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Un dilemme français

Un dilemme français

La Secrétaire perpétuelle de l’Académie française, dans un échange épistolaire de novembre 2017, et au sujet de la féminisation des noms de fonctions, a estimé que le gouvernement n'avait pas le droit de valider, ni encore moins de prescrire, de nouveaux usages de la langue, pointant carrément le risque de "verser dans les dérives des États totalitaires".

 

Elle a consacré deux paragraphes à expliquer une position qui remonte déjà à 2014, "certains services de L’État" ayant à l'époque "cru pouvoir s'autoriser à forcer l'évolution" de la langue en "imposant aux agents publics l'emploi de certaines dénominations" féminines. A ces cuistres, l'Académie avait rappelé qu'elle a été "instituée 'gardienne de l'usage'".

Tout part d'un courrier de Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation, dans une lettre à la Secrétaire perpétuelle du 20 avril 2017. Ayant pris conscience que l'administration française, et en particulier le ministère de la Justice, avait pris l'habitude de féminiser les noms de fonctions, le magistrat avait un problème : l'usage pratiqué au sein de sa propre institution, qui continuait d'écrire "madame LE juge" ou "madame LE procureur", "apparaissait souvent comme un particularisme source d'interrogations". Le pauvre !

S’est ajoutée à cette interrogation fondamentale la question de l’écriture inclusive qui consiste à simplement ajouter des points médians pour tenir compte du féminin. Pas de quoi fouetter un chat, j’utilise très souvent moi-même l’écriture inclusive qui m’évite d’écrire en entier « tous et toutes » par exemple que je remplace aisément par « tou.s.tes ».  Cela ne me parait pas pire que l’écriture SMS des jeunes : koi, jamè, grav, eske,  gt, mrc ,tfk…

Sur la question des points médians préconisés par certain.e.s féministes, l’Académie s'est montrée formelle, jugeant que cette pratique faisait courir un "péril mortel" à notre belle langue. Le gouvernement lui a d'ailleurs emboîté le pas le 21 novembre 2017 en bannissant, par circulaire du Premier ministre, la pratique des documents officiels. En revanche, dans le même document, il valide et prescrit ouvertement la féminisation des noms de fonctions, sans attendre de nouvelles consignes de l'Académie… versant donc, selon l'analyse développée par la Secrétaire Perpétuelle, dans une dérive d’État autoritaire…

De quoi est il question ?

D’abord voyons quels sont les métiers concernés par une féminisation.

Dans certains cas, c’est assez simple, il existe un féminin tout trouvé, simplement parce que le nom est de consonance « neutre » comme artiste, astronome, bibliothécaire, chimiste, ébéniste, libraire, publicitaire, vétérinaire, architecte, diplomate, dentiste, analyste, peintre.

Dans d’autres cas, la féminisation ne pose pas tellement de problème parce que le féminin est facile : académicienne (justement), imitatrice, conseillère, directrice, conférencière, enseignante, épicière, avocate, conservatrice, cultivatrice, consultante, ambulancière, apicultrice,

L’Académie n’a pas de souci avec les noms comme pharmacienne, bûcheronne, factrice, compositrice, éditrice et exploratrice. …plus difficiles tout de même. Mais elle s’oppose formellement aux formes telles que professeure, recteure, sapeuse-pompière, auteure, ingénieure, procureure, etc., pour ne rien dire de chercheure, qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes selon la mission que se reconnait l’Académie.

L’une des contraintes propres à la langue française est qu’elle n’a que deux genres : pour désigner les qualités communes aux deux sexes, il a donc fallu qu’à l’un des deux genres soit conférée une valeur générique afin qu’il puisse neutraliser la différence entre les sexes.

L’Académie justifie ainsi son refus de la féminisation de certains noms de métiers :

« Il convient par ailleurs de distinguer des noms de métiers les termes désignant des fonctions officielles et les titres correspondants. Dans ce cas, les particularités de la personne ne doivent pas empiéter sur le caractère abstrait de la fonction dont elle est investie, mais au contraire s’effacer derrière lui : Les fonctions n’appartiennent pas en effet à l’intéressé : elles définissent une charge dont il s’acquitte, un rôle qu’il assume, une mission qu’il accomplit. Ainsi ce n’est pas en effet Madame X qui signe une circulaire, mais le ministre, qui se trouve être pour un temps une personne de sexe féminin ; mais la circulaire restera en vigueur alors que Madame X ne sera plus titulaire de ce portefeuille ministériel. La dénomination de la fonction s’entend donc comme un neutre et, logiquement, ne se conforme pas au sexe de l’individu qui l’incarne à un moment donné.

Ce n’est pas du tout infondé de séparer ainsi le genre de la fonction, mais est ce que cet argumentaire ne serait pas un peu spécieux pour maintenir le masculin seul ? L'Académie Française nous parle d’une société où les femmes sont tolérées aux plus hautes fonctions de l''Etat à la condition qu'elles ne revendiquent pas trop leur féminité. La dignité de la fonction passe avant le sexe, certes, mais pas avant le masculin…

L'allemand possède un troisième genre grammatical. Les allemands ont, donc, bien moins de difficultés à s'intéresser à ce qui pourrait être, pour eux, les représentants de ce 3ème genre ...

Le langage, soyons en conscients, participe à la construction de la pensée et donc aux changements de mentalité : quand on parle de « secrétaire », qui voit l’image d’un homme ? Et quand on parle de plombier qui voit l’image d’une femme ?

Ceci étant, je constate que si c’est une belle langue, le français est aussi une langue très (trop) figée, probablement à cause de la toute-puissance de cette institution que le monde entier nous envie :) :) :), l’Académie française ! Fondée en 1635 par Louis XIII, l’Académie n’est cependant plus seule en charge de la langue. C'est essentiellement à la Délégation générale de la langue française et des langues de France (DGLFLG), qui dépend du ministère de la Culture qui s’en occupe. Plus de 200 experts appartenant à 19 collèges, sélectionnés en fonction de leurs compétences linguistiques, y sont chargés de normaliser la langue.  Nos 40 académiciens peuvent se rendormir !

Je note que l’anglais possède 170 000 mots, alors que le français n’en utilise que 59 000 et que, par ailleurs, la langue de Shakespeare ne s’embarrasse pas de féminisation, ce qui la rend très universellement parlée.

Je vous le dit , c’est la faute à Voltaire !!!

 

Voilà quelques métiers quasi exclusivement féminins :

Profession

Pourcentage de femmes

Diététicienne

99%

Aide-ménagère

98,2%

Institutrice maternelle

97,6%

Baby-sitter et aide familiale

97%

Secrétaire

93%

Secrétaire de direction

90,8%

Aide malade et Aide-soignante

89,5%

Infirmière

88,2%

Assistante en pharmacie

87,3%

Personnel de nettoyage et laveuse de vitres

85,5%

Coiffeuse et spécialiste en soins de beauté

85,1%

Institutrice primaire

83,6%

Caissière, employée au guichet

80,6%

Réceptionniste

80,2%

Employée en comptabilité

77,8%

Assistante sociale

75,3%

Bibliothécaire, documentaliste

74,5%

Pharmacienne

71,8%

Vendeuse et employée de magasin

70,1%

Hôtesse de l’air

68,3%

Et en voilà d’autres quasiment exclusivement masculins :

Profession

Pourcentage d'hommes

Conducteurs de machines de construction et de terrassement

>99%

Ouvrier du bâtiment

>99%

Bûcheron et ouvrier forestier

>99%

Ouvrier portuaire

98,9%

Pompier

98,9%

Electricien

98,7%

Soudeur

98,5%

Plombier

98,3%

Mécanicien automobile

98,3%

Charpentier, menuisier, poseur de parquet

98,3%

Ebéniste

97,2%

Electromécanicien et monteur en électricité

96,2%

Balayeur de rue et éboueur

94,5%

Peintre, tapissier et décorateur

93,5%

Boucher

90,7%

Ingénieur

89,5%

Chauffeur de bus

88,3%

Conducteur de travaux et chef d’équipe

86,3%

Informaticien et analyste système

83,7%

Agent de police

83,4%

 

A vous de voir les préjugés associés.

 

 

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