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Enquête citoyenne: démasquons les impostures

Enquête citoyenne: démasquons les impostures

Je reçois ce post de VIEUZIBOU, sous titré: " Où sont passés les masques? "

Rassurez-vous, je ne vais pas redévelopper ou compléter les longues considérations chiffrées données par le ministre Olivier Véran dans sa conférence de presse du 28 mars au sujet des masques.

              Chacun a compris la situation qu’on peut résumer rapidement:

- il n’y a pas assez de masques pour assurer dans la durée la protection des professionnels de la santé, dont le nombre est évalué à un million. Ils sont à peine suffisants pour les stricts besoins des hôpitaux. Rappelons que les masques doivent être changés au minimum une fois par jour (d’où une consommation de deux ou trois par24 heures). Et qu’ils sont nécessaires à beaucoup d’autres professionnels dont l’activité est indispensable à la vie de tous les jours.

- même réquisitionnées et incitées à pousser à fond leur production, les usines françaises ne suffisent pas à couvrir les besoins prioritaires. Que dire alors de la nécessité reconnue d’assurer la protection plus grand nombre de nos concitoyens. Il suffit de regarder la situation dans les pays asiatiques, Corée du Sud, Taiwan, je cite volontairement des régimes démocratiques, où le port du masque est considéré comme une nécessité acceptée par tous.

- une commande massive d’un milliard de masques a été passée aux usines chinoises, mais on nous explique à mots couverts que l’on n’a aucune assurance ni sur les délais, ni sur les conditions de livraison. Olivier Véran précise que les masques seront comptabilisés quand ils seront déchargés des avions de transport, sous contrôle des pouvoirs publics, dans un aéroport français.

Or nous avons en mémoire l’épisode de la grippe H1N1, en 2009, avec sa campagne de vaccination massive et aussi, la constitution d’un important stock de masques géré par l’Etat. Beaucoup d’entre nous se rappellent avoir appris, dans leur milieu de travail, les caractéristiques des masques : les FFP2 d’une part, les « becs de canard », les plus protecteurs notamment pour empêcher les contaminations d’atteindre le porteur de masques, et donc les plus recommandés pour les soignants : les masques chirurgicaux (je ne sais pas si le terme est le plus adapté), qui évitent au porteur de contaminer les autres. Nous avions appris aussi comment élaborer des plans d’urgence, comment fonctionner, assurer les services essentiels malgré l’indisponibilité des malades, etc…

Donc il nous semblait tout naturel de conserver tout cet acquis, tant en termes d’expérience que de mise en place d’un stock suffisant à la prochaine alerte épidémique.

Mais est-ce que cela a toujours semblé évident ? Est-ce que l’opinion, et les pouvoirs publics, n’ont pas été « anesthésiés » par l’absence de grande épidémie dans notre pays, et par le constat que H1N1 était beaucoup plus bénin que ce qui avait été annoncé ? Une simple grippette, nous avait-on dit.

En fait, les ravages provoqués par les épidémies anciennes nous paraissaient bien lointains. Après tout, l’épidémie de grippe dite espagnole qui est sans cesse citée comme l’une des dernières pandémies récentes a eu lieu il y a plus d’un siècle, à l’issue de la première guerre mondiale. Même si nous avons connu quelques flambées de grippes après la seconde guerre mondiale, en 1957 par exemple, nous nous sentions de moins en moins concernés.

Mais cela n’exonère pas ceux qui nous gouvernent. Car les signaux d’alerte existaient. Nous n’avions pas subi d’épidémies, mais l’époque récente n’a pas été avare d’évènements catastrophiques.

En effet, selon l’historien des épidémies Patrick Zylberman, une prise de conscience est survenue dans les années 1990, avec l’apparition des zoonoses émergentes, des épidémies d’origine animale pouvant s’étendre très vite aux populations humaines. Et ce sont les Etats-Unis qui s’en sont souciés les premiers, sous le second mandat de Bill Clinton. Ce qui est rétrospectivement plutôt savoureux (ou bien triste) quand on voit le comportement inconscient ou à l’emporte-pièce, c’est selon, de l’actuel président des Etats-Unis. Et deux évènements ont fait prendre conscience de la gravité des dangers sanitaires et autres qui pouvaient toucher tout un pays et plus largement l’humanité.

Tout d’abord l’audition devant le Sénat américain, en 1998, d’un certain Ken Allibeck, un Russe exfiltré qui fut pendant plusieurs années le directeur adjoint du programme intitulé « Biopreparat », le programme de l’Union soviétique destiné à la guerre biologique. Sa déposition, nous disent les témoins, « a glacé tous ceux qui l’ont entendue ».

Ensuite, bien sûr, les attentats du 11 septembre qui ont montré comment des attentats de grande envergure pouvaient déstabiliser le monde entier.

Et, le 21 décembre 2001, parallèlement à la promulgation des lois antiterroristes, une loi fédérale sur la santé publique, le Model State Emergency Health Powers Act, présentait un ensemble de dispositions très contraignantes, et totalement dérogatoires aux libertés publiques, susceptibles d’être promulguées en cas d’urgence : contrôles, mise en place de quarantaines, etc… Même si ces mesures n’ont pas été déclinées dans leur intégralité dans les différents Etat des USA, elles comportaient tous les outils permettant aux Etats de faire face à un « état d’urgence » sanitaire. Depuis, la France aussi s’est dotée d’une loi, en date du 5 mars 2007, qui prévoit la possibilité de prendre des mesures d’urgence en cas « de menace sanitaire grave, notamment en cas de menace d’épidémie ».

En définitive, ni les Etats-Unis, ni les pays européens n’avaient eu l’occasion de déployer ces stratégies sanitaires d’urgence et l’arsenal des mesures correspondantes. Ce sont les pays asiatiques, en fait, qu’il s’agisse de régimes autoritaires ou de véritables démocraties, qui ont appris à s’en servir. On voit que ce n’est pas la distinction entre dictatures et démocraties qui explique les différences d’approche des épidémies, raison de plus pour que les citoyens des démocraties demandent à leurs gouvernants de rendre compte de leurs actions.

J’ai donc cherché à comprendre ce qu’étaient devenus les « stocks stratégiques » de masques constitués par l’Etat après l’épidémie de grippe H1N1 : stocks d’autant plus faciles à constituer que l’épidémie s’est révélée bénigne en France et ne les a donc pas entamés.

Roselyne Bachelot, ministre de la santé en 2009 déclare : « J’ai fait constituer un stock de 1 milliard de masques anti-projections (dits « chirurgicaux ») et 900 millions de masques de protection FFP2 ».

Xavier Bertrand, qui lui a succédé en novembre 2010, précise : « Quand j’ai quitté le ministère en 2012, il y avait 600 millions de masques FFP2 et 800 millions de masques chirurgicaux ». Mais attention : à cette époque, le ministère décide de ne pas pérenniser à ce niveau les masques FFP2 et considère qu’à terme on peut en limiter la taille. Comme les produits alimentaires, ces masques ont des dates limites d’utilisation. Se pose dès lors la question de leur renouvellement et c’est alors qu’apparaissent les politiques de « lissage » budgétaire. A tel point d’ailleurs que la Direction générale de la Santé accepte la péremption de 25% du stock (c’est comme les yaourts qui restent consommables après la date limite de consommation).

Après 2012, selon l’entourage de Marisol Touraine, c’est plutôt 900 millions de masques au total qui sont identifiés, et non un milliard 400 millions. Bon, ça fait déjà quelques centaines de millions qui ont disparu dans la nature.

Mais la plus grosse « perte en ligne », si je puis dire, je la trouve entre 2012 /2013 et maintenant, puisque je retiens deux chiffres des déclarations officielles actuelles : le stock d’Etat d’élevait à 110 millions le 17 mars 2020, et à 86 millions le 23 mars (la différence cette fois-ci peut s’expliquer par la distribution de masques sous contrôle de l’Etat qui a tout pouvoir sur la production et la distribution de ces masques). Donc, depuis 2012/2013, la majeure partie des masques se serait volatilisée !

J’ai continué à chercher dans les investigations des médias les évènements qui pourraient expliquer ce curieux phénomène. Je n’ai trouvé que quelques constatations, en aucun cas des explications.

Première constatation :il y a eu des « changements de doctrine » en 2013. On a depuis lors considéré que les stocks devaient être constitués et gérés sous la responsabilité des employeurs, dans les entreprises et administrations, cela concerne bien sûr aussi les hôpitaux. C’est vrai, on retrouve des stocks de masques dans les entreprises, mais en nombre bien insuffisant surtout dans les PME. Les quelques responsables d’établissements que je connais me l’ont confirmé, les plus « civiques » d’entre eux (pas tous) les ont remis à disposition des hôpitaux, les autres ont déclaré en avoir besoin pour faire travailler leurs salariés. On peut a posteriori s’interroger sur ce changement de doctrine qui, d’une part présuppose un comportement citoyen vertueux de la part des entreprises, et d’autre part n’a pas donné lieu à vérifications périodiques. On a aussi estimé que, pour renforcer les stocks, l’on pouvait s’en remettre aux capacités de production fussent-elles étrangères et en l’occurrence chinoises pour les masques. Cette position a été critiquée à l’époque par le sénateur (LR) Francis Delattre dans un rapport de juillet 2015 : « La réservation de capacités de production ne peut constituer une solution unique pour prévenir les situations sanitaires exceptionnelles ».

Deuxième constatation : une réforme de structure est intervenue en 2015/2016. L’établissement public responsable de ces stocks, dénommé « EPRUS » (Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires ») a perdu son autonomie et a été intégré à l’Agence Santé publique France, créée en janvier 2016 par la loi de modernisation du système de santé. Cette Agence a fusionné l’EPRUS avec l’institut de Veille sanitaire et l’Institut national de prévention pour la Santé. On sait ce qui est malheureusement sous-jacent à ces réformes de structure : faire des économies budgétaires. Quant au résultat, je cite à nouveau Roselyne Bachelot : « Ce fut un point de bascule considérable. En perdant son autonomie financière, l’EPRUS s’est désarmé et a désarmé l’Etat dans sa politique de prévention des risques ».

Et, en attendant, je ne comprends toujours pas où sont passés les masques manquants entre 2009 et 2020. Ce qui compte maintenant, c’est de produire et commander le maximum de masques le plus vite possible, me direz-vous. Oui, mais qui nous dit que l’on fera plus attention une fois passée cette épidémie ? Bon, je vais continuer à chercher, je vous reviendrai vous en parler si j’ai du nouveau.

Signé VIEUZIBOU

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