

Marie Rémond a suivi la classe libre du Cours Florent puis s'est formée au Théâtre National de Strasbourg de 2004 à 2007, dans la section Jeu. En 2015, elle reçoit le Molière de la révélation féminine pour son rôle dans la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne, mise en scène par Jacques Vincey.

Elle met en scène en ce moment au théâtre du Vieux Colombier, la seconde salle de la Comédie française, un scénario qui a hanté Fellini (surnom Féfé de Federico Fellini), toute sa vie et qui s’appelle MASTORNA (Mastroianni torna, Mastroianni revient ou tourne ?) .

La mise en scène de Marie Rémond repose sur un dispositif bi-frontal qui enserre les personnages de Fellini/Mastorna dans les affres des doutes, des superstitions, des hésitations.  Fellini a renoncé au tournage de son scénario après avoir été très malade au moment de la réalisation. …. Après avoir déjà réalisé 8 ½ et La dolce vita, Fellini tient avec Le Voyage… ce qu’il considère comme son projet le plus fou. Entré en production en 1965, le film ne verra pourtant jamais le jour. Le producteur s’impatiente et s’effraie de la démesure du projet. Fellini effrayé, a interprété sa maladie comme un signe :   ce scenario, où justement son personnage central joué par Mastroianni devait vivre une autre vie, une vie de l’au-delà, après un accident d’avion, portait probablement malheur en allant questionner l’inconnu, le sens de la vie, la vie « après », questions interdites et tabous, à ne pas toucher. En 1991, le scénario remanié sera envisagé sous la forme d’une BD.

C'est cet ouvrage qui sert de base à l’adaptation scénique, avec le moyen-métrage Le Bloc- Notes d’un cinéaste où Fellini revient deux ans après sur les ruines du décor du film avorté. La BD ne sera pas complètement achevée non plus.

Fellini raconte lui-même, après les premiers essais avec Mastroianni, qu’il ne parvient pas à « voir »  le personnage de Mastorna, à le saisir, à le comprendre. Toute la pièce repose sur une série de questions : qu’attendent les réalisateurs de leurs acteurs ? Et vice-versa ? Qu’attendent les producteurs des réalisateurs ? Qu’attendent les réalisateurs d’eux-mêmes et de leurs œuvres ?

Sur scène, peu de réponses à toutes ces questions. Beaucoup de discours, de décor et de perruques, des fantasmes et de l’onirisme même, mais pas de solutions. Il semblerait que ce scenario ait alimenté toutes les œuvres de Fellini, sans qu’il n’ose jamais réaliser entièrement son idée initiale.

Donc tout commence avec l’équipe chargée de réalise le film : ingénieur du son, preneur d’image, assistante, acteurs, intendance. Et les essais sont tournés avec Mastroianni. Nous sommes à l’intérieur d’un avion. Celui-ci, pris dans une tempête, est forcé d’atterrir. On annonce le crash à la TV. Pendant ce temps, les passagers sont acheminés vers un motel, on ne sait pas où.

La ville est inquiétante : les bureaux de renseignements sont très revêches et peu enclins à l’assistance, les lignes téléphoniques ne fonctionnent pas. Mastorna, un violoncelliste internationalement connu, n’arrive plus à prouver son identité.

Puis comme dans un rêve, on cherche à trouver dans les archives un moment de spontanéité, d’authenticité, comme une empreinte digitale, de ce violoncelliste. On ne trouve pas. Pourtant un jugement de tribunal doit se prononcer sur ce sujet, et accorder ou non une identité.

C’est compliqué, parfois décousu, "Rohmerien", mais on a vraiment l’impression d’être parfois dans la tête de Fellini, un Fellini qui traverserait les cercles de l’Enfer de Dante, à la recherche de lui-même.

 

Car la vie au-delà, la vie « après », la vie « éternelle », c’est peut-être aussi celle des œuvres artistiques et plus particulièrement cinématographiques. L’acteur devient à tout jamais le personnage et continue à vivre, de manière parfaitement ordonnée, après sa mort, non ?

Serge Bagdassarian (excellent en Fellini) et Georgia Scalliet ( que j'adore pour sa fluidité, dans les rôles multiples d’assistante, d'hôtesse et de présentatrice) nous assurent d’un très bon moment théâtral.  C’est vrai que c’est un peu conceptuel, et un peu longuet mais peut-être s’agit-il de passer du Purgatoire à l’Enfer ?

Drôle de sujet en tous les cas, où Marie Rémond fait résonner les questions qui concernent l’acte de création artistique avec les doutes existentiels de chaque membre de l’équipe de tournage et bien entendu du concepteur lui-même.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article