Mais oui, c’est bien la palme d’or du festival de Cannes 2016. Donc je ne vais pas ajouter du commentaire aux commentaires déjà écrits lors de la remise du prix et lors de la sortie en salles le 10 novembre.
Je constate juste qu’après seulement 3 semaines le film n’est plus diffusé que dans les petites salles et qu’il est presque devenu confidentiel.
Or, c’est un chef d’œuvre, extrêmement bien construit, bien interprété, sans emphase ni manichéisme.
Je sais que, dans la situation actuelle, on a plutôt envie de voir des spectacles drôles pour « se changer les idées ».
Comme dirait un de mes amis, le problème avec la technique de l’autruche, c’est que c’est la tête qu’elle enfouit dans le sable.
Ce qui ne l’empêche pas de montrer son derrière…Oui, j’ai l’humour d'un char d’assaut parfois, mais c’est pour notre bien commun, croyez-moi mes gentils agneaux, mes ami-e-s, mes potes.
Comment peut-on se désoler, faire des prêchi-prêcha, sermonner, ou même s’amuser alors que le danger est bien là, même pas en embuscade, à notre porte, à quelques mois de nous ?
Le modèle de société qui est dépeinte dans ce film , c’est bien ce que nous voulons, pour nous, pour nos enfants? C’est mieux de supprimer le code du travail (temps de travail maxi applicable de 48 h par semaine), la sécurité sociale, l’assurance maladie, que de payer des fonctionnaires ? Faut-il tout libéraliser et confier les services sociaux à une entreprise privée (une assurance, par exemple, comment elle s’appelle déjà la boite du copain de F…n ? AXA ?). N’y a-t-il pas quelques inconvénients à se diriger, en toute bonne conscience, vers ce dont on n’a jamais voulu en France, une société influencée directement par une église ? (Pourquoi faudrait-il se poser encore des questions sur l’avortement ? Est-ce que ça regarde quelqu’un d’autre que moi ce que je fais de mon corps librement ?).
A moins qu’on se dise, « je m’en fiche, je ne suis pas concerné-e ? ». Parfaite illustration de la grande solidarité qui nous anime, nous les cathos, les bien pensants, les charitables, les parfaits français ?
Je me mets dans le panier catho, mais j’ai de toutes les couleurs autour de moi : athéisme, protestantisme, judaïsme, musulmanisme (je sais que le mot n’existe pas, je l’ai créé, mais je voulais dire aussi pas d’islamisme, du moins, pas à ma connaissance), optimisme, défaitisme, pessimisme, illusionisme (je connais des magiciens, des vrais), royalisme, marxisme, communisme, anarchisme, nudisme, cynisme, sadisme….
Vous avez compris, je ne suis pas sectaire,….sauf en ce qui concerne le sectarisme , défaut qui fait plus que de me démanger, mais qui pourrait bien me conduire à (mal) agir.
Il y en a un autre que je n’aime pas : prosélytisme, je l’ai déjà écrit, et je ne vous demande pas non plus d‘adhérer à ce que je dis, je vous propose de réfléchir avec moi.
Aucun de ceux qui sont autour de moi n’a envie de mourir, de ça j’en suis certaine. Le bonheur c’est d’abord ici et maintenant.
Allez, je reviens à mon sujet.
Daniel Blake a perdu son travail à cause d’une attaque cardiaque.
Dès le début du film on comprend qu’il va se heurter à un tas de sociétés, PRIVEES, sous contrat avec l’Etat anglais et qui sont chargées de gérer l’assurance sociale.
Et voilà ce que ça donne :
« Pouvez-vous lever le bras pour poser un chapeau sur votre tête ? Pouvez-vous tenir votre fourchette ? Pouvez-vous prendre les transports en commun ? … »
Quand Daniel répond : « mais qu’est-ce que ces questions ont à faire avec une attaque cardiaque ? », on lui répond sèchement qu’il doit se conformer au questionnaire. Lequel conduit à un calcul de points, qui montre qu’il n’y a pas lieu de l’indemniser pour invalidité.
Et je vais vous éclairer, ce n’est pas Kafka, non, c’est bien pire. On a formaté les enquêteurs sociaux à travailler comme des robots et à traiter les gens dans la misère selon des PROCEDURES. Le « decision maker » est un être inconnu, peut-être même seulement un ordinateur qui oblige ce vieux monsieur, Daniel Blake, à retourner au travail, non, pardon, à être demandeur d’emploi, alors que justement il y a plus de 100 demandeurs pour chaque offre d’emploi (et je rappelle qu’on est au Royaume Uni, où le taux de chômage est très bas et où le marché du travail est si libéralisé qu’il existe des contrats zéro heures. Ce n’est donc pas une question de rigidité du Code du travail, ou de coût, ou de temps, non ?).
Daniel Blake, à près de 60 ans, est confronté au libéralisme le plus policé, le mieux pensant de la terre (il n’y a pas de société plus polie que la société anglaise, où on garde son sang-froid, et où on met les formes…..et beaucoup d’indifférence dans les relations sociales et professionnelles).
Il faut voir comment les pauvres écopent de sanctions, à la moindre occasion : « Comment, vous n’avez pas prouvé que vous avez passé 35 heures par semaine à rechercher un emploi ? (Inexistant l’emploi, je le rappelle) ? vous allez être sanctionné : on va suspendre votre allocation pour 3 semaines, la prochaine fois ce sera 8 semaines…et enfin, vous risquez d’être radié… »
Le formulaire n’existe que sur Internet, et il faut absolument que des gros doigts de Daniel qui est un menuisier très habile et minutieux mais incapable de faire glisser la souris…arrivent à remplir les cases ineptes d’un ènième document. Il faut que ce pauvre homme se transforme d’un seul coup en Steeve Job, parce que le papier doit évidemment être transmis par défaut en numérique, sauf si on n’a pas de mains…et encore..je me demande.
Il faut rédiger un CV, alors que Daniel ne doit plus reprendre le travail, et pour ça, il faut suivre un cours de CV, où on apprend à tous ces pauvres gens qui n’en peuvent plus qu’il faut savoir « se démarquer » les uns des autres !
A nous tous qui nous félicitons d’être de bons….humanistes, réfléchissons un peu à ce qui va nous tomber sur la tête. Voulons-nous d’une société sans ce qu’on nomme la FRATERNITE ?