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Vieillir nuit gravement à la santé

Vieillir nuit gravement à la santé

On a tous bien peur de la maladie d’Alzheimer et très souvent, c’est comme si on voulait conjurer le sort, on se colle la tête dans le sable et on refuse de voir. Parfois, pour désamorcer l’angoisse, on dit tout haut : « Voilà mon Alzheimer, je ne me souviens plus du nom de mon dentiste, ou de qui j’ai vu hier, ou encore de ce que j’ai entendu aux informations de ce midi ».

J’ai assisté à une conférence d’un grand professeur de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège, Martial Van der Linden.

Ce grand spécialiste a consacré une partie de ses travaux aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.

Il a écrit de nombreux livres et articles sur la neuropsychologie et les sciences cognitives, dont un livre qui s’intitule « Penser autrement le vieillissement ».

Ce n’est pas un doux rêveur, ni un chercheur coupé des réalités, mais un praticien très bien documenté et qui a mis ce qu’il sait, ce qu’il a pu apprendre au service de sa pratique.

Il se situe dans un courant de pensée et de pratique qu’on pourrait bien qualifier de révolutionnaire, mais qui repose sur des essais, des cas cliniques, des résultats de recherches bien concrets.

Le contexte est le suivant et vous le connaissez : la population âgée ne cesse d’augmenter, du moins dans les pays occidentaux, et les diagnostics d’Alzheimer augmentent de façon inédite. Dans les années 1970 -que votre serviteure a connues- la maladie d’Alzheimer n’existait pas. Tous mes grands - parents sont décédés parfois très âgés (plus de 80 ans) sans perdre la tête. Ma grand-mère qui vivait parmi nous, est décédée à 83 ans d’une occlusion intestinale mais elle n’a jamais perdu l’esprit. Je n’ai pas eu connaissance que les personnes âgées de mon village aient pu être atteintes de telle démence. Parfois, il pouvait arriver qu’un grand père se perde un peu en rentrant chez lui, mais quelqu’un du village le ramenait à la maison sans faire d’histoire. Il n’était pas malade, il était un peu distrait.

La maladie d’Alzheimer a commencé son avènement dans les années 80. L’explosion du nombre des personnes âgées n’est pas étrangères à cette « re-découverte », M Alois Alzheimer étant un médecin psychiatre allemand, connu pour sa description de la maladie éponyme en 1901.

Misant sur un marché potentiel colossal, l’industrie pharmaceutique a recherché frénétiquement — et jusqu’ici sans succès — un médicament ou un vaccin miracle.

Le plan maladies neurodégénératives 2014-2019 a succédé au plan Alzheimer.  Plutôt que d’encourager le développement d’un accompagnement humaniste et bienveillant des malades, les politiques publiques ont préféré privilégier le soutien à l’industrie pharmaceutique dans sa recherche d’un traitement médical — sans résultat jusqu’à aujourd’hui. Premier médicament supposé ralentir les effets de la maladie d’Alzheimer, la tacrine a été retirée de la vente en 2004 à cause de graves effets secondaires. Depuis la fin des années 1990, quatre traitements censés agir sur les symptômes de la maladie sont en vente. Ils ont pour caractéristiques d’être totalement inefficaces et de provoquer des effets secondaires très graves pouvant conduire à la mort prématurée du patient.

Dès l’apparition des anticholinestérasiques, la revue médicale indépendante Prescrire démontrait leur peu d’efficacité, leurs nombreux effets indésirables, leur dangerosité en cas de prescription durant plus d’un an, et dénonçait leur coût excessif. Elle mettait aussi en garde contre les interactions avec d’autres médicaments qui augmentaient les effets secondaires et les risques de décès. Entre 2000 et 2012, 1 031 essais ont été menés dans le monde, et 244 molécules ont été testées, avec un taux d’échec de 99,6 %.

Pourtant, malgré l’inefficacité des médicaments « anti-Alzheimer », les effets secondaires parfois graves qu’ils provoquent et les coûts majeurs qu’ils représentent pour la société, plusieurs voix continuent de défendre la prescription de ces produits. Elles le font sur base d’arguments très contestables, reflétant bien l’approche biomédicale dominante, tels que « ne plus prescrire ces médicaments perturberait l’image de la maladie d’Alzheimer comme maladie accessible à la thérapeutique », « ces médicaments constituent un lien entre le malade et le médecin » et « arrêter d'en prescrire ferait courir un risque de voir de nombreux patients sortir du giron médical » (et donc de ne plus être aidés), ou encore « ces substances ont un caractère "structurant" pour la personne âgée (et ses proches) ».

En plus de ça, et compte tenu de tous ces échecs, on s’est lancé dans le diagnostic précoce: il s’agit d’identifier des personnes souffrant de quelques troubles de mémoire qui pourraient développer dans dix ou quinze ans la maladie d’Alzheimer.  « Nous proposons désormais des critères de diagnostic qui incluent tous les stades de la maladie, notamment celui qui existe avant l’apparition des symptômes, appelé stade prodromal. » Conséquence de cette nouvelle définition : les laboratoires axent leurs recherches sur des médicaments destinés non plus aux personnes âgées, mais à des « malades » plutôt jeunes et en bonne santé, qui pourront être traités préventivement durant plusieurs années…

Le diagnostic précoce est mis en application par des centres de consultation mémoire. Pour établir ces diagnostics, les médecins spécialistes sont encouragés à user de nouvelles techniques telles que la neuro-imagerie ou la ponction lombaire, destinée à détecter dans le liquide céphalo-rachidien la présence de certaines protéines. Ces outils permettent d’identifier les caractéristiques biologiques de la maladie, les « biomarqueurs ». Un marché fort rentable et pléthorique s’ouvre avec les outils de diagnostic en cours de développement ou en attente de brevet.

Dans quelle mesure les diagnostics de la maladie d’Alzheimer demeurent-ils fiables ? Pour 1 % des patients, porteurs d’une mutation génétique rendant la maladie héréditaire, le diagnostic basé sur l’étude des gènes semble solide. Ce sont généralement des personnes âgées de moins de 60 ans. Les 99 % restants développeraient la forme de la maladie dite « sporadique », qui se déclenche en général après 70 ans, parfois avant. Pour eux, le diagnostic, même réalisé avec les biomarqueurs, est toujours incertain. De plus en plus de voix s’élèvent donc pour remettre en cause les diagnostics précoces concernant des personnes saines.

Et si la maladie d’Alzheimer n’était pas une maladie ?

En effet, dans une maladie il y a :

-des symptômes spécifiques

- des causes spécifiques

Et de nombreuses analyses ont montré qu’on pouvait aussi bien avoir des marqueurs caractéristiques la maladie d’Alzheimer sans être jamais diagnostiqué, ni atteint d’ailleurs de démence.

On commence à s’interroger sur les caractéristiques qui influent sur les facteurs de risques, et ce tout au long de la vie.

Il apparait, au vu de nombreuses études que les caractéristiques psychos sociales suivantes réduisent les risques :

- l’extraversion, qui concerne la sociabilité, les émotions positives, l’activité et le fait d’être sûr.e de soi ;

- l’altruisme, la disposition à aider les autres et la confiance à leur égard ;

- le caractère consciencieux, qui se caractérise par  la capacité de planification, d’organisation et de mise à exécution des tâches ;

- l’optimisme, qui est la tendance générale à éprouver des émotions positives et joyeuses

- l’ouverture, qui renvoie à l’imagination, la curiosité intellectuelle, la sensibilité esthétique, l’attention prêtée à ses propres sentiments et aux attitudes non dogmatiques. 

C’est certain qu’il vaut mieux avoir eu une jeunesse heureuse, éduquée, une vie épanouie, des amis, une famille harmonieuse, avoir pratiqué des sports, avoir eu des loisirs créatifs que d’avoir passé sa vie à manger des frites devant la TV en attendant les allocations.

ET si cette maladie était une maladie "politique" ?

En effet,  l’image de la maladie dans la société ne contribue pas du tout à son décloisonnement, et à une prise en compte humaniste des personnes qui souffrent.

En fait, les représentations sociales négatives, voire apocalyptiques, sur la démence sont encore très fortement ancrées

1. La personne présentant une maladie d’Alzheimer est vue comme un zombie : bien que son corps soit encore en vie, l’être humain qui l’habite peut déjà être tenu pour mort puisqu’il a perdu sa personnalité et son identité

2. La maladie d’Alzheimer est présentée comme un ennemi, un monstre, un mal absolu qui doit être combattu, éradiqué à tout prix.

3. La foi dans la science  laisse entrevoir un espoir de guérison de cette « maladie », pour autant que l’on continue à consacrer suffisamment d’argent à la recherche biomédicale.

4. Le lien avec la mort : le diagnostic est assimilé à une condamnation à mort, le début d’une catastrophe totale.

5. Les rôles sont inversés : les personnes présentant une maladie d’Alzheimer redeviennent des enfants, ce qui implique une inversion des rôles (les enfants deviennent les parents de leurs parents).

6. L’accent est mis sur le fardeau que représentent les personnes présentant une maladie d’Alzheimer pour leurs proches

« Or, il a été maintes fois montré que cette conception neurobiologique de la maladie d’Alzheimer (de la démence) et le langage tragique qui lui est associé représentent une construction sociale, qui a notamment émergé dans le contexte d’une vision de la société focalisée sur l’efficacité, le rendement, la compétition et l’individualisme, un monde où la fragilité et la finitude n’ont pas leur place, ce qui a dès lors contribué à pathologiser et médicaliser le vieillissement » Martial Van der Linden

Défendre une autre manière de penser le vieillissement, c’est dès lors s’engager pour un autre type de société, dans laquelle la vulnérabilité a toute sa place !

Et les solutions tombent alors d’elles-mêmes : puisque ce n’est pas une maladie, puisque qu’il n’y a pas de médicaments, puisque nous sommes tous sujets au vieillissement (même si nous ne sommes pas tous affectés par la démence de la même manière) pourquoi ne pas développer une approche plus humaine et raisonnable : maintenir du lien social, aider à l’activité, créer un environnement adapté et considérer les personnes atteintes comme nos anciens, comme notre futur, comme nous-mêmes ?

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P
Bon......je devrais être épargnée...koï ke......
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