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Acheter des études

Acheter des études

Comme l’article « De la globalisation du Capital Educatif » vous a fait réagir, je voudrais parler d’un documentaire ARTE récent : « Etudiants , l’avenir à crédit » de Jean-Robert Viallet, que vous pouvez revoir en replay encore pendant 1 mois.

Il s’agit d’une enquête sur l’effet des coûts de plus en plus importants des études universitaires aux USA, en Grande Bretagne et ailleurs.

Le premier constat est le suivant.

Dans les années 60 il y avait 13 millions d’étudiants dans le monde. En 2015 on en compte 200 millions et il y en aura 400 millions dans 10 ans.

Il y a donc un marché à prendre.

La Grande Bretagne demande depuis 2010 aux étudiants de payer 9000 Livres par année d’études. (Contre 3000 dans la période précédente)

Les universités ont été autorisées par le gouvernement à percevoir ces sommes importantes dans un contexte de pénurie d’argent public. Le Royaume Uni a privatisé progressivement des secteurs entiers de ses services publics et l’Université se devait de ne plus être financée par des fonds publics.

Des études montrent d’une année de scolarité avec le logement et les frais annexes reviennent à environ 20 000 Livres par an , ce qui est très cher, on en conviendra. (il faut compter 6 années d’études soit un total de 120 000 livres).

D’autant que le gouvernement a supprimé les bourses d’études pour les remplacer par des prêts accessibles à tous.

Pour attirer les étudiants étrangers, il fallait donc proposer également des prêts. Et les Universités ont été chargées de fournir ces prêts.

L’OCDE, la Banque Mondiale ont encouragé ce mouvement qui est également suivi par d’autres pays européens, tels que l’Espagne, le Portugal, l'Irlande, le Canada, la Grèce, Chypre, la Slovaquie, la Slovénie etc…

La France est tentée d’emboiter le pas, d’autant que ses universités souffrent d’un manque cruel d’argent depuis longtemps.

L’Allemagne s'est interrogée également mais les landers ont résisté car la conception allemande de l’Université résulte d’une philosophie très ancrée en Allemagne et qui provient d’un grand penseur Wilhelm Von Humboldt. Ce Wilhelm là (à ne pas confondre avec son frère Alexandre) a été un ministre de l’éducation prussien, linguiste et philosophe qui a théorisé les principes fondateurs des Universités allemandes (Sur l'organisation interne et externe des établissements d'enseignement à Berlin.). Pour les allemands, il s’agit donc de fabriquer des citoyens capables de réfléchir par eux-mêmes et non directement des professionnels pour l’industrie. L'éducation universitaire est, Outre Rhin, un acquis social sur lequel les allemands ne veulent pas revenir. Leurs Universités sont donc gratuites.

Pour les pays du Nord de l’Europe, comme la Suède, les Universités sont également gratuites. Un débat récent a eu lieu pour faire payer les étrangers hors UE. Comme ces pays enseignent en anglais, ils ont vu venir un afflux d’étudiants de Grande Bretagne, incapables de payer les montants astronomiques demandés par leurs Universités.

Mieux ! ces pays accordent une bourse de 300 euros par mois, et ce pendant 6 mois, à tous les étudiants.

Alors que faut-il en penser ?

Première question : faut-il que les Universités fabriquent des professionnels directement utilisables pour le marché ?

On aurait bien envie de répondre par l’affirmative, et donc d’envisager l’université de façon utilitariste.

A cela, ceux qui sont partisans du "gratuit", répondent que le monde évolue si vite, que les progrès et les bouleversements sont si fréquents, que jamais l’Université ne pourra profiler les étudiants pour qu'ils correspondent exactement aux métiers de demain. Il faudra donc que les entreprises complètent dans tous les cas, la formation, pour répondre à ses propres besoins .

Et c'est aussi ce qui me parait juste.

Deuxième question : Pourquoi les étudiants ne pourraient-ils pas être des clients comme tous les autres ?

Oui, c’est vrai, pourquoi ne pas transformer les élèves en clients? Oui, mais le comportement d’un client qui paye cher n’est plus celui d’un étudiant.

Est-ce qu’un client admettra d’échouer ? Est ce qu’il n’en demandera pas pour son argent ? Bien sûr que oui et l’on risque donc une grande dévaluation des diplômes ainsi obtenus. Je fais abstraction des meilleurs cerveaux qui seront, riches ou pauvres, accueillis dans tous les cas et de manière très cordiale.

C’est déjà le cas aux USA (on se souvient de Obama qui a bénéficié d’une bourse pour Harvard).

Pour tous les autres, les clients seront rois….

Troisième question : Est-ce que les prêts étudiants seront remboursés ?

Vu la situation de l’emploi partout, bien sûr que non. Le Royaume Uni enregistre un taux record de non remboursement : 40 % des prêts sont défaillants.

Du coup, les Universités envisagent de revendre les prêts à des fonds vautours. C’est exactement le principe des subprimes.

La situation est la même aux USA, et le montant total des prêts non remboursés s’élève à 1200 milliards d’euros soit l’équivalent de toute la dette française.

Quatrième question : y a-t-il des alternatives moins onéreuses?

Hélas oui, il y a des vautours partout. Et aux USA actuellement, il y a des institutions privées qui ciblent justement les pauvres, les déshérités, les étudiants aux situations sociales fragiles pour leur offrir le rêve : faire des études pour moins cher. Moyennant prêt tout de même. On leur fait miroiter le diplôme, et ce sera une voie de garage bien sûr, mais comment faire pour que sur le marché des études, il n'y ait pas d'arnaques ????

On revend des subprimes ! SUPER !!!!

Voilà où nous en arrivons : c’est la violence sociale à l’état brut. Ces pauvres gens ne pourront plus rien gagner dans leur vie, on leur prendra ce qu’ils gagnent, et les fonds seront restructurés, comme les prêts immobiliers qui ont donné lieu à la grande crise de 2008, dont nous ne sommes pas encore sortis !

Magnifique, n’est-ce pas ?

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