La cinéaste israélienne Rama Burshtein, qui vit à Tel Aviv dans la communauté Haredim, est la première femme juive ultra-orthodoxe à réaliser des films distribués dans le monde entier. Ce sont des films casher, dit-elle, un rabbin étant constamment à ses côtés lors des tournages (il a dû devenir spécialiste du cinéma !) . En effet, comment filmer, le sentiment amoureux, en mélangeant sur le plateau acteurs et actrices laïcs, alors que la loi juive limite étroitement toute interaction entre les deux sexes ?
"Tout ce qui se passe sur mon plateau doit être conforme à la Halakha", la loi juive, explique-t-elle. Il n’y a pas de tournage le jour de shabbat, et il n’y a aucun contact physique entre les acteurs. Les projections le jour de Shabbat sont prohibées en Israël. (pas ailleurs, bien entendu)
Rama Burshtein est une femme costaude de 49 ans, au visage rond et lisse, coiffée d'un turban bariolé qui cache ses cheveux, comme le prescrit sa religion. Elle est née aux US et n'a pas toujours été orthodoxe.
The wedding plan est une mauvaise traduction en anglais du titre en hébreu qui signifie « A travers le mur ».
Et ce film a été présenté à la Mostra de Venise où il a été très favorablement accueilli.
C’est l’histoire d’une femme de 32 ans, Michal, qui veut absolument se marier. Son futur mari lui avoue un mois avant le mariage qu’il a juste un petit problème, il n’aime pas Michal. Elle décide alors de braver le sort et d’organiser tout de même son mariage, sans fiancé, pour le 8ème jour de Hannoukka. En attendant elle reçoit de nombreux prétendants pour des mariages arrangés, via des speed dating dans des lieux bien "conformistes".
On imagine que tout va se passer dans l’ombre et le silence, qu’on va être glacé par ces personnages étranges avec des papillotes aux oreilles, des chapeaux noirs, que les femmes seront fragiles et gnangnans.
Mais non, il s’agit d’une comédie où on rit beaucoup et où on rit même de certaines manières des personnages de la communauté. Je pense à un des prétendants qui refuse de regarder Michal tout comme il ne regarde aucune femme et qui s’évertue à détourner le regard pour, dit-il, « lui faire cadeau de ce premier regard ». Je pense aussi aux exigences des hommes qui paraissent surtout complètement coincés….Ils sont tous plus cinglés les uns que les autres, et la réalisatrice ne se prive pas de le souligner.
Michal, certes très religieuse, est gaffeuse, intelligente, drôle, elle casse les codes, mais elle ne réussit pas à séduire parce qu’elle est soit « trop », soit « pas assez » . Mais elle veut y croire car, dit elle : « J’ai la salle, j’ai la robe, j’ai l’appartement, Dieu n’a plus qu’à me trouver un mari. »
A un moment donné, elle se rend a à Ouman, une petite ville d’Ukraine où git la tombe d’un très célèbre rabbin Nahman de Breslev. Les femmes font semblant de pleurer sur la tombe, elles se forcent. Parce qu’elles ont besoin de réponses. Michal va sur la tombe et elle doit tout raconter, sans mensonges. Elle dit, en criant : « Je suis une menteuse je ne crois en rien. Je raconte à tout le monde que je vais me marier à cette date mais je n’y crois pas. Et vous le savez car vous êtes dieu. S’il vous plait aidez-moi, aidez-moi à croire à nouveau ! ».
Et elle dit aussi, tout au long du film cette chose incroyable : « Le monde a été créé pour moi ! ». Mais comment peut-elle y croire?
Bien sûr, elle arrive à une sorte de folie, le jour de ses noces. La réalisatrice nous laisse imaginer si oui ou non le miracle va se produire. Comme à Hannoukka !
C’est très drôle, à la fois dépaysant et très proche de nous, on dirait une Bridget Jones dans la communauté Haredim.
Pour moi, le titre "A travers le mur", doit avoir une signification plus profonde que cette simple comédie. Il s'agit peut être de montrer que la vie des juifs Hassidiques n'est pas si austère qu'on l'imagine. mais il pourrait aussi s'agir d'une allégorie plus désespérée sur l'avenir d'Israel, difficile à perpétuer, même s'il s'agit d'un pays "fait pour"? Je vais trop loin peut être...