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La Tempête (Shakespeare- Comédie française)

La Tempête (Shakespeare- Comédie française)

Je ne suis pas une spécialiste de Shakespeare, quoique lectrice et spectatrice, comme beaucoup,  de nombreuses pièces.

La Tempête, je croyais l’avoir déjà vue, mais finalement non, c’était une première pour moi ou alors c’était il y a très longtemps.

Il s’agit d’une pièce un peu spéciale, inclassable (ni tragédie, ni comédie, ni pièce historique), et qui passe pour être la dernière (1611), le testament de Shakespeare qui mourra cinq ans plus tard, dans sa retraite de Stratford upon Avon.  

L’histoire ? Il y a certainement plusieurs niveaux de lecture et je vais prétentieusement donner le mien.

Le personnage central c’est Prospero, le grand-duc de Milan destitué par son propre frère Antonio, qui a manigancé un accord avec le roi de Naples (Alonso) afin d’usurper le pouvoir. Pour que la traitrise soit moins  « visible » on a poussé Prospero dans une barque avec sa petite fille Miranda et vogue la galère. Quand la pièce commence, on comprend que Prospero a franchi la limite entre le monde naturel et le monde surnaturel. Douze années se sont écoulées sur l' ile où Prospero a échoué avec sa fille. Il y est devenu une sorte de roi, de sorcier, enfin un personnage surnaturel (est-il revenu de la mort ? La mise en scène le suggère car on le voit au tout commencement sur un lit d’hôpital où résonnent les tilts caractéristiques du monitoring cardiaque. Prospero se réveille de réanimation).

Une des plus belles citations est donnée à la fin par Prospero :

We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep.(Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves et nos vies sont entourées de sommeil).

La caractéristique de Prospero,  c’est qu’il s’agit d’un intellectuel, il s’abreuve de lectures, c’est peut être même la raison de sa destitution. Un de ses serviteurs lui a ramené des coffres plein de livres et il dira :

Ma bibliothèque m'était un assez grand duché.  … (my library was dukedom large enough.) La Tempête, I, 2, Prospero

Ceci étant c’est aussi grâce à ses livres que Prospero est devenu magicien et a pu maitriser les éléments naturels et les esprits. Sur l’île,  il a asservi deux êtres fantastiques : Ariel, un elfe, un esprit positif de l’air et du souffle de vie et Caliban, être négatif symbolisant la terre, la violence et la mort, les appétits charnels. (qui a bien compris que la force de Propero réside dans les livres car il suggère, pour l'anéantir de lui voler ses livres).

En fait, c’est trois personnages ne font qu’un finalement (Prospero, Ariel et Caliban), le dédoublement de personnalité n’étant qu’une représentation de tout ce qui constitue un être humain et particulièrement un être humain imaginatif, créatif, un auteur, pourquoi pas un écrivain qui fait naître des personnages ?

Propero désire se venger, après tout, il est légitime, il a été victime d’une immense injustice, et d’une trahison fratricide. Et sur cette île qui est comme une page vierge, toute blanche, il est peut être possible de tout recommencer.

Prospero utilise ses pouvoirs magiques pour déclencher une tempête, tempête ou se brisera le bateau de tous ses ennemis, son frère Antonio, le roi de Naples (Alonso), le fils de ce grand roi (Ferdinand) , et toute la cour.

C’est ainsi qu’il imagine tout recommencer, écrire une nouvelle histoire dont il tirerait les ficelles, grâce à son elfe du vent (Ariel) et à son monstre destructeur (Caliban).  

Un des personnages se projette alors en imaginant un nouveau monde , une république libertaire dont il n’oublierait pas toutefois d’être le  roi, ce qui fait hurler de rire toute la suite.

 GONZALO, à Alonso

Dans ma république, je ferais au rebours toute chose : aucune espèce de trafic ne serait permise par moi. Nul nom de magistrat,  nulle connaissance des lettres, ni richesse, ni pauvreté, nul usage de service ; nul contrat, nulle succession ; pas de bornes, pas d’enclos, pas de champ labouré, pas de vignobles. Nul usage de métal, de blé, de vin, ni d’huile. Nulle occupation : tous les hommes désœuvrés, tous ! Et les femmes aussi ! mais elles, innocentes et pures ! — Point de souveraineté

SÉBASTIEN, à Antonio : Et cependant il en serait le roi.

ANTONIO: La conclusion de sa république en oublie le préambule.

La pièce est pleine de violence (mais les tentatives d’assassinat ne seront que des essais manqués et personne n’en mourra) , d’amour (Miranda tombe amoureuse de Ferdinand, le fils du roi de Naples) , de bouffonneries (les scènes de beuveries et d’obscénités avec les personnages de Caliban et de Stephano, sont très drôles).

Il y a  aussi de la magie : Ariel fait paraître Iris, qui s’adresse à l’opulente Cérès, la dame du seigle, de l’avoine, du blé, qui ouvre un pays où des brebis paissent sur des montagnes vertes, où il y a des berges fleuries. Junon surenchérit, à propos du couple : elle le veut prospère, et béni dans la postérité ! La terre est féconde, bientôt les fruits de l’été seront récoltés. Il faut donc que le mariage de Miranda et Ferdinand porte des fruits!

Et tout se termine par un grand pardon, Prospero trouvant plus intelligent de ne pas se venger plus avant :  

« Vous, ma chair et mon sang ! vous, mon frère, qui avez choyé l’ambition, en repoussant le remords et la nature ; vous qui, d’accord avec Sébastien, que torturent en conséquence les morsures intérieures, avez voulu tuer votre roi… je te pardonne, si dénaturé que tu sois ! ».

Pour moi toute la pièce se joue dans l'imaginaire, "dans un cerveau" et tous les personnages sont rêvés, inventés, pour les besoins d'un homme qui se retourne sur son passé et qui décide de "rejouer" l'histoire. N'est ce pas une tentation que nous avons tous et qui nous sert de thérapie au regard des évènements sur lesquels nous n'avons pas de pouvoir? Il est bon d'en ressortir apaisé, il est bon que justice nous soit rendue mais peut être pas dans le monde extérieur: le travail sur nous mêmes (dans la tempête de nos passions) devrait pouvoir nous apporter sagesse et générosité.

Robert Carsen dépouille sa mise en scène de tout effet « magique ». Tout est très sobre jusqu’aux costumes.  Sa scène est un cube blanc à la perspective fuyante. Y sont projetées des images d’une mer plus ou moins agitée et des visages qui hantent Prospero. Mais globalement c’est un spectacle très esthétique.

 

Les acteurs sont...des acteurs géniaux du Français:

Thierry Hancisse (Alonso le roi de Naples), Jérôme Pouly (Stephano, le majordome ivrogne, Michel Vuillermoz (très habile Prospero), Loïc Corbery (Ferdinand le fils du roi de Naples), Serge Bagdassarian (Antonio, le frère traitre de Prospero), Hervé Pierre(Trinculo, le bouffon) , Gilles David (Gonzalo) , Stéphane Varupenne (Caliban le monstre) , Georgia Scalliet (très jolie Miranda) , Christophe Montenez (Ariel, l'esprit de l'air) .

 

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