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"Ils" sont devenus fous!

"Ils" sont devenus fous! "Ils" sont devenus fous!

Histoire d'un coup de gueule.

Tout avait bien commencé. C’était une riante journée de mai, entre Quimper et Lorient, Auray et Quiberon.

Question décor, et outre la présence constante et verdoyante de la mer, les paysages sont illuminés par les genêts d’or, fleuris jusqu’à l’impossible à travers la lande. Les bruyères vagabondes commencent à se déplier, dans leurs coquilles de verdure, jetant çà et là des reflets mauves. Tout est vert, luxueusement arrosé, et les embruns arrivent même à dorloter des palmiers, jasmins et plantes grasses, qui se réveillent d’un doux hiver.Pour l’urbanisme, on trouve partout de petites maisons, posées à même le sol, et blanchies à la chaux, aux toits d’ardoise, regroupées dans des villages charmants. Les volets sont bleus, tout est soigné, le vent et les goélands se chargent des miettes qui seraient restées à quai. Tout est clean, les bateaux repeints de frais, la nature au meilleur de sa forme.

C’était la saison des roses : devant toutes les maisons, des rosiers de Ronsard, soulignaient les portes d’entrées et les fenêtres. Le climat océanique et l’acidité de la terre faisaient éclater les bourgeons en grappes de fleurs fardées, des chiffonnades de perles roses, une merveille de délicatesse et d’harmonie.

J’ajoute qu’on reconnaitrait entre des millions un paysage breton tellement la lumière, les paysages, les villes et villages, les églises même, sont typiques. D’ailleurs, Pont Aven a donné presque naissance à Gauguin, et avec lui, à toute une école de peinture connue dans le monde entier.

J’étais dans un taxi. Le chauffeur, bien propre sur lui, et s’exprimant avec aisance, (et même dans un français soigné) conduisait une sorte de van.

Après les échanges d’usage sur le temps qu’il a fait, qu’il fait, qu’il va faire, je pose quelques questions de politesse toujours sur son métier. Est-ce que le taxi, ça roule dans le Morbihan ? Et quid de la concurrence avec les UBER et VTC ?

Tout va bien, me répond-il, il y a bien un VTC qui a tenté de s’installer mais il a vite fermé boutique.

Lui transporte avec son van, des personnes âgées, des enfants handicapés, mais aussi des voyageurs bien chargés, des groupes. Il est heureux de l’arrivée du TGV qui aura pour conséquence, un afflux de clientèle jusqu’aux gares enclavées du Golfe. Et comme beaucoup de riches parisiens ont des résidences secondaires, le commerce du taxi se présente très bien.

D’ailleurs sa femme et sa fille conduisent aussi des taxis et il a également pu embaucher un employé. Il fait beaucoup d’heures, mais tous les taxis font de même. Je questionne sur le prix de la licence : autour de 200 000 euros, donc ce brave homme possède au moins 800 000 euros, seulement en licences. Je suis ravie, il est prospère, c’est bien.

Quand on parlait de la Bretagne, dans ma jeunesse, on pensait à des terres relativement pauvres, sans industries, si ce n’est celle, douloureuse et souvent tragique, de la pêche. L’Est de la France semblait plus chanceux en raison de sa vitalité industrielle.

Les choses ont bien changé et la prospérité a changé de pôle : c’est aujourd’hui l’Ouest qui, malgré les aléas de l’agriculture, attire, du moins dans sa façade atlantique, toutes les richesses.

Pas de poches apparentes de misère le long du littoral, pas de banlieues déshéritées, pas de territoires oubliés de la République. Tant mieux, même si je ne me berce pas d’illusions, il y a bien sûr, et comme partout, de l’injustice et des inégalités.

Mais rien de bien visible comme ce que je connais à Paris et dans ses banlieues.

J’en reviens à mon chauffeur de taxi. Après m’avoir expliqué comment tout va bien pour lui, le voilà qui s’embarque dans des allusions politiques que je ne relève pas.

Et il en conclut : « Voilà, considérant les élections actuelles et la situation de la France, je vends tout, très vite et je vais m’installer au Portugal ».

Devant mon regard stupéfait, il ajoute :

- « Vous comprenez, on n’est plus chez nous ».

Comment ça, on n’est plus chez nous ?

Je viens de raconter comment la Bretagne a gardé tout son charme d’antan, comment je n’y vois ni Chinatown, ni minarets, ni gratte-ciels, ni bidonvilles. Pas trace d’un souk, d’un marchand de curry, ou de gandouras, ou de, je ne sais pas, des trucs exotiques qui pourraient gâcher l’ambiance, ou du moins la rendre plus hétérogène, comme des bistrots à chichas, des charriots tirés par des ânes, ou des dromadaires, ou des vaches dans les rues. Non, rien de tout ça, absolument rien.

J’écarquille les yeux mais vraiment, je ne comprends pas ce qu’il veut dire. Peut-être que je comprendrais si j’étais dans un quartier de Belleville ou de Saint Denis, mais là, bernicle, je ne vois rien à l’horizon qui puisse me dépayser, rien si ce n’est les genêts d’or, les volets bleus, les rochers où l’écume fabrique son coton, les goélands, les bateaux tout bien peints en bleu.

Je ne sais plus quoi dire…et tout à coup, je pense que ce brave homme va aller au Portugal. C’est possible que ça ressemble un peu à la Bretagne, mais les portugais devraient moins se sentir chez eux si tous les bretons viennent s’installer là-bas. Je n’ai même pas demandé s’il parlait portugais tellement c’était évident que non.

Il avait pourtant l’air sain d’esprit mon chauffeur de taxi.

Je me demande bien si nous (nous, français, car j’ai bien entendu déjà plusieurs fois cette remarque, il n’est pas un cas isolé) ne marchons pas sur la tête.

Je sais bien que nous avons tendance au mélodrame, au tragique, et même à transformer la réalité de telle sorte que seuls les problèmes nous préoccupent, mais tout de même ! S’aveugler au point de ne plus reconnaitre ce qu’il y a de si beau en France, trouver que tout doit être abandonné, jeté aux orties parce que le monde change, alors même que dans cette région, le monde n’a pu changer qu’en mieux, qu’en meilleur, comment est-ce possible ? !

Mon prochain post sera l’analyse de notre identité, c’est sûr que j’ai dû rater une marche, je ne comprends pas , alerte !!!!

"Ils" sont devenus fous!
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