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l'Europe du travail

l'Europe du travail

On est très affirmatif autour de moi : il est sûr et certain pour beaucoup que l’Europe contraint ses membres dans les réformes libérales du marché du travail.

Du coup, je me demande pourquoi cette question ne semble pas se poser au Royaume Uni, qui, malgré le Brexit, ne trouve rien à redire à sa dérégulation du marché du travail.

Je suis donc allée fouiller dans les différents textes et les prises de position de l’Europe (aussi bien OCDE que Commission Européenne) pour voir ce qui nous serait « imposé » ou non.  

Bon alors et pour rester bien concret et claire, je rappellerais que le droit du travail est essentiellement national  (enfin, je veux dire « relève de chaque pays » et non de la communauté), et d’ailleurs il varie considérablement selon les pays européens.

Les différentes institutions européennes (qu’elles soient communautaires ou non) ne jouent un rôle que dans la préservation de quelques valeurs : ces valeurs concernent la sécurité et la santé au travail essentiellement, de manière à éviter que certains pays ne fassent concurrence aux autres en pratiquant des conditions inhumaines de travail, en un mot en se rapprochant de l’esclavage. C’est pourquoi il y a des temps de repos minimum, par exemple, et des congés minimum qui sont des « normes » européennes. Il y a même un temps de travail maximum, mais cela reste très élevé. (48 heures par semaine pouvant connaitre des dérogations)

Pour le reste : temps de travail, conditions du contrat, du licenciement, et bien sûr coûts du travail etc…, chaque pays se débrouille tout seul. « L'évolution du droit du travail dans l'UE est considérée comme relevant de la compétence des États membres et des partenaires sociaux, tandis que l'acquis communautaire a pour rôle de compléter les actions des États membres. »

 

Alors pourquoi on nous bassine avec le côté INELUCTABLE des réformes du Code du Travail ?

D’abord, pourquoi les autres pays européens ont transformé leurs réglementations du travail ? Ce n’est pas un effet de la crise de 2008, car de nombreux pays européens se sont lancés, bien avant, dans de nombreuses réformes de leurs marchés du travail.

  • Les « recommandations » ne datent pas d’hier :

À partir de 1994, l’OCDE, dans ses Perspectives de l’emploi, pose les réformes structurelles du marché du travail comme une condition pour assurer une dynamique de croissance.

  • Ces recommandations  obéissent à une logique de flexibilité pour les salariés et de sécurisation pour les employeurs.

On y trouve, par exemple, la nécessité de réduire le niveau des indemnités chômage, le besoin de veiller à une meilleure flexibilité des salaires, l’objectif de réduire les indices de protection de l’emploi, ou encore le renforcement des politiques actives du marché du travail, autant d’éléments censés créer un meilleur climat de confiance pour l’entreprise.

  • Des nuances ont toutefois été apportées au vu des résultats contraires obtenus par certains pays, notamment les pays nordiques qui ont au contraire, renforcé la sécurité des salariés.

« De bons résultats peuvent aussi être obtenus avec un système fondé sur la négociation collective et le dialogue social, avec de généreuses prestations et de réelles mesures d’activation pour les demandeurs d’emploi, ainsi que sur une législation protectrice qui aide au dynamisme du marché de l’emploi tout en apportant sécurité aux travailleurs pays. » Texte de présentation de la nouvelle Stratégie pour l’emploi de l’OCDE (2006).

  • Suite au traité d’Amsterdam de 1997, la Stratégie européenne de l’emploi (SEE) de l’Union européenne fait de la réforme du droit du travail un impératif.

Ainsi en 2006, donc bien avant la crise de 2008, est publié le Livre vert intitulé » Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle », dont les bases sont  la « flexicurité » définie à travers quatre composantes, dont la première est « la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelle", et ce, malgré la reconnaissance de l’absence de modèle unique ;

Les reconfigurations successives du cadre de la SEE ont conduit au fil des années à réduire la stratégie de « flexicurité » à la question des « réformes des marchés du travail » en privilégiant l’« assouplissement » du droit du travail, des salaires et du cadre de la négociation collective. Le volet sécurité, ainsi que la diversité des modèles prônés, ont été oubliés notamment au nom des contraintes budgétaires rappelées sans cesse.

  • Les résultats sont cependant loin des prévisions :

Aujourd’hui, les travaux de l’OCDE qui reposaient sur la « certitude » du retour au plein emploi, ne sont plus aussi affirmatifs : une partie des économistes reconnaissent que la flexibilité de l’emploi pourrait, à court et moyen terme, entrainer, au contraire du but recherché , un effet défavorable sur la croissance et l’emploi. La sécurité de l’emploi n’apparait plus aussi négative qu’auparavant.

En Italie, les réformes engagées ont  cherché à assurer une plus grande prévisibilité des procédures de licenciement des salariés en CDI pour « rassurer » l’entreprise afin qu’elle n’ait pas à courir le risque de s’engager dans des procédures longues, incertaines et potentiellement coûteuses. Il s’agit souvent de réduire le pouvoir du juge au profit de l’introduction de sanctions monétaires calculables et provisionnables. Or, l’Italie connait toujours des taux de chômage à deux chiffres pour les jeunes….

Au Danemark, la durée d’indemnisation a été divisée par deux (passant de quatre à deux ans). En Italie et aux Pays-Bas, les conditions d’indemnisation du chômage ont été durcies.

  • Et d’autres politiques de relance sont à l’œuvre :

La focalisation sur les « réformes du marché du travail » fait notamment oublier que les pays mènent des politiques plus larges, comme des politiques industrielles, des politiques macroéconomiques compensatoires ou des politiques de gestion de la main-d’œuvre. C’est ainsi qu’au Danemark, les taux d’imposition sont élevés, le champ du secteur public important et la sécurité de revenu assurée par un niveau élevé de prestations sociales

Au mieux, le taux de chômage se rapproche de ce qu’il était avant la crise (c’est le cas du Danemark, des Pays-Bas) ou bien, il commence à amorcer une légère décrue (c’est le cas de l’Espagne et de l’Italie). Mais dans le même temps, cette baisse du taux de chômage masque des évolutions importantes de la population active : les jeunes repoussent leur entrée sur le marché, tandis que la population en retraite augmente significativement.

Aux Pays bas, le nombre de salariés à temps partiel explose. (près de 40% de la population active) et le taux des chômeurs est ainsi ramené à environ 6% de la population active. Mais comment et de quoi vivent tous ces salariés à temps partiel?

Par ailleurs, les abus les plus criants des contrats zéro heure ont été révélés ; les partenaires sociaux de branche peuvent désormais les interdire et le travail indépendant commence à être réglementé.

Le Royaume-Uni, champion de la dérèglementation, a mis en place un niveau de salaire minimum parmi les plus élevés de l’OCDE.

  • On commence à « retrouver » partout en Europe, les raisons d’un « droit » du travail :

En effet, le droit du travail s’est historiquement construit pour protéger la partie faible au contrat de travail et reconnaître qu’il ne s’agit pas d’un contrat comme un autre, le salarié se retrouvant dans un rapport de subordination face à l’employeur.

 

En Conclusion :

Ce n’est pas l’Europe qui « imposerait » des réformes au-delà des questions de sécurité/santé des salariés.

La France a procédé à plus de 150 réformes du droit du travail en 15 ans.

A supposer que la France ait un « retard » de libéralisation du travail, cela ne voudrait pas dire qu’elle s’est trompée, comme ne témoignent les réussites des pays nordiques.

La libéralisation qui consiste à fragiliser le salarié et à sécuriser l’entrepreneur, ne garantit rien sur l’emploi.

D’ailleurs, les fonds d’investissements qui viennent apporter de la dette (transfert de la dette d’achat de l’entreprise à l’entreprise elle-même), ne se  soucient que fort peu de l’emploi.

J’y reviendrai.

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